Outre les dispositions du droit commun découlant du Code du travail, l’embauche d’un salarié dans la branche funéraire est soumise aux dispositions de l’art. 211 de la Convention collective intitulé "embauchage". Si sa rédaction semble assez générale et traite de points particulièrement divers, il fait référence aux obligations de l’employeur. Obligations qui ne doivent pas faire oublier les obligations réciproques des salariés.
Art. 211. Embauchage (modifié en dernier lieu par avenant du 27 janvier 2009, étendu)
Il est fait application de l’art. L. 1132-1* du Code du travail, qui prévoit notamment qu’il est interdit de refuser d’embaucher une personne en raison de ses mœurs ou de sa situation de famille. Pour les emplois qui le justifient, un examen ou un essai technique pourra être demandé.
Conformément aux dispositions légales, les salariés exposés à des risques de contamination doivent se soumettre aux vaccinations obligatoires et respecter les mesures de protection, et notamment celles concernant la vaccination et le port d’équipement de protection fourni par l’employeur (masques, gants, chaussures, etc.).
Chaque embauche sera confirmée par un écrit mentionnant la nature du contrat, l’emploi, la catégorie, le montant et la périodicité de la rémunération, la durée du travail et, pour les emplois qui l’exigent, la formation ou le diplôme obligatoire pour exercer, la période d’essai et les modalités de son renouvellement éventuel, la date de prise d’effet du contrat de travail, l’établissement auquel est affecté le salarié, ainsi que la convention collective applicable.
Nota :
*modifié par accord du 3 juin 2020, étendu
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Cet article de la CCN comporte de nombreuses dispositions importantes :
La réaffirmation du principe de non-discrimination
Le premier alinéa de l’art. 211 de la CCN fait référence à l’ancien art. L. 122-45 du Code du travail qui posait un principe de non-discrimination notamment à l’occasion de l’embauche d’un salarié. Ces dispositions ont été reprises et enrichies aux nouveaux articles L. 1132-1 à L. 1132-4 en vigueur aujourd’hui.
L’essai ou l’examen technique
Les essais professionnels constituent des préalables à l’embauche que l’employeur peut mettre en œuvre pour vérifier la qualification professionnelle du candidat à un poste. Ils se différencient de la période d’essai qui, elle, débute après la formation du contrat de travail. Pour ne pas constituer un "travail", l’essai professionnel doit, selon les critères posés par la jurisprudence, être de très courte durée et ne pas être réalisé dans le cadre d’un lien de subordination avec l’employeur, c’est-à-dire en dehors des conditions normales d’emploi. Il n’a, en outre, pas à être rémunéré, sauf dispositions conventionnelles contraires.
La mise en œuvre de l’obligation de sécurité de l’employeur à l’égard de ses salariés : prévention des risques
L’employeur est tenu d’une obligation générale de sécurité envers ses salariés, obligation dont il doit assurer l’effectivité permanente. En retour, les salariés doivent se conformer aux exigences de l’employeur en matière de prévention des risques. La mise en œuvre de la prévention des risques en matière de santé et de sécurité des travailleurs doit être prise en charge financièrement par l’employeur.
Les obligations de l’employeur figurent aux articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du Code du travail, et celles des salariés aux articles L. 4122-1 à L. 4122-2.
Les obligations générales de l’employeur
"L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
(1°) des actions de prévention des risques professionnels […] ;
(2°) des actions d’information et de formation ;
(3°) la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes" (art. L. 4121-1 du Code du travail).
"L’employeur met en œuvre les mesures prévues [ci-dessus] sur le fondement des principes de prévention suivants : [notamment]
(1°) éviter les risques ;
(2°) évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
(3°) combattre les risques à la source ;
(4°) adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail […] ;
(5°) tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
(6°) remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
(7°) planifier la prévention ;
(8°) prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
(9°) donner les instructions appropriées aux travailleurs" (art. L. 4121-2).
En cas de manquement à ses obligations de sécurité, la responsabilité de l’employeur pourra être engagée en cas de préjudice subi par les salariés (dommages corporels, préjudices moraux, expositions anormales à des risques, etc.).
Les obligations corrélatives des salariés
Si les salariés sont les premiers bénéficiaires des mesures prises par l’employeur en vertu de son obligation générale de sécurité, ces derniers devront en retour se conformer aux règles édictées par l’employeur dans sa mise en œuvre, au risque de s’exposer à des sanctions disciplinaires. Ainsi, "conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur […], il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail". "Les instructions de l’employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d’utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses" (art. L. 4122-1).
Les équipements de protection individuelle (EPI)
L’art. 221 de la CCN fait explicitement référence à l’obligation des salariés "de respecter les mesures de protection, et notamment celles concernant […] le port d’équipements de protection fournis par l’employeur (en matière d’équipements individuels de protection)" : "masques, gants, chaussures, etc.". Cette disposition rappelle et renforce l’obligation des salariés en la matière sur les risques spécifiques que ces équipements ont vocation à prévenir : "masques" et "gants" pour prévenir le risque de contamination virale ou bactérienne, mais également risque d’exposition aux produits cancérogènes utilisés pour les soins de conservation notamment.
S’agissant des "chaussures", il pourra s’agir du port de chaussures de sécurité pour prévenir tout risque de dommage corporel dans la manutention des cercueils. Mais, on le voit, cette liste n’est pas limitative, renvoyant ainsi implicitement à l’obligation générale de sécurité qui pèse sur l’employeur, et à l’obligation générale de se soumettre aux dispositifs édictés par l’employeur et par les salariés.
Rappelons qu’en tout état de cause, "l’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs […]. À la suite de cette évaluation, l’employeur met en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs" (art. L. 4121-3 du Code du travail).
Les obligations de vaccination des salariés
L’art. 221 de la CCN rappelle que "les salariés exposés à des risques de contamination doivent se soumettre aux vaccinations obligatoires". Dans le domaine funéraire, il s’agit au premier chef des salariés en contact direct avec les personnes décédées, mais également de ceux susceptibles d’exercer leur activité dans des lieux où séjournent des personnes décédées avant mise en bière (chambres de défunts, installations techniques de chambres funéraires ou mortuaires). En la matière, il sera fait application de plusieurs dispositions :
- Art. L. 3111-4 du Code de la santé publique : "Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe" (l’obligation d’immunisation contre la grippe a été suspendue par le décret du 2006-1260 du 14 octobre 2006) ;
- Art. 1 de l’arrêté du 15 mars 1991 (dans sa version en vigueur issue de l’arrêté du 29 mars 2005) : "Toute personne exposée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite lorsqu’elle exerce une activité professionnelle dans les catégories suivantes d’établissements ou d’organismes publics ou privés de prévention ou de soins : […] établissements relevant de la loi hospitalière […] ; établissements d’hébergement pour personnes âgées ; services sanitaires de maintien à domicile […]", complété par l’art. 2 : "Sont assimilés aux établissements et organismes mentionnés à l’article précédent, dans la mesure où ils participent à l’activité de ces derniers […] : les entreprises de pompes funèbres ; les entreprises de transport de corps avant mise en bière."
- Arrêté du 2 août 2013 fixant les conditions d’immunisation des personnes mentionnées à l’art. L. 3111-4 du Code de la santé publique : "Les personnes exerçant leur activité dans les établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins mentionnés dans l’arrêté du 15 mars 1991 […] sont exposées à un risque de contamination lorsqu’elles exercent une activité susceptible de présenter une exposition à des agents biologiques à l’occasion du contact […], avec le corps de personnes décédées, ou avec des produits biologiques soit directement, y compris par projection, soit indirectement, notamment lors de la manipulation et du transport de dispositifs médicaux, de prélèvements biologiques, de linge ou de Déchets d’Activité de Soins à Risque Infectieux (DASRI).
Ces personnes sont soumises aux obligations d’immunisation mentionnées à l’art. L. 3111-4 du Code de la santé publique et doivent apporter la preuve de leur immunisation au moment de leur entrée en fonction. À défaut, elles ne peuvent exercer dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins une activité les exposant à un risque de contamination."
En matière funéraire, le salarié doit produire à son employeur la preuve de son immunisation, qui peut prendre la forme d’une "attestation médicale de vaccination" (décret du 2 août 2013, art. 3) avant son embauche, de sorte que le contrôle de la régularité vaccinale du salarié repose sur les épaules de l’employeur.
S’agissant de la formation pratique, de l’embauche et de l’emploi d’un thanatopracteur, le respect de l’obligation vaccinale relative à l’hépatite B est également contrôlée par l’autorité préfectorale et le médecin du travail : "Les thanatopracteurs en formation pratique et en exercice doivent, en l’absence d’infection en cours ou antérieure, être vaccinés contre l’hépatite B. La preuve de la vaccination ou de la contre-indication est jointe à l’inscription en formation ou à la demande d’habilitation à exercer […]. Le médecin du travail s’assure que les thanatopracteurs salariés vérifient les conditions mentionnées à la première phrase." (art. L. 3111-4-1 du Code de la santé publique)
Le formalisme du contrat de travail
Le dernier paragraphe de l’art. 211 de la CCN des pompes funèbres prescrit de nombreuses règles quant à la forme et au contenu du contrat de travail. Le droit commun ne prescrit que peu de règles relatives au formalisme des contrats de travail. Ainsi, un Contrat à Durée Indéterminée (CDI) à temps plein pourrait être conclu sans qu’il ait à être formalisé par un écrit (mais il en irait autrement d’un Contrat à Durée Déterminée (CDD) ou d’un contrat de travail à temps partiel, qu’il soit à durée indéterminée ou à durée déterminée.
Néanmoins, l’absence d’écrit est peu protectrice pour les parties si un litige devait survenir entre le salarié et son employeur. Il est donc d’usage quasi systématique de formaliser les contrats de travail par écrit. La CCN des pompes funèbres fait de cette pratique une obligation, ainsi qu’en dispose le dernier alinéa de son art. 211 : "Chaque embauche sera confirmée par un écrit mentionnant la nature du contrat." C’est ainsi qu’en pratique, il est d’usage d’y indiquer : "Contrat de Travail à Durée Indéterminée (ou à Durée Déterminée)", de même la CCN des pompes funèbres impose qu’il soit mentionné sur le contrat écrit les éléments suivants :
- "l’emploi" : il s’agit généralement du poste occupé ;
- "la catégorie" : correspondant à la position hiérarchique occupée par le salarié au regard, non pas seulement du poste occupé et de son intitulé, mais surtout des tâches qui lui sont effectivement confiées par son employeur. En effet, la classification des emplois dans le secteur des pompes funèbres est annexée à la convention collective, et à chaque position hiérarchique sont attribués un salaire minimum conventionnel, et, le cas échéant, divers avantages spécifiques. Sous-classifier un salarié au regard des tâches qu’il accomplit réellement, pourrait aboutir à lui verser un salaire inférieur aux minima conventionnels, et à le priver le cas échéant d’avantages auxquels il pourrait prétendre.
En cas de litige entre le salarié et son employeur, le juge s’attachera à vérifier le travail et les tâches réellement accomplis par le salarié sans tenir compte de l’intitulé du poste figurant sur le contrat de travail. Il pourra alors décider de "reclassifier" le salarié dans une position hiérarchique supérieure à celle mentionnée sur le contrat de travail, et tirer les conséquences financières qui découlent ;
- "le montant et la périodicité de la rémunération" : habituellement, il est d’usage d’indiquer le montant du salaire brut versé au salarié. Le contrat de travail pourra éventuellement faire état de primes susceptibles d’être versées au salarié. S’agissant de la périodicité, elle est fixée à l’art. L. 3242-1 du Code du travail : "La rémunération des salariés est mensuelle et indépendante." Néanmoins, le salarié est en droit de demander à son employeur le paiement d’au moins un acompte correspondant à une quinzaine ;
- "la durée du travail" (du salarié) : cette information est particulièrement importante si l’entreprise déroge aux règles relatives au temps de travail ou si le salarié occupe son poste à temps partiel ;
- "et pour les emplois qui l’exigent, la formation ou le diplôme obligatoire pour exercer" : cette disposition fait référence aux règles relatives aux obligations de formation et de diplôme prévues par le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) ;
- "la période d’essai et les modalités de son renouvellement éventuel" : la période d’essai est facultative, c’est la raison pour laquelle elle doit impérativement figurer explicitement sur le contrat de travail. De même, l’hypothèse de son renouvellement n’étant qu’une faculté, cette éventualité doit également être prévue par le contrat de travail. Notons également que le renouvellement d’une période d’essai n’est possible qu’à la condition qu’un accord collectif étendu prévoit cette possibilité. En l’espèce, la CCN des pompes funèbres, qui est un accord collectif étendu, prévoit cette hypothèse.
- "ainsi que la convention collective applicable".
Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris
Résonance n° 195 - Septembre 2023
Résonance n° 195 - Septembre 2023
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