L’art au service du recueillement et du deuil. C’est la démarche entreprise par Xavier Maillard, directeur général du Pôle funéraire public de Strasbourg lorsqu’il a sollicité Dorota Bednarek, sculptrice monumentale, créatrice d’une œuvre originale : le monolithe noir.
Plus qu’une sculpture, le monolithe noir est un monument vivant, délivrant une lumière apaisante et une douce sonorité propice au recueillement. Situé à proximité de la chambre funéraire et du crématorium, comme des salles de cérémonie, il constituera une étape du parcours des familles.
L’artiste
Peintre et sculptrice née en Pologne, Dorota Bednarek est diplômée de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, de l’Académie des Beaux-arts de Wroclaw et de l’Academia di Belle Arti de Bologne. Après avoir acquis une renommée internationale dans le monde l’art contemporain, elle s’est lancée dans la création d’une série de dix œuvres intitulée "Les Monolithes".
L’œuvre
Plus qu’une œuvre, le Monolithe est un concept apportant "à l’œuvre de nouvelles dimensions sensorielles" au-delà de la seule dimension visuelle. C’est ainsi que le Monolithe déploie un son apaisant autour de lui émettant sur une fréquence de 528 Hz, connue comme une fréquence d’amour et de guérison, diffusée de façon autonome en énergie grâce à la présence de panneaux solaires. Selon les mots de l’artiste, comme un "retour chez soi, à la maison. Le retour vers notre soi égaré parfois dans la course infligée par la vie…".
Quatre d’entre eux ont été réalisés. Le premier, nommé "La lumière de Sirius" a été présenté en 2019 dans le cadre de l’Industrie Magnifique à Strasbourg en juin 2021. Le deuxième, conçu pour être exposé rue de Rivoli devant l’hôtel Meurice à Paris, a été présenté temporairement à Strasbourg et le troisième est installé sur la presqu’île Malraux à Strasbourg. Ainsi, c’est le quatrième exemplaire qui a été acquis par le Centre funéraire public de Strasbourg.
La genèse d’un projet funéraire
Le pari audacieux de Xavier Maillard, directeur du Pôle funéraire public de Strasbourg, est d’engager "une démarche artistique parlant directement aux familles pour adoucir le lien", après la crise de la Covid et ses lourdes conséquences. Rappelons en effet que pendant cette triste période, les professionnels du funéraire, pourtant investis au quotidien dans des conditions parfois extrêmes, ont dû compter parmi les "oubliés de la première ligne". Contraints également d’accompagner des familles interdites de visites en EHPAD ou en hôpitaux, interdites de visite au funérarium et aux cérémonies, ou contraintes à des jauges. Autant d’événements vécus comme de "mauvais départs".
Adoucir les "mauvais départs"
Si la crise de la Covid s’est traduite par une systématisation des mauvais départs, elle ne doit pas faire oublier que ceux-ci sont hélas le quotidien du secteur funéraire. Qu’il s’agisse de familles n’ayant pas pu visiter le défunt une dernière fois avant sa mort ou des ruptures brutales de communication avec lui à la suite d’un accident l’ayant plongé dans le coma, ou encore d’un éloignement progressif du proche atteint de la maladie d’Alzheimer.
Mais parfois, il s’agit simplement d’un défunt avec lequel on n’a pas su trouver les mots pour lui exprimer ce que l’on avait sur le cœur avant son départ. C’est ainsi que l’œuvre a été dotée d’un espace permettant aux proches des défunts d’y glisser leur message et de se décharger symboliquement du poids de ce qui n’a pu être dit…
Une rupture dans le parcours des familles
Située à la croisée des chemins du parcours des familles sur le site du centre funéraire, entre funérarium, salles de cérémonie, cimetière et crématorium, l’œuvre a vocation à devenir un lieu de passage ouvert aux besoins des proches des défunts qui pourront y accéder librement avant, pendant ou après les obsèques. Il pourra également constituer un lieu de recueillement neutre dans une région concordataire encore fortement marquée par la présence des autorités religieuses tout en contribuant à diffuser un message universel et apaisant.
Créer une cérémonie commémorative chaque année
Les cérémonies commémoratives, généralement organisées à l’approche de la Toussaint au sein des crématoriums, se sont généralisées partout en France. Mais la société alsacienne, fortement influencée par sa culture concordataire et la place importante des autorités religieuses, fait encore exception. Le monolithe noir aura vocation à introduire à Strasbourg cette pratique permettant, chaque année, à ceux qui le souhaitent, de se retrouver pour honorer leurs défunts dans le cadre d’une cérémonie collective civile ouverte à tous.
Résonance n° 199 - Janvier 2024
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