Un gestionnaire de cimetière rappelle que le cercueil ne peut contenir qu'un corps, selon l'article R. 2213-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT), et que la fermeture du cercueil, prévue par l'article R. 2213-17 du CGCT est conditionnée par l'autorisation du maire délivrée au vu du certificat de décès. En conséquence, l'inhumation au cimetière d'une pièce anatomique est illégale.
1 - Problème de la récupération d’une pièce anatomique par un patient amputé
Par ailleurs, ce gestionnaire cite l'article L. 541-1 du code de l'environnement donnant la définition d'un déchet, cette définition devant se comprendre "au sens du présent article" et ne pouvant par conséquent s'appliquer aux pièces anatomiques du code de la santé publique. Par conséquent, la définition du déchet donnée par le code de l’environnement ("tout bien meuble destinée à l’abandon") ne s’applique pas à une pièce anatomique puisque les produits humains, étant hors commerce, ne peuvent être des biens.
Enfin, l’établissement de santé est le détenteur de la pièce anatomique puisque le malade en demande la restitution. Le code de la santé publique impose alors à l’hôpital d’assurer l’incinération de la pièce anatomique.
En plus de ces difficultés juridiques, il est nécessaire de considérer l’absence totale de réglementation sur la pièce anatomique récupérée par le patient. Ainsi, il est complètement déraisonnable de laisser partir un malade avec sa pièce anatomique sans savoir ce qu’il en fera : pas de surveillance de la police, pas de règles de transport, pas de destination précise et enregistrée.
Pour toutes ces raisons, il semble contraire au service public de permettre qu’un malade amputé récupère sa pièce anatomique.
Par ailleurs, ce gestionnaire cite l'article L. 541-1 du code de l'environnement donnant la définition d'un déchet, cette définition devant se comprendre "au sens du présent article" et ne pouvant par conséquent s'appliquer aux pièces anatomiques du code de la santé publique. Par conséquent, la définition du déchet donnée par le code de l’environnement ("tout bien meuble destinée à l’abandon") ne s’applique pas à une pièce anatomique puisque les produits humains, étant hors commerce, ne peuvent être des biens.
Enfin, l’établissement de santé est le détenteur de la pièce anatomique puisque le malade en demande la restitution. Le code de la santé publique impose alors à l’hôpital d’assurer l’incinération de la pièce anatomique.
En plus de ces difficultés juridiques, il est nécessaire de considérer l’absence totale de réglementation sur la pièce anatomique récupérée par le patient. Ainsi, il est complètement déraisonnable de laisser partir un malade avec sa pièce anatomique sans savoir ce qu’il en fera : pas de surveillance de la police, pas de règles de transport, pas de destination précise et enregistrée.
Pour toutes ces raisons, il semble contraire au service public de permettre qu’un malade amputé récupère sa pièce anatomique.
2 - Principes de réflexion en matière juridique
En droit français, tout découle de la loi, elle-même étant soumise à la Constitution.
Le permis d’inhumer résulte nécessairement d’un article législatif ; donc avant de regarder ce permis d’inhumer, regardons les articles législatifs qui conditionnent les pièces anatomiques et le permis d’inhumer : peut-être que ce permis n’est plus à jour, ou est périmé ou ne s’applique pas à la pièce anatomique. Seul l’examen des articles législatifs donnera la validité du permis d’inhumer et de toute action possible en matière d’élimination de pièce anatomique.
La Constitution, et plus précisément la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, stipule, en son article 5, que "Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas."
On en déduit que seule la loi peut imposer une contrainte et que tout ce qui n’est pas prévu par la loi est libre.
Examinons donc la partie législative du code de la santé publique pour savoir à qui appartient une pièce anatomique amputée. Cette position juridique sera ensuite confrontée à la pratique des établissements sanitaires, puis au code général des collectivités territoriales et au code de l’environnement.
3 - Possession d’une pièce anatomique au sens du code de la santé publique
L’article L. 1211-1 du code de la santé publique (CSP) précise que la cession d'éléments du corps humain est régie par le code civil. L'article 16-1 du code civil prescrit que les éléments du corps humain ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. Il est donc certain que la pièce anatomique appartient à la personne à laquelle elle est rattachée et ne peut être vendue.
En conséquence, l’article R. 1335-11 du CSP destine à la crémation, par l’établissement de santé, les pièces anatomiques destinées à l’abandon lorsque, et seulement lorsque, le patient abandonne sa jambe amputée à l'hôpital.
Si le patient réclame sa jambe à l’établissement de santé, c'est parce que l'hôpital ne l'a pas informé de ses droits et que l'hôpital poursuit ses habitudes en supposant que le patient ne veut pas conserver un membre amputé.
Or les personnes de confession juive et musulmane sont opposées à la crémation, ce qui justifie leur demande de récupérer un membre pour le déposer dans un cimetière.
L’article 16-1 du code civil a été modifié par la loi relative au respect du corps humain pour permettre les dons d’organe et les dons de sang.
On constate que le fondement juridique de la restitution d'un membre amputé découle des aspects éthiques posés par la loi en matière de dons d’organes et de dons du sang. La restitution d’un membre amputé à son propriétaire est donc juridiquement claire, même si ses conséquences pratiques n’ont pas été analysées et rédigées.
Conformément à l’article R. 1335-11 du CSP, un malade amputé doit donc pouvoir récupérer sa pièce anatomique. Mais il manque encore toutes les règles d’autorisation, de transport et de destination. Nous proposerons des pistes de réflexion après avoir regardé si le code de la santé publique impose une incinération dans tous les cas par mesure d’hygiène publique et étudié le permis d’inhumer.
S’il en était besoin, l’article L. 1211-2 du CSP vient confirmer l’appartenance du membre amputé au patient en ce qu’il prescrit : "Le prélèvement d’éléments du corps humain et la collecte de ces produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur".
En conclusion, même si l’article R. 1335-11 du CSP n’existait pas, l’établissement de santé devrait demander le consentement du patient avant d’incinérer sa pièce anatomique.
4 - Cas particulier des bébés mort-nés
Il faut souligner la circulaire n° 2001-576 du 30 novembre 2001 relative à l’enregistrement à l’état civil et à la prise en charge des corps des enfants décédés avant leur déclaration de naissance. En effet, cette circulaire rappelle que certaines communes acceptent l’accueil dans leur cimetière d’enfants non inscrits à l’état civil, qui entrent par conséquent dans la catégorie des pièces anatomiques.
À ce stade, il est nécessaire de préciser les règles d’inscription à l’état civil des bébés mort-nés définies par la circulaire n° 2001-576 du 30 novembre 2001 relative à l’enregistrement à l’état civil et à la prise en charge des corps des enfants décédés avant la déclaration de naissance :
- pour un bébé de moins de 500 grammes et moins de 22 semaines d’aménorrhée, selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il n’existe pas de possibilité d’inscription à l’état civil. Il en résulte que ce bébé mort-né est classé et traité comme une pièce anatomique, une exception étant faite pour les enfants réclamés par leur famille et détaillée plus loin.
- pour un bébé de plus de 500 g ou plus de 22 semaines d’aménorrhée, l’enfant reconnu vivant et viable par un certificat médical est inscrit à l’état civil, en tant que personne née et décédée, avec obligation d’inhumation ou de crémation à la charge de la famille.
- pour un bébé de plus de 500 g ou plus de 22 semaines d’aménorrhée, l’enfant né vivant, mais décédé avant sa déclaration de naissance et ne disposant pas d’un certificat médical certifiant qu’il est né vivant et viable, est inscrit à l’état civil en tant qu’enfant sans vie.
L’enfant inscrit sans vie à l’état civil n’est pas une personne née et décédée : il n’a donc pas droit à une place obligatoire dans le cimetière. C’est un état juridique qui se situe entre la pièce anatomique d’une part et le bébé né et décédé d’autre part. En effet, l’article 79-1 du code civil précise que "L’acte d’enfant sans vie ne préjuge pas si l’enfant a vécu ou non : tout intéressé pourra saisir le tribunal de grande instance à l’effet de statuer sur la question".
L’inscription de l’enfant sans vie à l’état civil débouche donc sur trois situations juridiques :
- le tribunal, saisi par la famille, a reconnu que l’enfant a vécu ; dans ce cas, l’enfant est inscrit à l’état civil en tant que personne née puis décédée et sa famille procède à ses funérailles, comme pour tout décès, éventuellement avec l’appui financier du bureau communal d’aide sociale ;
- le tribunal, saisi par la famille, statue que l’enfant n’a pas vécu. Il n’est donc pas une personne née et décédée ayant droit à une place dans le cimetière. Mais il reste inscrit à l’état civil en tant qu’enfant sans vie reconnu par le tribunal ;
- la famille n’a pas saisi le tribunal et l’enfant reste inscrit à l’état civil en tant qu’enfant sans vie.
Il est à noter que la Cour de cassation, dans son arrêt n°128 du 6 février 2008, a statué que la circulaire du 29 mars 2002 fixant les critères de pièce anatomique était illégale puisque la loi (article 79-1, alinéa 2, du code civil) ne donnait aucun délai d’inscription à l’état civil. Étant donné les conséquences de cet arrêt, les députés et sénateurs ont convenu, lors des discussions relatives à la loi funéraire du 19 décembre 2008, que cette inscription à l’état civil méritait un projet de loi spécifique.
La circulaire n° 2001-576 du 30 novembre 2001 observe que cette procédure d’accueil des bébés mort-nés au cimetière ne peut être remise en cause, étant donné le caractère douloureux de ce décès, mais sans rappeler que cet accueil au cimetière est conforme à l’article R. 2213-16 du CGCT qui est détaillé au point 6.
Cette circulaire rappelle qu’il n’existe pas de normes minimales et que les entreprises de pompes funèbres doivent adapter rituel et cercueil à la situation particulière tout en assurant un service digne. Les mêmes règles devront entourer la remise d’une pièce anatomique.
L’article L. 1211-1 du code de la santé publique (CSP) précise que la cession d'éléments du corps humain est régie par le code civil. L'article 16-1 du code civil prescrit que les éléments du corps humain ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. Il est donc certain que la pièce anatomique appartient à la personne à laquelle elle est rattachée et ne peut être vendue.
En conséquence, l’article R. 1335-11 du CSP destine à la crémation, par l’établissement de santé, les pièces anatomiques destinées à l’abandon lorsque, et seulement lorsque, le patient abandonne sa jambe amputée à l'hôpital.
Si le patient réclame sa jambe à l’établissement de santé, c'est parce que l'hôpital ne l'a pas informé de ses droits et que l'hôpital poursuit ses habitudes en supposant que le patient ne veut pas conserver un membre amputé.
Or les personnes de confession juive et musulmane sont opposées à la crémation, ce qui justifie leur demande de récupérer un membre pour le déposer dans un cimetière.
L’article 16-1 du code civil a été modifié par la loi relative au respect du corps humain pour permettre les dons d’organe et les dons de sang.
On constate que le fondement juridique de la restitution d'un membre amputé découle des aspects éthiques posés par la loi en matière de dons d’organes et de dons du sang. La restitution d’un membre amputé à son propriétaire est donc juridiquement claire, même si ses conséquences pratiques n’ont pas été analysées et rédigées.
Conformément à l’article R. 1335-11 du CSP, un malade amputé doit donc pouvoir récupérer sa pièce anatomique. Mais il manque encore toutes les règles d’autorisation, de transport et de destination. Nous proposerons des pistes de réflexion après avoir regardé si le code de la santé publique impose une incinération dans tous les cas par mesure d’hygiène publique et étudié le permis d’inhumer.
S’il en était besoin, l’article L. 1211-2 du CSP vient confirmer l’appartenance du membre amputé au patient en ce qu’il prescrit : "Le prélèvement d’éléments du corps humain et la collecte de ces produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur".
En conclusion, même si l’article R. 1335-11 du CSP n’existait pas, l’établissement de santé devrait demander le consentement du patient avant d’incinérer sa pièce anatomique.
4 - Cas particulier des bébés mort-nés
Il faut souligner la circulaire n° 2001-576 du 30 novembre 2001 relative à l’enregistrement à l’état civil et à la prise en charge des corps des enfants décédés avant leur déclaration de naissance. En effet, cette circulaire rappelle que certaines communes acceptent l’accueil dans leur cimetière d’enfants non inscrits à l’état civil, qui entrent par conséquent dans la catégorie des pièces anatomiques.
À ce stade, il est nécessaire de préciser les règles d’inscription à l’état civil des bébés mort-nés définies par la circulaire n° 2001-576 du 30 novembre 2001 relative à l’enregistrement à l’état civil et à la prise en charge des corps des enfants décédés avant la déclaration de naissance :
- pour un bébé de moins de 500 grammes et moins de 22 semaines d’aménorrhée, selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il n’existe pas de possibilité d’inscription à l’état civil. Il en résulte que ce bébé mort-né est classé et traité comme une pièce anatomique, une exception étant faite pour les enfants réclamés par leur famille et détaillée plus loin.
- pour un bébé de plus de 500 g ou plus de 22 semaines d’aménorrhée, l’enfant reconnu vivant et viable par un certificat médical est inscrit à l’état civil, en tant que personne née et décédée, avec obligation d’inhumation ou de crémation à la charge de la famille.
- pour un bébé de plus de 500 g ou plus de 22 semaines d’aménorrhée, l’enfant né vivant, mais décédé avant sa déclaration de naissance et ne disposant pas d’un certificat médical certifiant qu’il est né vivant et viable, est inscrit à l’état civil en tant qu’enfant sans vie.
L’enfant inscrit sans vie à l’état civil n’est pas une personne née et décédée : il n’a donc pas droit à une place obligatoire dans le cimetière. C’est un état juridique qui se situe entre la pièce anatomique d’une part et le bébé né et décédé d’autre part. En effet, l’article 79-1 du code civil précise que "L’acte d’enfant sans vie ne préjuge pas si l’enfant a vécu ou non : tout intéressé pourra saisir le tribunal de grande instance à l’effet de statuer sur la question".
L’inscription de l’enfant sans vie à l’état civil débouche donc sur trois situations juridiques :
- le tribunal, saisi par la famille, a reconnu que l’enfant a vécu ; dans ce cas, l’enfant est inscrit à l’état civil en tant que personne née puis décédée et sa famille procède à ses funérailles, comme pour tout décès, éventuellement avec l’appui financier du bureau communal d’aide sociale ;
- le tribunal, saisi par la famille, statue que l’enfant n’a pas vécu. Il n’est donc pas une personne née et décédée ayant droit à une place dans le cimetière. Mais il reste inscrit à l’état civil en tant qu’enfant sans vie reconnu par le tribunal ;
- la famille n’a pas saisi le tribunal et l’enfant reste inscrit à l’état civil en tant qu’enfant sans vie.
Il est à noter que la Cour de cassation, dans son arrêt n°128 du 6 février 2008, a statué que la circulaire du 29 mars 2002 fixant les critères de pièce anatomique était illégale puisque la loi (article 79-1, alinéa 2, du code civil) ne donnait aucun délai d’inscription à l’état civil. Étant donné les conséquences de cet arrêt, les députés et sénateurs ont convenu, lors des discussions relatives à la loi funéraire du 19 décembre 2008, que cette inscription à l’état civil méritait un projet de loi spécifique.
La circulaire n° 2001-576 du 30 novembre 2001 observe que cette procédure d’accueil des bébés mort-nés au cimetière ne peut être remise en cause, étant donné le caractère douloureux de ce décès, mais sans rappeler que cet accueil au cimetière est conforme à l’article R. 2213-16 du CGCT qui est détaillé au point 6.
Cette circulaire rappelle qu’il n’existe pas de normes minimales et que les entreprises de pompes funèbres doivent adapter rituel et cercueil à la situation particulière tout en assurant un service digne. Les mêmes règles devront entourer la remise d’une pièce anatomique.
5 - Obligation d’incinération des pièces anatomiques
Bien que le patient récupère sa pièce anatomique, le code de la santé publique pourrait lui imposer de l’incinérer pour des raisons d’hygiène publique, le principe de précaution l’emportant sur le souhait de récupération du membre amputé par un patient opposé à l’incinération. Cette position juridique n’est pas seulement théorique : la crémation des personnes pourrait être imposée en cas d’attaque terroriste par l’anthrax ou maladie du charbon, car les spores survivent dans le sol.
Dans le code de la santé publique, aucun article législatif ne vient imposer l’incinération des pièces anatomiques et contredire l’article L. 1211-1 du CSP. Le seul article législatif du code de la santé publique relatif aux déchets, qui est l’article L. 1335-2, précise que les dispositions relatives aux déchets sont celles du code de l’environnement.
Par conséquent, le patient propriétaire du membre amputé est prioritaire pour le choix de la destination de la pièce anatomique, conformément à l’article L. 16-1 du code civil.
Cette priorité est confirmée par l’article R. 1335-11 du CSP qui impose l’incinération des seules "pièces anatomiques d’origine humaine destinées à l’abandon". La seule explication possible de l’expression "destinées à l’abandon" est que le malade se désintéresse de son membre amputé, ce qui est le cas le plus fréquent. C’est dans ce cas seulement que la pièce anatomique abandonnée est crématisée par l’établissement de santé.
En cas de don du corps à la science, le corps est donné à une université de médecine pour la formation des médecins et des chirurgiens. Après cette formation, la pièce anatomique est destinée à l’abandon par son détenteur et la pièce anatomique est alors incinérée conformément au CSP. Puisqu’il y a eu don du corps, cette procédure est conforme à l’article L. 1211-1 du CSP.
Il est à noter que cette particularité de la pièce anatomique destinée à l’abandon ne s’applique qu’aux pièces anatomiques reconnaissables et non aux déchets d’activités de soins ni aux pièces anatomiques non reconnaissables, pour lesquels l’incinération ou la désinfection sont obligatoires.
Bien que le patient récupère sa pièce anatomique, le code de la santé publique pourrait lui imposer de l’incinérer pour des raisons d’hygiène publique, le principe de précaution l’emportant sur le souhait de récupération du membre amputé par un patient opposé à l’incinération. Cette position juridique n’est pas seulement théorique : la crémation des personnes pourrait être imposée en cas d’attaque terroriste par l’anthrax ou maladie du charbon, car les spores survivent dans le sol.
Dans le code de la santé publique, aucun article législatif ne vient imposer l’incinération des pièces anatomiques et contredire l’article L. 1211-1 du CSP. Le seul article législatif du code de la santé publique relatif aux déchets, qui est l’article L. 1335-2, précise que les dispositions relatives aux déchets sont celles du code de l’environnement.
Par conséquent, le patient propriétaire du membre amputé est prioritaire pour le choix de la destination de la pièce anatomique, conformément à l’article L. 16-1 du code civil.
Cette priorité est confirmée par l’article R. 1335-11 du CSP qui impose l’incinération des seules "pièces anatomiques d’origine humaine destinées à l’abandon". La seule explication possible de l’expression "destinées à l’abandon" est que le malade se désintéresse de son membre amputé, ce qui est le cas le plus fréquent. C’est dans ce cas seulement que la pièce anatomique abandonnée est crématisée par l’établissement de santé.
En cas de don du corps à la science, le corps est donné à une université de médecine pour la formation des médecins et des chirurgiens. Après cette formation, la pièce anatomique est destinée à l’abandon par son détenteur et la pièce anatomique est alors incinérée conformément au CSP. Puisqu’il y a eu don du corps, cette procédure est conforme à l’article L. 1211-1 du CSP.
Il est à noter que cette particularité de la pièce anatomique destinée à l’abandon ne s’applique qu’aux pièces anatomiques reconnaissables et non aux déchets d’activités de soins ni aux pièces anatomiques non reconnaissables, pour lesquels l’incinération ou la désinfection sont obligatoires.
6 - Permis d’inhumer et pièce anatomique
Le code général des collectivités territoriales (CGCT) précise dans son article L. 2223-1 que le cimetière est consacré à l’inhumation des morts, c'est-à-dire des personnes décédées. La précision des "personnes"découle de l’article L. 2223-13 du CGCT qui précise que des concessions peuvent être mises en place pour les personnes désirant y fonder leur sépulture et celles de leurs enfants et successeurs.
La seule interdiction découlant de ces articles a été jugée par le Conseil d’État, le 17 avril 1963, dans sa requête n° 36746, Sieur Blois, qui a interdit l’inhumation d’un animal, un chien dénommé Felix, au motif que le cimetière est réservé aux personnes - êtres humains.
On pourrait donc conclure de cet article L. 2223-1 du CGCT que le cimetière n’accepte que les corps humains entiers des personnes décédées et non les pièces anatomiques reconnaissables, sachant que, depuis la loi funéraire du 19 décembre 2008, le cimetière est également destiné à recevoir les cendres des personnes crématisées.
Mais trois données s’y opposent :
1 - la Constitution permet tout ce qui n’est pas interdit par la loi ; l’inhumation de pièces anatomiques serait donc possible. Le cas de Felix est différent puisque Felix n’était pas une personne ou un morceau de personne humaine, alors que l’article L. 2331-1 du CGCT visait les personnes.
2 - avant la loi funéraire du 19 décembre 2008, le cimetière acceptait les cendres humaines même si ce n’était pas spécifié dans la loi. Ces restes mortels spéciaux de personnes humaines étaient donc acceptés dans le cimetière sans la loi du 19 décembre 2008 le spécifiant, ce qui confirme l’autorisation de la Constitution.
3 - l’article R. 2213-16 du CGCT précise qu’il n’est admis qu’un seul corps dans chaque cercueil. Toutefois, cet article permet également la mise en bière dans un même cercueil d’une mère décédée avec ses enfants mort-nés, ou de plusieurs enfants mort-nés de la même mère.
Cet article date de Napoléon 1er et il n’existait pas à l’époque de distinction entre les bébés viables ou non. Par conséquent, cet article vise également les fœtus non viables qui sont des pièces anatomiques reconnaissables la plupart du temps.
En dessous de deux mois, il est possible que le fœtus ne soit pas reconnaissable. Dans ce cas, il est incinéré comme un déchet d’activités de soins dans une usine d’incinération d’ordures ménagères. Il me semble par conséquent que le fœtus doive toujours être considéré comme une pièce anatomique reconnaissable, afin que, même abandonné, il ne soit pas incinéré avec des ordures ménagères. C’est le moindre des respects pour un être humain en devenir. Ce point devra être revu lorsque la loi précisera les critères de viabilité d’un fœtus, ainsi que l’avaient promis les députés et sénateurs lors des discussions relatives à la loi funéraire du 19 décembre 2008.
Si l’article R . 2213-16 du CGCT admet la possibilité de recevoir des fœtus - pièces anatomiques dans un cimetière, il n’existe donc aucune raison d’exclure les autres pièces anatomiques.
Par ailleurs, l’article R. 2213-31 du CGCT impose que le corps d’une personne décédée ne puisse être inhumée dans un cimetière qu’après délivrance de l’autorisation du maire qui est appelée permis d’inhumer. Ce permis d’inhumer ne vise que les personnes et est l’application d’une partie seulement de l’article L. 2223-1 du CGCT. Ce permis d’inhumer devrait s’appliquer également aux bébés mort-nés, donc aux pièces anatomiques.
Rien n’empêche de créer à côté du permis d’inhumer une personne, un permis d’inhumer une pièce anatomique pour légaliser cette procédure. On peut noter que des fœtus mort-nés ont certainement déjà été inhumés dans un cimetière, dans le carré dénommé des anges, sans cette nouvelle procédure à créer. À cette occasion, le maire a dû établir un permis d’inhumer établi au nom des enfants de Mme X, la maman, sans que quiconque soit choqué.
Avant de proposer des solutions pour cette inhumation de pièce anatomique, voyons le code de l’environnement et le rapport existant entre les déchets du code l’environnement et les pièces anatomiques.
7 - Rapport entre les déchets du code de l’environnement et les pièces anatomiques
Le code général des collectivités territoriales (CGCT) précise dans son article L. 2223-1 que le cimetière est consacré à l’inhumation des morts, c'est-à-dire des personnes décédées. La précision des "personnes"découle de l’article L. 2223-13 du CGCT qui précise que des concessions peuvent être mises en place pour les personnes désirant y fonder leur sépulture et celles de leurs enfants et successeurs.
La seule interdiction découlant de ces articles a été jugée par le Conseil d’État, le 17 avril 1963, dans sa requête n° 36746, Sieur Blois, qui a interdit l’inhumation d’un animal, un chien dénommé Felix, au motif que le cimetière est réservé aux personnes - êtres humains.
On pourrait donc conclure de cet article L. 2223-1 du CGCT que le cimetière n’accepte que les corps humains entiers des personnes décédées et non les pièces anatomiques reconnaissables, sachant que, depuis la loi funéraire du 19 décembre 2008, le cimetière est également destiné à recevoir les cendres des personnes crématisées.
Mais trois données s’y opposent :
1 - la Constitution permet tout ce qui n’est pas interdit par la loi ; l’inhumation de pièces anatomiques serait donc possible. Le cas de Felix est différent puisque Felix n’était pas une personne ou un morceau de personne humaine, alors que l’article L. 2331-1 du CGCT visait les personnes.
2 - avant la loi funéraire du 19 décembre 2008, le cimetière acceptait les cendres humaines même si ce n’était pas spécifié dans la loi. Ces restes mortels spéciaux de personnes humaines étaient donc acceptés dans le cimetière sans la loi du 19 décembre 2008 le spécifiant, ce qui confirme l’autorisation de la Constitution.
3 - l’article R. 2213-16 du CGCT précise qu’il n’est admis qu’un seul corps dans chaque cercueil. Toutefois, cet article permet également la mise en bière dans un même cercueil d’une mère décédée avec ses enfants mort-nés, ou de plusieurs enfants mort-nés de la même mère.
Cet article date de Napoléon 1er et il n’existait pas à l’époque de distinction entre les bébés viables ou non. Par conséquent, cet article vise également les fœtus non viables qui sont des pièces anatomiques reconnaissables la plupart du temps.
En dessous de deux mois, il est possible que le fœtus ne soit pas reconnaissable. Dans ce cas, il est incinéré comme un déchet d’activités de soins dans une usine d’incinération d’ordures ménagères. Il me semble par conséquent que le fœtus doive toujours être considéré comme une pièce anatomique reconnaissable, afin que, même abandonné, il ne soit pas incinéré avec des ordures ménagères. C’est le moindre des respects pour un être humain en devenir. Ce point devra être revu lorsque la loi précisera les critères de viabilité d’un fœtus, ainsi que l’avaient promis les députés et sénateurs lors des discussions relatives à la loi funéraire du 19 décembre 2008.
Si l’article R . 2213-16 du CGCT admet la possibilité de recevoir des fœtus - pièces anatomiques dans un cimetière, il n’existe donc aucune raison d’exclure les autres pièces anatomiques.
Par ailleurs, l’article R. 2213-31 du CGCT impose que le corps d’une personne décédée ne puisse être inhumée dans un cimetière qu’après délivrance de l’autorisation du maire qui est appelée permis d’inhumer. Ce permis d’inhumer ne vise que les personnes et est l’application d’une partie seulement de l’article L. 2223-1 du CGCT. Ce permis d’inhumer devrait s’appliquer également aux bébés mort-nés, donc aux pièces anatomiques.
Rien n’empêche de créer à côté du permis d’inhumer une personne, un permis d’inhumer une pièce anatomique pour légaliser cette procédure. On peut noter que des fœtus mort-nés ont certainement déjà été inhumés dans un cimetière, dans le carré dénommé des anges, sans cette nouvelle procédure à créer. À cette occasion, le maire a dû établir un permis d’inhumer établi au nom des enfants de Mme X, la maman, sans que quiconque soit choqué.
Avant de proposer des solutions pour cette inhumation de pièce anatomique, voyons le code de l’environnement et le rapport existant entre les déchets du code l’environnement et les pièces anatomiques.
7 - Rapport entre les déchets du code de l’environnement et les pièces anatomiques
Le code de la santé publique comporte les articles R.1335-1 à R. 1335-8 relatifs aux déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) et les articles R. 1335-9 à R. 1335-12 relatifs aux pièces anatomiques. Avant que ces articles soient codifiés, ils ont été pris par un décret en Conseil d’État, c'est-à-dire que le Conseil d’État a regardé la compatibilité de ce décret avec les autres textes et codes.
Conformément à l’article L. 1335-1 du code de la santé publique (CSP), les dispositions relatives aux déchets d’activités de soins à risques infectieux sont celles de la loi du 15 juillet 1975 relatives à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux, loi qui est désormais intégrée dans le code de l’environnement (CE) à l’article L. 541-1 et suivants.
La première conséquence de cet article L. 1335-21 du CSP est qu’il n’y a pas de définition du déchet dans le code de la santé publique. La définition du déchet figure à l’article L. 541-1 du CE.
L’article L. 541-13 du CE s’applique également : le Conseil régional institue un plan d’élimination des déchets industriels spéciaux, dont font partie les DASRI. Ce plan indique où vont les DASRI produits en Île-de-France, si les centres d’élimination franciliens acceptent les DASRI des régions limitrophes et les voies d’amélioration de la récupération des DASRI.
L’article R. 1335-9 du CSP précise que les pièces anatomiques sont des organes ou des membres aisément reconnaissables par un non-spécialiste. A contrario, les pièces anatomiques non reconnaissables sont des déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) et sont éliminés comme tels.
Les pièces anatomiques non reconnaissables sont donc des DASRI et éliminées avec eux. Du placenta récupéré pour des études ou pour qu’on en extraie des hormones, une fois utilisé, devient un DASRI et est éliminé par incinération.
Par respect pour les pré-êtres humains que sont les fœtus de moins de 500 g ou moins de 22 semaines d’aménorrhée, ils devraient être considérés comme des pièces anatomiques et non des DASRI, afin d’être incinérés dans un crématorium et non avec des DASRI dans une usine d’incinération d’ordures ménagères.
Les déchets d’activités de soins à risques infectieux étant des déchets dangereux, leur élimination est contrôlée par un bordereau de suivi imposé par l’article R. 541-45 du CE : ce bordereau de suivi de l’élimination du déchet dangereux est signé par le producteur, le collecteur et l’éliminateur afin que chacun s’engage sur la conformité de l’élimination.
Les bordereaux de suivi des DASRI (document CERFA 11351* 01) et des pièces anatomiques (document CERFA 11350* 01), imposés par l’arrêté du 7 septembre 1999 relatif au contrôle des filières d’élimination des DASRI et assimilés et des pièces anatomiques, respectent cet article R. 541-45 du CE.
Le bordereau de suivi de la pièce anatomique présente une particularité par rapport au bordereau de DASRI : l’établissement de santé attribue un numéro à chaque pièce anatomique pour la rendre anonyme et que le secret médical du patient soit préservé, tout en maintenant le suivi de l’élimination depuis le patient jusqu’au crématorium.
8 - Pistes d’évolution de la réglementation
Je connais personnellement un médecin de l’armée qui avait procédé à l’amputation d’un doigt d’un soldat. Ce doigt, étant reconnaissable, avait été crématisé, conformément à la réglementation du code de la santé publique.
Malheureusement pour ce médecin qui avait respecté la réglementation, le soldat était de religion musulmane, donc opposé à la crémation. Il a porté plainte au tribunal au prétexte que son doigt aurait dû être inhumé afin qu’il le retrouve au moment de la résurrection des morts.
Le tribunal a donné raison à ce soldat puisque le médecin n’avait pas fait signer au soldat, avant l’opération, un certificat comme quoi le soldat abandonnait son doigt et laissait l’hôpital se charger de son élimination. Ce certificat aurait démontré que la pièce anatomique était bien destinée à l’abandon.
Ce jugement conforte l’analyse juridique précédente même si la procédure de dépôt au cimetière par le malade amputé n’existe pas encore.
Mais cette procédure est beaucoup trop lourde pour être appliquée à toutes les pièces anatomiques dès maintenant. Il importe par conséquent que les établissements sanitaires mettent en place sans attendre une traçabilité de la pièce anatomique remise au patient qui la réclame et que cette pièce anatomique soit disposée dans un emballage digne.
Le patient devrait signer un document attestant de sa volonté expresse de se voir remettre la pièce anatomique concernée. Ce document qui préciserait les coordonnées du patient, la pièce anatomique concernée, la date de la demande, le lieu et la date de la remise, serait conservé dans le dossier médical du patient.
Le patient devrait fournir l’attestation d’un maire qui acceptera la pièce anatomique dans son cimetière, afin que l’établissement de santé ne soit pas accusé par la suite de laisser traîner des pièces anatomiques dans la nature. Mais cette mesure n’est pour l’instant pas réglementaire.
Il reste à mettre en place une destination obligatoire pour le membre amputé, ainsi que les autorisations nécessaires et les modes de transport.
La destination obligatoire du membre amputé doit être le cimetière ou le crématorium, la personne amputée souhaitant peut-être une crémation individuelle afin de récupérer les cendres de sa pièce anatomique. Il serait en effet inadmissible qu’une pièce anatomique soit conservée à domicile ou enterrée dans un terrain privé. Il en résulterait de nombreuses enquêtes policières pour suspicion de meurtre avec découpage du cadavre.
Pour ces raisons policières, les ministères de la Santé et de l’Intérieur doivent instituer une obligation de destination (cimetière ou crématorium), un bordereau de suivi puisque la pièce anatomique est à risques infectieux (elle répond à la définition de l’infectiosité donnée par l’article R. 1335-1 du code de la santé publique à partir du moment où elle contient du sang) et une autorisation du maire pour certifier le dépôt au cimetière.
Ce bordereau de suivi devrait, me semble-t-il, être établi par le patient propriétaire de la pièce anatomique, après information et fourniture du document par l’établissement producteur. Le transporteur serait une entreprise funéraire et l’éliminateur serait le gestionnaire du cimetière destinataire de la pièce anatomique ou des cendres résultant de la crémation individuelle.
En attendant d’officialiser cette procédure, les maires peuvent adapter le permis d’inhumer et permettre l’inhumation d’une pièce anatomique dans une concession ou en terrain commun, car ces demandes vont incontestablement prendre de l’ampleur, au fur et à mesure que le public aura connaissance de cette particularité du code de la santé publique.
Le patient devrait signer un document attestant de sa volonté expresse de se voir remettre la pièce anatomique concernée. Ce document qui préciserait les coordonnées du patient, la pièce anatomique concernée, la date de la demande, le lieu et la date de la remise, serait conservé dans le dossier médical du patient.
Le patient devrait fournir l’attestation d’un maire qui acceptera la pièce anatomique dans son cimetière, afin que l’établissement de santé ne soit pas accusé par la suite de laisser traîner des pièces anatomiques dans la nature. Mais cette mesure n’est pour l’instant pas réglementaire.
Il reste à mettre en place une destination obligatoire pour le membre amputé, ainsi que les autorisations nécessaires et les modes de transport.
La destination obligatoire du membre amputé doit être le cimetière ou le crématorium, la personne amputée souhaitant peut-être une crémation individuelle afin de récupérer les cendres de sa pièce anatomique. Il serait en effet inadmissible qu’une pièce anatomique soit conservée à domicile ou enterrée dans un terrain privé. Il en résulterait de nombreuses enquêtes policières pour suspicion de meurtre avec découpage du cadavre.
Pour ces raisons policières, les ministères de la Santé et de l’Intérieur doivent instituer une obligation de destination (cimetière ou crématorium), un bordereau de suivi puisque la pièce anatomique est à risques infectieux (elle répond à la définition de l’infectiosité donnée par l’article R. 1335-1 du code de la santé publique à partir du moment où elle contient du sang) et une autorisation du maire pour certifier le dépôt au cimetière.
Ce bordereau de suivi devrait, me semble-t-il, être établi par le patient propriétaire de la pièce anatomique, après information et fourniture du document par l’établissement producteur. Le transporteur serait une entreprise funéraire et l’éliminateur serait le gestionnaire du cimetière destinataire de la pièce anatomique ou des cendres résultant de la crémation individuelle.
En attendant d’officialiser cette procédure, les maires peuvent adapter le permis d’inhumer et permettre l’inhumation d’une pièce anatomique dans une concession ou en terrain commun, car ces demandes vont incontestablement prendre de l’ampleur, au fur et à mesure que le public aura connaissance de cette particularité du code de la santé publique.
Claude Bouriot
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