Quand on ne sait pas manager… Des pratiques utiles et efficaces du management invitent à saisir le groupe auquel on appartient, les personnes qui le composent, pour anticiper leurs rôles, leur donner des responsabilités et user de prospective pour préparer l’avenir. Enfin, et le plus difficile de tout, user de rationalité et éviter les changements de cap intempestifs pour s’en tenir à ce qui a été décidé est un grand défi.
La poursuite du récit de la création d’un cours de management viendra faire la démonstration des principes énoncés au chapitre précédent. Le cours sur le management que j’ai élaboré tient son origine dans une expérience fondatrice : la formation des adultes vue et théorisée par l’école de Chicago.
On y pose trois questions :
1. Qui êtes-vous ?
2. Quelle est la spécificité de votre démarche auprès des personnes avec qui vous serez en contact ?
3. Quels sont les fondements de votre personnalité pour structurer un management adapté… ?
Un management adapté à quoi au juste ? Cette question m’a habité longtemps. Je me suis hasardé, un jour, à répondre : un management adapté à notre manière d’être pour garantir la réussite… de l’équipe, car, peu importe le contexte, le manager travaille d’abord pour le groupe avant de travailler pour lui. Pour réussir, le manager doit se connaître.
Cette prise de conscience me fit dire, à plusieurs reprises à des groupes aux réactions toujours imprévisibles, qu’il faut savoir compter sur soi et connaître ses limites. Lors de mes entrées en classe, j’ai souvent rappelé quelques évidences aux groupes :
1. Je ne sais pas qui vous êtes ;
2. Je ne sais pas ce qui se passera entre vous et moi.
Mais…
3. Je sais quelles sont les aventures dans lesquelles je ne dois pas m’aventurer et je connais aussi les ressources dont je dispose.
J’ai peut-être répondu ici à la question : qui sommes-nous ?
Une anecdote illustrera, je l’espère, mon propos : un jour, des aspirants conseillers funéraires m’interrogent : quelle était l’attitude à adopter face à un client et quel était le "vrai profil" d’un conseiller funéraire. On me demandait donc le "portrait parfait" du conseiller funéraire.
Répondre à cette question posait un risque : brosser le portrait figé d’un conseiller funéraire qui devait évoluer dans un monde funéraire où la souplesse se voulait bonne conseillère pour faire face à l’existence. Ce type de question me rappelait celles posées par les stagiaires-enseignants que j’ai supervisés pendant des années.
À la recherche d’un code de conduite stable, ces futurs professionnels n’avaient pas encore compris que le seul élément stable du groupe c’était eux et que la stabilité et la rigidité étaient deux choses différentes. Certains l’ont compris, d’autres se sont brisés.
Face à mon cours, mes détracteurs en ont perdu leur chapeau. L’aspect de la responsabilité personnelle a soulevé l’ire de mes interlocuteurs. J’ai commencé à comprendre quand on m’a expliqué qu’un manager est en place pour donner des ordres, casser les collaborateurs et monter des plannings.
Je me suis dit que Jean de La Fontaine et sa fable "Le Chêne et le Roseau" avaient encore de beaux jours devant eux. J’ai constaté avec le temps que ce type de management n’était pas sans conséquences et mon entourage m’en a donné le spectacle : la servitude de certains et la terreur des autres et enfin, le mépris des observateurs.
Savoir s’imposer des limites nous permet d’en imposer aux autres. Le management est une affaire d’équilibre, de raison et de mesure. Un chef déséquilibré ne peut que semer la consternation. Les pères fondateurs de l’Union européenne avaient compris les dangers du déséquilibre et ses conséquences funestes qu’il est ici inutile de rappeler en ce 80e anniversaire de la fin de la dernière guerre.
Yves Messier
Formateur et consultant auprès des communes
Résonance n° 212 - Février 2025
Résonance n° 212 - Février 2025
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