Depuis l’aggravation de la crise sanitaire et le début du confinement, les experts-comptables sont plus que jamais au cœur de la mise en œuvre des dispositifs d’aide aux entreprises impactées. Face à la multitude des mesures et à leur évolution au fil des conséquences économiques pour les entreprises, ils sont quotidiennement sollicités par leurs clients inquiets pour la survie de leurs entreprises et désarçonnés par la complexité des mesures.
Xavier Anonin. | Jérôme Le Lay. |
La gestion des urgences, une étape presque passée
L’annonce présidentielle de confinement le 16 mars est tombée comme un coup de massue sur des entreprises non préparées. Dès lors, l’enjeu était pour ces dernières d’assurer leur survie économique au cours des semaines et des mois suivants, sans perspective ou presque de chiffre d’affaires. C’est dans ce contexte et pour éviter les cessations de paiement massifs et le chômage qui en seraient découlés que de nombreuses mesures gouvernementales ont été mises en place : aides d’urgence, chômage partiel, report de charges sociales et d’impôts, report d’échéances de prêts et de loyers…
Mais ces mesures n’étaient qu’une réponse aux conséquences immédiates du confinement. Afin d’assurer la pérennité des entreprises à moyen et long terme, il est maintenant incontournable de les aider à se refinancer après plusieurs mois presque sans chiffre d’affaires pour faire face au paiement des charges reportées et aux coûts et surcoûts engendrés par la reprise après le déconfinement.
Les dispositifs de prêts : un outil utile pour les entreprises du secteur funéraire
Pour aider les entreprises à se refinancer dans le cadre de la crise sanitaire, deux types de prêts spécifiques leur sont proposés : le Prêt Garanti par l’État (PGE) accordé par les banques et le prêt rebond octroyé par la Banque Publique d’Investissement (BPI France). Il ressort de la courte expérience de mise en œuvre de ces dispositifs que, si les établissements bancaires ont pu se montrer frileux au départ, ces dernièrs tendent aujourd’hui à se montrer plus à l’écoute des entreprises. En outre, un PGE refusé par une banque ne fait pas obstacle à recourir au prêt de la BPI, et il est à noter que ces deux prêts sont cumulables.
Si seulement une partie des entreprises du secteur funéraire a, jusqu’ici, été défavorablement impactée par les restrictions liées au confinement, il n’est pas à exclure un déficit de décès au cours de l’année 2021, entraînant un ralentissement économique de l’ensemble du secteur. Dès lors, la souscription de ces prêts pourra tout aussi bien permettre à l’entreprise de faire face à des difficultés actuelles qu’à d’éventuelles difficultés futures de trésorerie.
Par ailleurs, ces produits ne constitueront que de très faibles coûts dans la mesure où les taux d’intérêt appliqués sont soit nuls, soit proches de zéro. Enfin, si l’entreprise devait in fine ne rencontrer aucune difficulté dans le futur, cet apport de trésorerie constituerait une ressource de financement à faible coût pour son développement.
Le Prêt Garanti par l’État (PGE)
Ce dispositif peut être souscrit jusqu’au 31 décembre 2020 auprès des principaux établissements bancaires par l’ensemble des entreprises quelles que soient leurs formes juridiques, à l’exception des SCI. Son montant peut représenter jusqu’à un quart du chiffre d’affaires réalisé en 2019. Il est garanti par l’État, c’est-à-dire qu’aucune autre sûreté ne sera demandée par la banque, de sorte qu’en cas de défaut de paiement, le patrimoine du chef d’entreprise demeurera préservé.
Son bénéficiaire jouira d’une période de franchise d’un an, c’est-à-dire qu’aucun remboursement en capital ne sera appelé pendant toute cette période. Enfin, son amortissement pourra s’étaler sur une période maximale de cinq ans et les taux d’intérêt appliqués seront proches de zéro. En effet, dans le cadre de ce dispositif, les établissements de crédit se sont engagés à proposer ces prêts à prix coûtant en contrepartie de l’absence de risque d’impayés pour eux que confère la garantie de l’État.
La mise en œuvre de ce dispositif s’est avérée difficile à ses débuts en raison d’une certaine frilosité des établissements. Depuis le début du mois d’avril, l’ordre des experts-comptables s’est largement mobilisé pour accompagner les entreprises dans la souscription des prêts garantis par l’État. Les attentes et demandes des banques exigent en effet une précision et une rigueur auxquelles les chefs d’entreprises ne sont pas nécessairement en mesure de répondre. En effet, si l’accès à ce dispositif est largement ouvert aux entreprises en difficulté ou susceptibles de l’être, il ne doit pas avoir pour effet de financer à fonds perdus une entreprise structurellement condamnée à la cessation de paiement à moyen terme.
Le prêt rebond
Comme son nom l’indique, ce prêt a vocation à permettre aux entreprises rencontrant des difficultés conjoncturelles, ou une fragilité temporaire, liées aux mesures de confinement, de rebondir. Bien qu’également garanti par l’État, ce prêt est un dispositif distinct du PGE visé ci-dessus. Le prêt rebond peut se cumuler avec le prêt garanti par l’État. Accordé par la BPI France, il répond à ses propres critères et pourrait être octroyé même si l’entreprise a, au préalable, essuyé le refus d’un établissement bancaire dans le cadre d’une demande de PGE.
À l’instar du PGE, le prêt rebond a vocation à être souscrit sans aucune sûreté pesant sur le chef d’entreprise grâce à la garantie de l’État. D’un montant compris entre 10 000 € et 300 000 €, il est remboursable sur 7 ans après 2 ans de différé. Par ailleurs, son taux est de 0 % et il n’est fait application d’aucuns frais de dossier. Ce prêt a été décliné en deux versions : une version classique pour un montant compris entre 50 000 € et 300 000 € souscrit via le réseau BPI France, et une version "flash" pour un montant compris entre 10 000 € et 50 000 €.
Afin de faciliter au maximum son accès dans sa version flash, ce dernier aura vocation à être souscrit en ligne avec l’intervention de l’expert-comptable. Plus que jamais mobilisé aux côtés de leurs clients, à l’instar des avocats qui avaient lancé l’opération "Avocats solidaires" pour proposer des consultations juridiques gratuites, l’ordre des experts-comptables avait également mis en place un programme intitulé "Appelle un expert" pour accompagner gratuitement les chefs d’entreprise dans la crise du coronavirus.
L’expert-comptable, un interlocuteur incontournable dans la souscription d’un prêt
Comme le dit la formule : "Un prêt vous engage et doit être remboursé". La garantie de l’État ne constitue pas un chèque en blanc fait au profit des entreprises, mais bien au contraire une aide pour celles dont la situation financière était saine avant l’éclatement de la crise, et dont un "coup de pouce" financier peut permettre la reprise d’une activité normale après la crise.
Ainsi, une analyse financière de l’entreprise et une évaluation de ses perspectives d’activité future constituent un préalable incontournable. C’est cette première étape qui permettra de déterminer non seulement le montant du prêt à souscrire mais également ses modalités de remboursement. L’expert-comptable, professionnel du chiffre connaissant ses clients, constitue donc un acteur incontournable dans l’analyse et le conseil des entreprises, mais également une force pour l’entreprise dans la négociation avec les établissements de crédit.
Des incertitudes quant à l’évolution du secteur économique du funéraire
À l’heure où nous écrivons, nul ne connaît les répercussions de la crise sanitaire sur le marché du funéraire. Le retour d’expérience des deux premiers mois montre que les acteurs économiques du marché ont été impactés de façon très inégale selon les activités qu’ils pratiquent et leur localisation géographique. Certaines ont pu être lourdement impactées dans leurs activités, à l’instar des thanatopracteurs, des fleuristes, des granitiers, ou encore des entreprises spécialisées dans le rapatriement des dépouilles à l’étranger.
D’autres ont vu leur activité bondir, telles les entreprises de pompes funèbres, en particulier celles situées dans les régions de France les plus touchées par le virus. Mais, s’il est d’ores et déjà certain que ces dernières ont subi des pertes de chiffre d’affaires irrécupérables dues aux restrictions d’activité (interdiction des soins des conservation ou de préparation des corps atteints de Covid-19, limitation du nombre de personnes présentes sur les convois, etc.), nul ne sait encore avec précision l’impact économique de la crise sur le secteur d’activité. L’expérience de l’épisode caniculaire de 2003 conjugué à l’épidémie de grippe saisonnière de l’hiver 2003-2004 a eu pour un effet un ralentissement économique du secteur funéraire en 2004 ; or, si l’on dispose aujourd’hui d’une estimation du nombre de décès imputables au coronavirus, il est encore prématuré pour évaluer la surmortalité réelle de la crise. Compte tenu du retard important qu’accuse la mise en œuvre du certificat de décès électronique, des statistiques fiables ne seront sans doute pas disponibles avant plusieurs mois.
Sur le plan économique, il sera utile d’analyser l’évolution de la mortalité et l’activité du secteur funéraire dans les semaines et les mois suivant la sortie de crise pour pouvoir envisager une projection à plus long terme. Les entreprises devront donc se montrer particulièrement vigilantes car, rappelons-le, le prêt garanti par l’État et le prêt rebond ne pourront plus être accordés après le 31 décembre 2020.
Xavier Anonin,
Docteur en droit,
Jérôme Le Lay,
Expert-comptable, Cabinet ASF.
Docteur en droit,
Jérôme Le Lay,
Expert-comptable, Cabinet ASF.
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