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Aux termes de l’art. L. 3121-4 al. 1 du Code du travail, "Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif". Appliqué très strictement par les juridictions internes, la jurisprudence constante de la Cour de cassation entrait en contradiction avec le droit européen. C’est cette contradiction que l’arrêt du 1er mars 2023 semble lever.


La directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003, confirmée par la jurisprudence européenne dans un arrêt de la Cour de justice du 10 septembre 2015 (n° C-266/14) consacre la règle selon laquelle, lorsque le temps de trajet réunit les conditions caractérisant le temps de travail effectif, celui-ci doit donner lieu à rémunération.

Cependant, la chambre sociale de la Cour de cassation faisait preuve d’une résistance farouche en refusant systématiquement toute requalification de temps de trajet en temps de travail effectif même quand les conditions étaient réunies (Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-20634).

L’arrêt du 1er mars 2023 constitue donc un revirement notable en la matière qui s’inscrit dans une politique jurisprudentielle récente de la Cour de cassation tendant à se conformer au droit européen (cf. notre article relatif aux arrêts de travail, in Résonance funéraire n° 196, octobre 2023).

En l’espèce, un technicien de maintenance avait utilisé un véhicule de service chargé de pièces détachées à l’occasion de trajets domicile/travail, pour optimiser son temps de déplacement le lendemain matin vers son prochain lieu d’intervention chez un client de son employeur. La Cour, se fondant sur les règles du droit européen, en a déduit que ce temps de trajet constituait en réalité du temps de travail effectif, ne se limitant ainsi plus à sa jurisprudence ancienne et constante par laquelle elle entendait limiter la requalification du temps de trajet en temps de travail effectif aux seuls déplacements entre deux lieux de travail (Cass. soc., 26 mai 2016, n°14-30098; 5 novembre 2003, n° 01-43109).

Cette jurisprudence n’est pas sans conséquences pour les entreprises funéraires. Il n’est en effet pas rare que ces dernières confient à leurs salariés le soin de transporter divers matériels ou documents vers un autre lieu de travail que leur lieu de travail habituel le lendemain matin, dans une démarche d’optimisation de l’organisation du travail. Il conviendra donc, dans ces conditions, de considérer ces temps de trajet comme du travail effectif avec toutes les conséquences qui sont susceptibles d’en découler en termes de comptabilisation du temps de travail et de droit au repos.

Social

1. La commission d’une infraction routière en dehors du temps de travail par un salarié ne constitue pas une faute disciplinaire, quand bien même l’infraction aurait été commise avec un véhicule de fonction (Cass. soc., 4 octobre 2023, n° 21-25421)

En l’espèce, un employeur avait licencié pour faute un salarié qui avait commis plusieurs infractions routières avec son véhicule de fonction à l’occasion de ses trajets domicile/travail. Dans cette affaire, la Cour de cassation validait le raisonnement adopté par la cour d’appel qui avait considéré que ces infractions ne se rattachaient pas à l’activité professionnelle du salarié et que, dès lors, elles ne pouvaient fonder un licenciement disciplinaire (pour faute).

Pour pouvoir licencier le salarié en raison d’infractions commises, l’employeur ne peut invoquer qu’un licenciement pour motif personnel, si toutefois il est en mesure démontrer que celles-ci causent un trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise.

Rappelons également, pour mémoire, que l’art. L. 121-6 du Code de la route, entré en vigueur le 1er janvier 2017, fait obligation au représentant légal de dénoncer le conducteur ayant commis l’infraction constatée lorsque le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale.

2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 : limitation à 3 jours des arrêts de travail délivrés en téléconsultation

L’art. 28 du PLFSS pour 2024 propose dans son art. 28, alinéa 2 d’ajouter l’alinéa suivant à l’art. L. 6316-1 du Code de la santé publique :
"Lors d’un acte de télémédecine, la prescription ou le renouvellement d’un arrêt de travail ne peut porter sur plus de trois jours ni avoir pour effet de porter à plus de trois jours la durée d’un arrêt de travail déjà en cours. Il n’y est fait exception que lorsque l’arrêt de travail est prescrit ou renouvelé par le médecin traitant, ou en cas d’impossibilité, dûment justifiée par le patient, de consulter un médecin pour obtenir, par une prescription réalisée en sa présence, une prolongation de l’arrêt de travail".

Rappelons qu’en matière d’arrêt de travail, le versement des indemnités journalières de sécurité sociale ne débute qu’après l’expiration d’un délai de carence de 3 jours à compter de la date de début de l’arrêt de travail. Par cette disposition, figurant dans un chapitre II du projet de loi intitulé "Garantir la soutenabilité de notre modèle social", le Gouvernement entend, outre quelques exceptions, subordonner le versement des indemnités journalières aux seuls patients ayant été réellement examinés par un médecin.

 
Vie des affaires

1. Des circonstances particulières peuvent justifier la résolution d’un contrat sans mise en demeure préalable (Cass. com., 18 octobre 2023, n° 20-21579)

Aux termes des articles 1224 et 1226 du Code civil : "la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice; le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable".

Ainsi, seule la situation d’urgence permettrait au créancier souhaitant mettre fin au contrat de s’affranchir de son obligation de mettre en demeure son cocontractant.

Dans cet arrêt du 18 octobre 2023, la Cour considère cependant que la mise en demeure préalable n’est également pas requise lorsqu’il apparaît que celle-ci est vaine.

En l’espèce, et ainsi que l’avaient constaté les juges du fond, le dirigeant du donneur d’ordre avait eu une attitude inacceptable envers les salariés de son prestataire (propos méprisants et insultants, ordres directs, demandes d’interventions à des dates non convenues avec le prestataire), caractérisant ainsi le caractère vain de l’envoi d’une mise en demeure préalable à la résolution unilatérale du contrat.

2. Une entreprise peut agir contre un concurrent s’il apparaît que celui-ci ne satisfait pas à ses obligations légales (Cass. com., 27 septembre 2023, n° 21-21995)

Outre qu’elles s’imposent à chacun, les obligations découlant de la loi sont susceptibles d’être à l’origine d’une situation de concurrence déloyale. En effet, la mise en œuvre du respect des obligations légales réglementant une activité constitue le plus souvent un coût pour les entreprises. Ainsi l’entreprise qui entend s’en affranchir se constitue un avantage concurrentiel indu en réduisant ses coûts.

Dans cet arrêt du 27 septembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a non seulement considéré, que dans de telles circonstances, une action en concurrence déloyale de la part d’un concurrent était recevable, mais également que de simples soupçons de manquement du concurrent à ses obligations légales étaient de nature à permettre à l'entreprise victime de cette concurrence déloyale d’obtenir du juge une décision tendant à se voir communiquer sous astreinte des pièces comptables de nature à établir la concurrence déloyale soupçonnée.
 
Me Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris

Résonance n° 197 - Novembre 2023

Instances fédérales nationales et internationales :

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