Localanque : vers un Conservatoire cinéraire maritime ?

Résonance : Yannick Long, la notoriété de Localanque semble bien installée, comment expliquez-vous ce succès ?

Yannick Long : Une dispersion de cendres en mer n’est pas qu’une simple excursion maritime, il y a également et surtout l’aspect cérémoniel dans un cadre grandiose, bercé par les flots de la Méditerranée. Nous appliquons un rituel choisi dont le point culminant va être de confier l’urne biodégradable à la mer et de sceller ce départ par des pétales de roses, eux aussi biodégradables.

Ces cérémonies sont fortes émotionnellement, et toutes sont personnalisées en fonction des exigences des familles. Nous avons la chance d’évoluer au sein d’une des plus belles régions de France, où le bleu du ciel se confond avec celui de la mer. Nous réalisons un peu plus de 100 cérémonies par an avec une moyenne de 8 personnes présentes par cérémonie. Tous repartent avec un large sourire d’apaisement malgré la peine de la séparation, c’est la magie de la mer.

Pour matérialiser ces instants, nous proposons à la famille une carte maritime du souvenir de la rade de Marseille en voile recyclée sur laquelle est positionné le point GPS de dispersion des cendres. Nous constatons également qu’à la date anniversaire de la dispersion, les familles reviennent pour se rendre sur la géolocalisation GPS pour un recueillement, une belle expression de la mémoire et de l’hommage envers la personne défunte.

R : Vous disposez maintenant de plusieurs bateaux en fonction du nombre de personnes à embarquer en toute sécurité, et vous avez, me semble-t-il, des projets d’aménagement particuliers ?

YL : Nous avons deux casquettes, si je puis dire. La première, nous sommes, Philippe Arnaud, mon associé et moi-même, brevetés capitaines 200 et habilités au pilotage d’embarcations recevant du public. Nous avons des règles de sécurité très strictes, car nous sommes en responsabilité de nos passagers, de notre équipage et de nous-mêmes, mais également soucieux des autres embarcations qui naviguent dans l’espace de la rade de Marseille, du Frioul et du Château d’If, une zone très fréquentée.

La seconde casquette est celle de maître de cérémonie. Nous avons suivi toutes les formations réglementaires et déposé les classes d’habilitation comme n’importe quelle entreprise funéraire, d’un genre particulier certes, mais bien réelle. Nous sommes également adhérents à la Fédération Française des Pompes Funèbres (FFPF) et nous militons pour une large reconnaissance de notre activité funéraire maritime.

La symbolique particulière de la dispersion en mer attire un public de plus en plus nombreux. Comme toutes cérémonies de funérailles, certaines personnes, du fait de leur éloignement, ne peuvent se rendre sur les lieux de la dispersion et assister à la cérémonie. Nous travaillons à une réponse qui permette un visionnage Internet de la cérémonie.

À terre, le problème est simple à résoudre… en mer, c’est totalement différent, car la couverture wifi pose quelques problèmes, même à 300 m des côtes, distance réglementaire à observer pour la dispersion. Cependant, nous sommes sur la bonne voie et, très prochainement, ce service de diffusion streaming, au moyen d’une ou plusieurs caméras pivotables à 360°, sera opérationnel, et nous savons par avance qu’il rencontrera un grand succès auprès des familles.

R : Vous évoquiez la création d’un Conservatoire cinéraire maritime, une zone répertoriée bien précise pour la dispersion des cendres, qu’en est-il exactement ?

YL : L’idée nous est venue à partir d’un constat. En période estivale, nous constatons qu’un grand nombre d’embarcations professionnelles ou de plaisance fréquentent les sites touristiques de la rade de Marseille. La nature particulière de notre activité éveille une curiosité regrettable de la part de certains, venant troubler le recueillement.

Nous avons donc porté quelques initiatives auprès de la Métropole et des autorités maritimes. La première serait de délimiter une zone destinée aux funérailles maritimes, imposant aux curieux de respecter une distance de discrétion afin de laisser les familles à leur séparation. La seconde consisterait en une signalétique définie qui qualifie l’embarcation funéraire. Vous savez qu’en mer les navires peuvent communiquer par des fanions particuliers, par exemple, blanc et bleu signifie qu’il y a un plongeur en action, un fanion rouge signale le transport de matières dangereuses.

Nous suggérons la création d’un fanion spécifique signalant une opération de funérailles maritimes en cours et de demande d’éloignement. Ces démarches ne sont pas inappropriées, loin de là : entre propriétaires de navires professionnels du port de Marseille, nous sommes convenus de ne pas nous gêner lors de nos déplacements. Il ne reste qu’un pas à faire pour que la plaisance respecte les funérailles maritimes, qui ne sont pas des attractions touristiques, mais des cérémonies sensibles et importantes pour les familles en deuil.

R : Je crois savoir que vous avez fait de gros efforts en termes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ?

YL : Oui bien sûr, et depuis la création de Localanque, nous avons tout fait pour labelliser ce dispositif d’accès. En 2021, nous avons obtenu pour une durée de 5 ans la marque d’État "Tourisme & Handicap". Ce label concerne les personnes en déficit auditif, mental, moteur ou visuel. La réglementation est très stricte, c’est naturel. Nous avons créé et mis en œuvre un dispositif de passerelle PMR (Personne à Mobilité Réduite) et UFR (Usager en Fauteuil Roulant).

Ce dispositif Localanque permet à tous, handicapés ou valides, d’accéder en sécurité à bord et de profiter au mieux du trajet en mer, funérailles ou non. Notre souhait est d’apporter le meilleur confort d’utilisation de notre service maritime et, pour ce qui concerne les funérailles maritimes, d’apporter un accompagnement de qualité pour une séparation apaisée et inoubliable pour les familles.