Chaque mois, Résonance propose à ses lecteurs une série d’articles consacrés à la réglementation des activités funéraires. Mais la spécificité réglementaire du domaine funéraire affecte également la gestion des entreprises. Ainsi, qu’il s’agisse de sujets de fond ou relatifs à une actualité particulière, l’accent est mis sur les spécificités propres aux activités funéraires dans une perspective pratique.
Xavier Anonin. | Jérôme Le Lay. |
Informer, sensibiliser et alerter : les gestionnaires d’entreprises sont souvent assaillis d’informations générales trop nombreuses qu’il est nécessaire de trier. Ainsi, ce mois-ci, sont abordés les changements réglementaires opérés en matière de facturation aux clients publics – réforme susceptible de concerner 83 % des opérateurs funéraires –, ainsi que les cadeaux aux salariés et aux partenaires d’affaires, mais en abordant également la délicate question des cadeaux aux agents publics intervenant dans le domaine funéraire.
La facturation électronique des clients "publics" : une obligation généralisée à partir du 1er janvier 2020
Les entreprises du secteur funéraire sont nombreuses à intervenir pour le compte de collectivités (reprises administratives, constructions de columbariums, aménagements divers). Jusqu’à présent, seules les entreprises de plus de 10 salariés étaient soumises à l’obligation de facturer leurs clients publics de façon dématérialisée. À compter du 1er janvier 2020, cette obligation s’appliquera à l’ensemble des entreprises quelle que soit leur taille.
La dématérialisation, un vaste processus
La dématérialisation des relations entre les entreprises et les administrations en matière de finances publiques n’est pas une nouveauté. En effet, la liste des téléprocédures obligatoires en matière fiscale ne cesse de s’allonger par vagues successives depuis plus d’une quinzaine d’années, de sorte qu’il ne subsiste aujourd’hui plus que quelques très rares cas pour lesquels les déclarations et paiements par la voie dématérialisée ne sont pas obligatoires.
Il en va de même pour la facturation dans le domaine des marchés publics. En effet, le mouvement est en marche depuis 2017, année à partir de laquelle les entreprises de plus de 5 000 salariés se sont vu imposer la facturation électronique. En 2018, cette obligation s’était étendue aux entreprises dont l’effectif salarié était compris entre 250 et 5 000 salariés, et en 2019, aux entreprises dont l’effectif est compris entre 10 et 250 salariés. À partir du 1er janvier 2020, cette obligation s’étendra à l’ensemble des entreprises, qu’elles aient ou non des salariés.
Les marchés publics et les TPE (Très Petites Entreprises) du secteur funéraire
Cette dernière vague de dématérialisation constitue l’ultime étape de généralisation de la dématérialisation en matière de facturation des clients publics. Elle affectera la très grande majorité des entreprises du secteur funéraire, dans la mesure où 83 % d’entre elles ont moins de 10 salariés(1). Aux termes de l’art. L. 1111-1 du Code de la commande publique : "Un marché est un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent Code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent."
La question de la commande publique et des marchés publics est un sujet vaste et complexe (diversité des acheteurs, des procédures et des prestations fournies). Nous n’évoquerons donc que les cas des marchés les plus courants rencontrés par les TPE dans le domaine funéraire. Ces marchés sont le plus souvent conclus entre des acheteurs publics (communes et intercommunalités) d’une part, et des entreprises du secteur funéraire d’autre part, pour la réalisation de prestations en général accompagnées de fournitures accessoires :
- Reprise de concessions (dépose/casse de monuments, creusement de fosses et ouvertures de caveaux, exhumation de corps, fourniture de reliquaires suivie de leur transport vers l’ossuaire communal ou un crématorium) ;
- Construction et agrandissement de columbariums (pose et fourniture des éléments composant le columbarium et aménagement du jardin du souvenir) ;
- Construction ou entretien d’un monument commémoratif, ou encore fourniture et pose d’une simple plaque ;
- Fleurissement de parties publiques du cimetière ou de sépultures dont la commune a la charge de l’entretien (carrés militaires, par exemple) ;
- Fournitures diverses ou prestations que la municipalité ne peut, ou ne souhaite pas, réaliser elle-même, ni dans le cadre d’une coopération intercommunale.
Ces petits marchés de faible coût sont souvent attribués à de petits opérateurs dans le cadre de procédures simplifiées.
La facturation de l’entité publique : la plateforme "Chorus Pro"
Nous n’évoquerons pas ici les procédures selon lesquelles le marché a été attribué à l’opérateur funéraire, pour nous concentrer uniquement sur la facturation de l’entité publique. Active depuis le 1er janvier 2017, le plateforme "Chorus Pro" est un service de l’Agence pour l’Informatique Financière de l’État (AIFE), rattachée au ministère de l’Économie et des Finances. Elle a vocation à recueillir les factures des fournisseurs destinées aux entités publiques, et à les acheminer vers le bon destinataire de façon dématérialisée.
Les trois objectifs mis en avant par la Direction générale des finances publiques sont les suivants : un gain de temps dans l’envoi, le traitement et le suivi des factures, des économies d’affranchissement et d’archivage papier, et le suivi en ligne sur "Chorus Pro" du traitement des factures. En pratique, les entreprises concernées sont invitées à créer un compte Chorus sur le site Internet dédié (http://chorus-pro.gouv.fr/) reprenant l’ensemble des informations d’identification de l’entreprise. Après un bref paramétrage des services souhaités par l’entreprise, le service de dépôt de facture est alors opérationnel.
Le dépôt de facture s’effectue en deux temps : dans une première étape, les éléments de facturation sont saisis dans un formulaire (destinataire de la facture, fournisseur de la facture, cadre de facturation, références), puis la facture "papier" est déposée sous forme dématérialisée dans l’un des formats de fichiers supportés par l’interface (PDF ou image). Un tableau de bord permet ensuite de suivre l’avancement du traitement des factures déposées jusqu’à leur mise en paiement.
En conclusion, il est urgent pour les entreprises concernées de créer leur espace sur la plateforme "Chorus Pro". Selon l’importance que représente le chiffre d’affaires réalisé auprès d’organismes publics, ces dernières pourraient être confrontées à un retard d’encaissement, et par conséquent à des problèmes de trésorerie. Il est en effet à noter qu’aucun règlement ne pourra être effectué sans dépôt dématérialisé des factures.
Les cadeaux aux salariés et aux relations d’affaires
La fin de l’année est souvent l’occasion pour les entreprises de chercher à récompenser ou fidéliser leurs salariés et relations d’affaires – clients, fournisseurs et partenaires divers – en leur offrant des cadeaux. Le salon FUNÉRAIRE PARIS 2019 et ses retombées conduiront également de nombreux fournisseurs à remettre à leurs clients et prospects de nouveaux accessoires publicitaires, échantillons et autres spécimens. Cependant, ces cadeaux sont soumis à des règles sociales et fiscales strictes, parfois complexes, dont la violation expose à un risque de redressement et de sanction.
Les bons d’achat offerts aux salariés
Il n’est pas rare que les employeurs et les comités sociaux économiques (dans lesquels les comités d’entreprises ont fusionné) offrent aux salariés de l’entreprise des chèques cadeaux à l’occasion d’un événement particulier tel que Noël. Si cette pratique n’est pas illégale, elle est cependant clairement encadrée.
Premièrement, la remise de chèques cadeaux doit impérativement être en relation avec un événement précis, qu’il soit collectif (Noël, par exemple) ou individuel, selon la situation personnelle du ou des salariés (mariage, naissance, rentrée scolaire).
Deuxièmement, l’utilisation des bons d’achat doit être déterminée (il doit faire figurer la nature du bien, les noms de plusieurs magasins ou rayons de magasins où il pourra être utilisé) et il ne pourra en aucun cas être utilisé pour des achats de nourriture (sauf alimentation de luxe ou festive), ni de carburant.
Enfin, sa valeur doit être proportionnée à l’événement. En 2019, la limite est fixée à 169 € par salarié, soit 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale. Lorsque toutes ces conditions sont réunies, les chèques cadeaux distribués ne seront pas considérés comme des revenus. Ils seront donc exonérés de cotisations sociales et ils ne constitueront pas non plus des revenus imposables pour le salarié bénéficiaire.
Les cadeaux aux clients, fournisseurs et partenaires divers
- La déductibilité du résultat fiscal
Pour constituer de réelles charges d’exploitation, c’est-à-dire déductibles fiscalement du résultat de l’entreprise, les cadeaux, quels qu’ils soient, doivent être faits dans l’intérêt de l’entreprise. En la matière, la jurisprudence se montre très stricte en ordonnant la réintégration fiscale lorsque cette seule condition n’est pas respectée.
En outre, la valeur des cadeaux ne doit pas être exagérée. Pour apprécier cette deuxième condition, l’administration fiscale se réfère à plusieurs critères : les usages dans la profession considérée, l’activité de l’entreprise, sa taille et ses perspectives de développement.
- Les obligations déclaratives
Lorsque le montant total des cadeaux excède 3 000 €, ce dernier doit nécessairement être reporté dans le relevé de frais généraux (n° 2067) si l’entreprise est soumise à l’impôt sur les sociétés ou dans le cadre dédié à "certains frais généraux" (n° 2031) si l’entreprise est assujettie à l’impôt sur le revenu. Seront cependant exclus de toute obligation déclarative les objets publicitaires dont la valeur est inférieure à 69 € par bénéficiaire.
- Les règles applicables en matière de TVA
En principe, la TVA sur l’achat de biens destinés à être cédés gracieusement ou à un prix très faible n’est pas déductible, sauf s’il s’agit de biens de très faible valeur. Le seuil d’appréciation de la très faible valeur a été fixé en 2016 par l’administration fiscale à 69 € TTC et fera l’objet d’une réévaluation qui entrera en vigueur le 1er janvier 2021. Ce montant de 69 € s’apprécie par bénéficiaire et par an, de sorte que, si un bénéficiaire a reçu plusieurs cadeaux au cours d’une même année, c’est le total du prix des cadeaux qui sera pris en compte.
S’agissant des présentoirs publicitaires offerts par un fournisseur à ses clients (affiches, pancartes, enseignes, etc.), la déductibilité de la TVA ne sera admise que si la valeur unitaire du bien est inférieure à 107 € TTC. Enfin, la TVA applicable aux échantillons de faible valeur remis gracieusement aux clients est déductible quels que soient leurs montants. Il en ira de même pour les spécimens dûment identifiés comme tels et diffusés en quantités raisonnables.
Les cadeaux aux agents publics en matière funéraire
Les activités funéraires mettent quotidiennement en relation les opérateurs avec divers agents publics : services communaux de l’état civil et des cimetières, hôpitaux, commissariats. S’il va de soi qu’entretenir d’excellentes relations avec les représentants de ces services est une nécessité pour assurer le bon fonctionnement de l’entreprise au quotidien, il convient de rappeler les limites aux "cadeaux" susceptibles de leur être distribués.
La première limite absolue est posée aux alinéas 3 et 4 de l’art. L. 2223-35 du Code Général des Collectivités Territoriales qui punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende tout don, présent ou avantage quelconque à une personne ayant connaissance d’un décès, dans le but de se faire recommander auprès d’une famille en deuil.
Une seconde limite, sans doute moins connue des professionnels du funéraire, a trait aux cadeaux publicitaires susceptibles d’être offerts à des agents publics en relation avec des familles. Elle découle d’un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 13 décembre 2011 (n° 10-80.236). Cette affaire opposait deux groupes d’importance. L’un d’eux avait procédé à la distribution de calendriers publicitaires dans les commissariats d’une commune. La question se posait de savoir si, en procédant ainsi, l’opérateur funéraire n’avait pas commis un démarchage prohibé au sens de l’art. L. 2223-33 du CGCT.
Pour répondre par la négative, la Cour de cassation retient d’une part que les calendriers distribués n’étaient pas "exposés à la vue du public" et, d’autre part, que ces derniers n’avaient pas été distribués dans le but d’inciter les fonctionnaires de police "à orienter les familles vers cette entreprise". Cette décision, quoique anecdotique, nous éclaire néanmoins sur les limites dans la distribution de cadeaux aux agents publics intervenant dans le domaine funéraire.
Nous pouvons ainsi raisonnablement conclure que ces cadeaux doivent demeurer occasionnels, ne pas avoir pour but d’inciter leurs bénéficiaires à orienter les familles, et ne pas non plus être la contrepartie de services rendus. Ils ne doivent avoir d’autre but que l’entretien de relations cordiales et une valeur symbolique.
Xavier Anonin
Docteur en droit
Jérôme Le Lay
Expert-comptable
Nota :
(1) OPCALIA : "Panorama de branche", juin 2018.
Résonance numéro spécial n° 9 - Décembre 2019
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