Le 15 février 2024 était publié un rapport parlementaire intitulé "Rendre des heures aux Français ; 14 mesures pour simplifier la vie des entreprises". L’introduction du rapport donne le ton : "400 000 normes applicables, 1 786 décrets réglementaires en 2022. Le constat est sans appel : l’excès de normes et leur instabilité pèsent négativement sur l’activité et la compétitivité de nos entreprises".
Si, depuis 2017, plusieurs textes ont favorisé la simplification de la vie des entreprises, force est de constater que l’effort doit continuer d’être soutenu. Ces quatorze propositions préparent ainsi le contenu d’un projet de loi qui devrait être débattu au parlement avant l’été. Ces nouvelles mesures porteraient sur une simplification des démarches et des procédures, des normes et de la réglementation, des démarches en ligne, des droits sociaux et du droit du travail. Parmi ces propositions, évoquons les plus significatives.
Proposition n° 1
Mettre fin à des redondances et formalités inutiles identifiées qui relèvent de différents Codes (Code du travail, Code de commerce, Code de l’énergie, etc.), tant au niveau législatif que réglementaire.
À titre d’exemple : harmoniser les méthodes de calcul des effectifs pour la détermination des seuils, supprimer le double dépôt du formulaire de déclaration des honoraires (DAS2), supprimer l’obligation de créer une Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales (BDESE), simplifier la déclaration des arrêts de travail et la liquidation des indemnités journalières, supprimer l’attestation employeur Pôle emploi (France Travail) rematérialisée, simplifier et généraliser le recours au Titre Emploi Service Entreprises (TESE) pour les entreprises de moins de 50 salariés.
Proposition n° 2
Lever les derniers verrous pour une véritable application du principe de "dites-le-nous une fois pour toutes". Pour éviter que les entreprises ne soient contraintes de fournir plusieurs fois aux administrations des informations qu’elles ont déjà.
Proposition n° 3
Permettre aux entreprises de moins de 5 ans et de moins de 50 salariés de définir avec les salariés l’application de certaines dispositions des accords de branche.
Ces dérogations pourraient notamment porter sur les minima conventionnels, le temps de travail, etc.
Proposition n° 4
Alléger les obligations des trois principaux seuils – 11, 50 et 250 salariés – en les translatant d’un niveau. Ces seuils peuvent souvent constituer de véritables freins à l’embauche, au développement, et donc à la croissance des entreprises.
Proposition n° 5
Aligner les droits bancaire et assurantiel des professionnels et des particuliers.
Proposition n° 6
Privilégier les régimes de déclaration aux régimes d’autorisation.
Quel secteur, mieux que le funéraire, pourrait témoigner de l’opportunité de ce type de mesures ? En effet, depuis 2011, plusieurs opérations funéraires autrefois soumises à autorisation ont été passées sous le régime de la déclaration préalable. 13 ans après la mise en œuvre de cette réforme, les opérateurs et les collectivités ont su apprécier la souplesse de ce nouveau régime, et dont personne n’imagine un seul instant un retour en arrière.
Proposition n° 7
Généraliser le principe de dématérialisation des démarches à destination des entreprises tout en remettant le contact humain au cœur de l’Administration.
[…]
Proposition n° 10
Réduire les délais de contentieux, et notamment prud’homaux. À cet égard, le rapport relève que : "Les délais de recours et les durées de contentieux sont très épars selon la matière concernée (administratif, social, fiscal, urbanistique, environnemental) et trop longs (jusqu’à une année), ce qui nuit à la sécurité juridique des entreprises.
Un exemple symbolique et typique : celui des recours prud’homaux. Les délais de recours prud’homaux en matière de rupture du contrat de travail sont en effet très élevés en France : le délai de prescription médian dans les pays de l’OCDE est de 2 mois à partir de la date effective du licenciement, là où il est d’un an en France (NDLR : ce délai était de 2 ans avant le 24 septembre 2017).
Ce délai affecte la prévisibilité du coût du licenciement, et impacte in fine les décisions d’embauche. Le taux d’appel et la proportion de décisions infirmées sont sensiblement supérieurs à celui des autres instances : 60 % des décisions font l’objet d’un appel et plus de 70 % sont infirmées (totalement ou partiellement), contre environ 15 et 50 à 60 % dans les tribunaux de commerce et d’instance."
Ainsi, le rapport propose que : "Dans la continuité des mesures mises en œuvre en 2017 pour améliorer la flexibilité du marché du travail, les délais de recours prud’homaux fondés sur la rupture du contrat de travail doivent être réduits à 6 mois pour se rapprocher de la moyenne des pays comparables."
[…]
Proposition n° 12
Dépénaliser les niveaux de sanctions en cas de manquement, de bonne foi, à des obligations déclaratives des dirigeants.
Proposition n° 13
Astreindre toutes les administrations publiques à une contribution forfaitaire en cas de dépassement du délai de paiement.
Proposition n° 14
Faciliter drastiquement l’accès à la commande publique pour les TPE et PME.
Droit commercial
Opposition à injonction de payer d’une société signée par une personne non mandatée
Cass. civ. 2, 18 janvier 2024, n° 21-23.033
Aux termes de l’art. 1416 du Code de procédure civile : "L’opposition (à injonction de payer) est formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance." En l’espèce, un fournisseur avait signifié une ordonnance d’injonction de payer à une société cliente. La société débitrice en avait formé opposition, mais l’opposition avait été signée par une personne qui ne sera nommée gérante qu’après l’expiration du délai d’opposition.
Cette irrégularité sera par la suite régularisée par la production d’un pouvoir du gérant de l’époque fait à la personne signataire, mais, soupçonnant que le document était antidaté, la cour d’appel rejettera la pièce et déclarera l’opposition irrecevable.
Cependant, la Cour de cassation cassera l’arrêt d’appel, considérant qu’une opposition, même irrégulière, interrompt le délai d’opposition. Sa régularisation restant donc possible.
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Vie des affaires
Limite de responsabilité de l’expert-comptable dans son obligation de conseil et d’alerte
Cass. com., 14 février 2024, n° 22-13899
Cet arrêt de la chambre commerciale rappelle utilement le champ des missions de l’expert-comptable lorsqu’une entreprise lui a confié la charge de sa comptabilité, de l’établissement de ses comptes annuels et de la présentation de ses documents fiscaux et sociaux. En l’espèce, les comptes de la société présentaient un encours clients important nécessitant de relancer ces derniers. L’expert-comptable n’ayant pas alerté la société sur ce point, elle avait tenté d’engager sa responsabilité. L’action sera cependant rejetée par la Cour de cassation.
Rappelons en effet que le suivi des règlements clients relève de la gestion d’une société, qui est du seul ressort de son dirigeant, et non de la mission comptable éventuellement confiée à un expert-comptable. On ne saurait ainsi que recommander aux dirigeants, et en particulier aux dirigeants de TPE, de bien clarifier l’étendue des missions qu’ils entendent confier à leur expert-comptable.
Droit social
1 - Utilisation de l’image d’un salarié sur une plaquette commerciale
Cass. soc., 14 février 2024, n° 22-18014
Rien n’est plus naturel, à l’heure des réseaux sociaux, que de vouloir communiquer sur les activités de son entreprise en mettant en avant ses salariés. Qu’il s’agisse de "shootings publicitaires" réalisés dans la bonne humeur ou de clichés pris sur le vif, ceux-ci ne sauraient être diffusés sans l’accord du salarié. C’est ce que nous rappelle la Cour de cassation dans cette affaire, indiquant en outre qu’en la matière, le salarié n’a pas à démontrer l’existence d’un préjudice, et pourra ainsi être indemnisé sur le seul fondement de l’atteinte à son droit à l’image s’il n’a pas donné son accord.
Rappelons également que, lorsque l’employeur organise des séances de photographie ou un tournage de film publicitaire avec ses salariés, même en dehors du temps de travail "normal", ce temps consacré aux prises de vues et captations vidéos constituent également du temps de travail effectif.
2 - Nouvelle illustration d’un mode de preuve illicite recevable : images issues d’une vidéosurveillance installée sans information préalable des salariés
Dans le sillage de l’arrêt rendu par la Cour de cassation en assemblée plénière (NDLR : formation la plus solennelle) le 22 décembre 2023, par lequel elle avait posé le principe de la recevabilité d’une preuve recueillie par des procédés déloyaux en matière civile (Résonance funéraire n° 200, fév. 2024, p. 26), la Cour a, à nouveau, confirmé ce principe, dans un arrêt rendu par la chambre sociale le 14 février 2024 (n° 22-23073) en matière de preuve illicite.
Dans cette affaire, des images prises par un dispositif de vidéosurveillance illicite (pour défaut d’information aux salariés de la mise en place de ce dispositif) avaient permis à l’employeur de prouver le vol d’argent par une salariée dans la caisse d’une pharmacie, et ainsi de la licencier pour faute grave.
Rappelons cependant que, pour être recevables, ces moyens de preuves déloyaux ou illicites doivent constituer un "dernier recours" en l’absence d’autres moyens de preuves loyaux ou licites. Les juges opérant en quelque sorte un "test de proportionnalité".
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Xavier Anonin
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
Myriam Rami
SPE ACX
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