Votre panier

Panier vide
Le 13 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation rendait trois arrêts particulièrement importants relatifs à l’acquisition de droits pendant les arrêts de travail et à la prescription des congés payés acquis.


Aux termes de l’art. L.3141-3 al.1 du Code du travail, "le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur". C’est ainsi que tant la jurisprudence que la doctrine ont pu en déduire que le salarié n’acquiert pas de droit à congés payés pendant ses absences pour maladie non professionnelle, contrairement aux absences pour accident du travail ou maladie professionnelle que le Code du travail assimile à du travail effectif pendant une durée d'un an (art. L.3141-5).

Cependant, le droit de l’Union européenne, dans une directive sur le temps de travail n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003, prévoit un droit à congés payés sans distinguer la nature des absences, incluant ainsi les périodes d’arrêt maladie non professionnelle (CJUE, 24 janvier 2012, n° C-282/10). Bien que reconnaissant explicitement le caractère non conforme au droit européen du Code du travail sur ce point, la Cour de cassation limitait jusqu’à présent son application aux employeurs assimilables à une autorité publique, tels que les délégataires de service public par exemple (Cass. soc., 22 juin 2016, n° 15-20111 ; Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-22214), excluant ainsi l’application du droit européen aux contrats de travail conclus avec un employeur privé en se fondant sur l’absence d’"effet direct" des directives européennes (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22285).

Mais c’est par un raisonnement fondé sur l’art. 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, relatif au droit à congés payés des salariés, "court-circuitant" l’absence d’effet direct de la directive, que depuis un arrêt du 13 septembre 2023 (n° 22-17340), la chambre sociale de la Cour de cassation juge désormais que les périodes d’absences pour maladie non professionnelle sont créatrices de droit à congés payés pour le salarié. Et de façon logique, dans un autre arrêt rendu le même jour (n° 22-17638), elle indique que contrairement aux dispositions du Code du travail, le salarié acquiert des droits à congés payés pendant toute la durée de son arrêt de travail pour maladie ou accident professionnel, et non plus seulement pendant une durée d’un an, faisant ainsi primer le droit européen sur le droit interne.

S’agissant de la prescription des congés payés, la Cour de cassation est venue préciser dans un troisième arrêt rendu également le 13 septembre 2023 (n° 12-11106) que si l’indemnité de congés payés due au salarié se prescrit par trois ans, à l’instar des salaires, désormais, le délai de prescription ne commence à courir que si l’employeur a satisfait à ses obligations d’assurer au salarié de bénéficier de manière effective de son droit à congés. Concrètement, et ce sont les faits de l’affaire ayant donné lieu à cette décision : à l’occasion de la requalification d’une relation de travail en contrat de travail, telle qu’une relation de sous-traitance, le salarié sera fondé à demander le paiement de ses congés payés depuis le début de la relation de travail (en l’espèce, il s’agissait de 10 années).

Fiscal

Projet de loi de finances pour 2024 : mise à jour des taux "neutres" de prélèvements à la source

Le salarié souhaitant protéger sa vie privée, peut demander à l’administration fiscale de ne pas transmettre à son employeur son taux d’imposition personnalisé dans le cadre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Dans ce cas, les employeurs ont l’obligation d’appliquer un "taux neutre" défini en fonction du montant du salaire. Chaque année les grilles relatives aux taux neutres sont mises à jour par la loi de finances. Au titre de 2024, les taux neutres à appliquer prévus par le projet de loi de finances seront les suivants :

Salaire mensue
(France métropolitaine)
Taux
< 1 591 € 0 %
≥ 1 591 € et 1 653 € 0,5 %
≥ 1 653 € et 1 759 € 1,3 %
≥ 1 759 € et 1 877 € 2,1 %
≥ 1 877 € et 2 006 € 2,9 %
≥ 2 006 € et 2 113 € 3,5 %
≥ 2 113 € et 2 253 € 4,1 %
≥ 2 253 € et 2 666 € 5,3 %
≥ 2 666 € et 3 052 € 7,5 %
≥ 3 052 € et 3 476 € 9,9 %


Social

1 - Prouver la faute d’un salarié dans le cadre d’un licenciement en utilisant les services d’un client mystère : c’est possible ! (Cass. soc., 6 septembre 2023, n° 22-13783)

C’est en ce sens que la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 6 septembre 2023 (22-13783) confirmant ainsi sa jurisprudence antérieure. Cette méthode n’est cependant valable qu’à la condition que les salariés en aient été informés préalablement ainsi qu’en dispose l’art. L.1222-3 du Code du travail : "Le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’évaluations professionnelles mises en œuvre à son égard […]. Les méthodes et techniques d’évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie".

2 - Dépassement des durées maximales légales de travail : l’automaticité du droit à réparation se confirme (Cass. soc., 27 septembre 2023, n° 21-24782)

Généralement frileuse à consacrer l’existence d’un "préjudice nécessaire" en cas de manquement de l’employeur à ses obligations, à l’instar du défaut de visite médicale d’embauche qui ne peut plus faire l’objet d’une réparation au profit du salarié que s’il établit l’existence d’un préjudice (Cass. soc., 27 juin 2018, n° 17-15.438), la Cour de cassation maintient cependant le droit à réparation "automatique", sans avoir besoin de prouver un préjudice, en cas de dépassement des durées maximales de travail légales ou conventionnelles (Cass. soc, 26 janvier 2022, n° 20-21636 : dépassement de la durée hebdomadaire ; Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-22281 : dépassement de la durée quotidienne).

Dans un arrêt rendu le 27 septembre 2023 (n° 21-24782), la Cour confirme sa jurisprudence en l’appliquant cette fois au travail de nuit. Les employeurs du secteur funéraire devront ainsi se montrer particulièrement vigilants s’agissant de la mise en œuvre des astreintes, en particulier la nuit.

Vie des affaires

Détournement de clientèle : délais pour agir (Cass. com., 28 juin 2023, n°22-10184)

La situation est fréquemment rencontrée dans le secteur funéraire lorsque le salarié d’une entreprise décide de s’établir à son compte et tente de démarcher les clients de son ancien employeur pour se constituer sa propre clientèle. Il convient en effet de rappeler qu’un salarié est tenu d’une obligation de loyauté envers son employeur qui se poursuit après la rupture du contrat de travail, en particulier en présence d’une clause de confidentialité et/ou d’une clause de non-concurrence. La question se pose de savoir dans quels délais l’ancien employeur, devenu concurrent de son ancien salarié, peut agir.

Dans un arrêt rendu le 28 juin 2023 par la chambre commerciale de la Cour de cassation, cette dernière précise que l’action contre l’ancien salarié devenu gérant se prescrit par 3 ans sur le fondement de l’art. L. 223-23 du Code de commerce, mais se prescrit par 5 ans sur le fondement de l’art. 2224 du Code civil si les actes ont été commis avant l’entrée de l’ancien salarié dans la société concurrente. Précisons néanmoins que le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter du jour où le concurrent victime a eu connaissance des actes fautifs.

Rappelons enfin que la chambre criminelle de la Cour de cassation a eu l’occasion d’indiquer que "constitue un abus de confiance de fait, pour une personne, qui a été destinataire, en tant que salariée d’une société, d’informations relatives à la clientèle de celle-ci, de les utiliser par des procédés déloyaux dans le but d’attirer une partie de cette clientèle vers une autre société" (Cass. crim., 22 mars 2017, n°15-85.929). L’abus de confiance constituant un délit prévu par l’art. 314-1 du Code pénal et puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende.
 
Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris

Résonance n° 196 - Octobre 2023

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations