
Les entreprises de pompes funèbres ont toujours eu pour principale mission de gérer les aspects techniques et réglementaires liés à la mort. Encadrés par des obligations législatives strictes, les professionnels funéraires assurent la mise en bière, l’organisation de la cérémonie, et veillent à ce que l’inhumation ou la crémation se déroule dans le respect des normes sanitaires et administratives.
Ce service extérieur des pompes funèbres est essentiel ; encadré par le législateur, il garantit à la fois le respect des dernières volontés du défunt et l’apaisement des proches dans ces moments d’urgence. Pourtant, cette mission, bien que primordiale, ne couvre qu’une partie du long parcours des familles. Et pour cause, après la mort et les obsèques, un autre travail tout aussi important commence pour les familles : celui du deuil.
Malheureusement, en se concentrant sur la gestion de la mort, bon nombre d’opérateurs funéraires laissent de côté l’accompagnement du deuil. Une fois la cérémonie terminée, ces derniers quittent la scène, laissant les familles en proie à un vide immense.
Que reste-t-il aux familles endeuillées après la cérémonie… hormis les émotions provoquées par celle-ci ? Je compare souvent le rôle des professionnels funéraires à celui des pompiers. Face à l’urgence de la mort, ils interviennent pour éteindre le feu en gérant les formalités, l’organisation de la cérémonie, les différents hommages au défunt, et veillent au bon déroulement de l’inhumation ou de la crémation.
Mais que se passe-t-il une fois ce feu éteint ? Il subsiste des braises, une douleur tacite dans le cœur des familles endeuillées. Et, à l’heure actuelle, ces braises, cette souffrance, ce ne sont pas les pompes funèbres qui contribuent à les apaiser. Non, ce sont des associations et autres startups numériques qui ont vu le jour et qui prennent en charge cet accompagnement des familles après le deuil.
Ces associations offrent des espaces tels que des cafés de la mort, des cafés deuil et des groupes de parole, où les familles peuvent exprimer leur souffrance et trouver du réconfort. Ces initiatives sont précieuses, car elles permettent à chacun de trouver un soutien émotionnel post funérailles, loin de la solennité d’une cérémonie du souvenir. Elles comblent un vide que les entreprises de pompes funèbres ont laissé.
Parallèlement à ces associations, l’émergence de startups a ouvert un nouveau champ des possibles par la voie de la digitalisation. Elles apportent des solutions concrètes aux familles en facilitant les démarches administratives après décès, et, proposent même des outils numériques pour préserver le souvenir des défunts grâce à des mémoriaux en ligne, permettant ainsi aux proches de continuer à faire vivre la mémoire du disparu dans un espace virtuel.
Il sera même très probablement possible aux familles, dans un futur proche, de pouvoir converser avec leurs défunts, grâce à l’intelligence artificielle et à la somme de données collectées à leur sujet.
Face à ces évolutions, une question se pose : quel est et quel sera, à l’avenir, le rôle à tenir par les professionnels funéraires dans l’accompagnement des familles post-obsèques ? Seront-elles encore et toujours là pour gérer la mort, ou devront-elles intégrer l’accompagnement du deuil dans leur métier ?
Étant moi-même professionnel funéraire et formateur, je pense que nous, pompes funèbres, étant en contact direct avec les familles, avons la responsabilité… voire l’obligation morale, de proposer des solutions d’accompagnement aux familles et, ainsi, d’apporter un réel soutien à ces dernières après les obsèques.
Certes nous ne sommes pas des thérapeutes, mais nous pouvons… devons être force de proposition en organisant, dans nos structures, des réunions pratiques et des groupes de parole afin d’apporter des réponses aux familles, mettre en place des partenariats avec les associations locales dédiées, collaborer de façon plus étroite avec ces startups afin de créer une offre cohérente qui engloberait démarches après décès et mémorial numérique.
Dans l’idéal, à l’occasion de ces réunions et autres groupes de parole, nous pourrions même encourager toutes ces familles à venir avec un gâteau (ou autre chose) afin de partager un moment convivial, mais aussi et surtout, créer du lien et un retour progressif à la vie.
Nous ne devons pas seulement éteindre le feu, mais aussi prendre soin d’apaiser les braises qui subsistent encore dans le cœur des familles endeuillées. Il est grand temps de réévaluer notre rôle et de redonner à notre métier toute sa dimension humaine.
Jean-Michel Rey
Consultant et formateur funéraire
Résonance n° 211- Janvier 2025
Résonance n° 211- Janvier 2025
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