Spécialisé dans la gestion de situations de crise, le rapatriement et le transport de corps international, ANUBIS vient de procéder à un redéploiement de son activité sur le secteur des Antilles. Profitant de sa venue au salon FUNÉRAIRE PARIS 2015, Dominic Vernhes, dirigeant de la société ANUBIS, a bien voulu répondre à nos questions sur le sujet, tout en abordant d'autres thèmes connexes non sans intérêt pour les professionnels "Métros".
Dominic Vernhes, dirigeant de la société ANUBIS. |
Résonance : Après un certain nombre d'activités, ces dernières années, au Canada et en Asie, vous vous recentrez sur vos "premières amours", à savoir le secteur des Antilles, pour y poursuivre un développement déjà engagé il y a une quinzaine d'années. Quelles y sont vos actions, et que représente le marché des Antilles pour ANUBIS ?
Dominic Vernhes : Anubis est présent en Martinique depuis 2002 et à Saint-Martin depuis 2010, avec un complexe logistique équipé d’un chambre funéraire. Nous avons fait nos marques à partir des Antilles avec l’assistance inter-îles, le rapatriement international, mais aussi la logistique aéroportuaire et la gestion d’évènements exceptionnels. Pour mémoire, Anubis a eu à gérer une des catastrophes les plus importantes qu’ait connues la France avec le crash aérien de Maracaïbo au Vénézuela en août 2005, faisant 160 victimes dont 152 Martiniquais.
Aux Antilles, les techniques d’approche opérationnelle y sont également différentes. Exemple, pour un rapatriement de corps inter-îles, les liaisons aériennes sont souvent assurées avec des petits appareils qui ne sont pas toujours en capacité de transporter un cercueil, il faut parfois utiliser le bateau ou affréter un vol. Autre exemple, la crémation n’est pas possible en Guyane, il faut transporter le cercueil en Martinique et retourner l’urne à la famille. Lorsqu’un crématorium tombe en panne comme cela a déjà été le cas en Martinique, il faut transférer les défunts vers celui de la Guadeloupe
et organiser le retour de l’urne. D’ailleurs, depuis cet incident, nous avons mis en place des contrats d’assistance pour les crématoriums.
Les Domiens ont souvent tendance à appeler leur département insulaire “le pays“. Tout s’y passe comme en France, mais avec le conservatisme et les traditions. Il s’agit effectivement de micro-marchés très différents d’une île à une autre, très exigeants et gourmands en matière d’attention et donc d’assistance. Nous renforçons cette proximité avec nos équipes, car nous sommes en plein cœur de notre vocation d’assistance funéraire et d'assistance aux personnes.
Aussi, alors que depuis plusieurs années les hôtels avaient des difficultés à faire le plein, aujourd’hui, il faut s’y prendre à l’avance. C’est l’une des conséquences des évènements du printemps arabe de 2011, qui a modifié, entre autres, les flux touristiques. Plus récemment, la baisse de l’euro par rapport au dollar rend également les FWI (French West Indies) plus attrayantes pour les touristes d’Amérique du Nord mais aussi de la zone euro.
L’activité rapatriement est toujours très irrégulière, mais les destinations sont beaucoup plus variées que par le passé. Nous avons donc de nouveaux contrats, avec des critères nous imposant de modifier nos modèles de référencement “Client/Prestataire“. Ce qui peut s’interpréter par un redéploiement, qui se manifeste en réalité par une filialisation de nos activités pour les rendre plus autonomes et réactives naturellement, pérenniser la présence d’Anubis dans cette zone du monde bien loin de la France.
R : Outre le micro-marché que les Antilles représentent, n'y a-t-il pas une volonté de positionnement stratégique par rapport au secteur Amériques ?
DV : Les îles françaises sont géographiquement bien situées pour couvrir les Amériques du nord au sud, mais pas les mieux placées stratégiquement parlant pour intégrer un marché anglophone. Il y a également un souci de recrutement de collaborateurs parlant parfaitement l’anglais et l’espagnol, ce qui est le minimum pour se positionner sur cette zone. Il y'a aussi une question simple de législation très différente, et une exposition à une responsabilité juridique plus élevée. C’est ainsi que nous avons décidé en 2007 d’être présents sur ce continent à partir du Canada en créant Anubis Assistance Inc. Nous y gérons des services adaptés à la clientèle de cet énorme continent américain, qui n’hésite pas à se déplacer sur de longues distances.
R : Revenons-en au développement global… Nous évoquions précédemment l'Asie et le Canada. Qu'en est-il vraiment ?
DV : Anubis bénéficie d’une image sérieuse et de qualité qui a passé largement les frontières. Cependant, gérer opérationnellement des dossiers intercontinentaux, c’est-à-dire intra-USA-Canada, intra-Caraïbes, intra-Asie, Afrique…, n’est pas des plus évidents à partir d’une base unique, même si nous sommes opérationnels 24h/24. Il y a l’aptitude des collaborateurs à comprendre, anticiper et respecter les us et coutumes de chaque pays. De plus, chaque famille est très sensible à être en relation avec des collaborateurs dont la langue natale est la même, ou du moins parlée couramment.
Naturellement, tout dépend de la volumétrie, et c’est bien l’indice de référence qui fait que nous passons bien souvent par l’étape d’un bureau de représentation et, selon les cas, à la signature de partenariats locaux, régionaux ou à la création d’une filiale ou d’une joint-venture.
R : Les pratiques et les normes funéraires étant, pour certaines, spécifiques à chaque pays, la gestion des rapatriements n'en est que plus complexe, est-ce facile à gérer du fait de votre présence dans de nombreux pays ?
DV : En effet, les types de cercueils sont très variables, les formes, les poids, avec hermétique ou sans, en bois ou juste en métal. La législation entre certains pays comme les USA et le Canada permet de transporter par avion un corps ayant reçu des soins de conservation, c’est-à-dire sans cercueil, juste conditionné dans un air tray. De l’Amérique du Sud vers le monde entier (sauf pays signataire de la convention de Berlin) où l’hermétique est remplacé par le bioseal, ce qui, entre autres, évite la problématique du dépotage en cas de crémation. Il y a aussi des pays où la pratique religieuse fait office de législation funéraire, puis les zones de conflit, comme la Somalie, le Soudan, l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, le Yémen, où il nous arrive de nous appuyer sur des moyens militaires ou des ONG en place.
Notre présence et la parfaite connaissance de nos réseaux, c’est précisément ce qui nous permet de gérer et d’anticiper nos opérations.
R : Du fait même de votre cœur de métier, nous évoquions ensemble les contraintes liées aux transports de corps intracommunautaires et/ou internationaux, notamment tout ce qui est relatif aux cercueils hermétiques. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
DV : L’Europe du funéraire traîne des pieds à faire évoluer sa législation, notamment concernant les transports transfrontaliers, où le cercueil hermétique est encore rendu obligatoire, notamment pour l’entrée ou la sortie de France. Y a-t-il du lobbying, je ne peux répondre, mais il est très probable que le jour où l’hermétique ne sera plus rendu obligatoire, l’organisation des transports intracommunautaires s’intensifiera par la route, notamment avec l’arrivée très agressive d’entreprises funéraires européennes qui, pour celles qui ne sont pas encore venues en France, attendent seulement que la porte s’ouvre !
R : Et pour ce qui est du dépotage… Le problème est-il vraiment spécifique à la France ?
DV : La France reste le pays le plus contraignant avec une législation protectrice et très encadrée mais inadaptée à certaines situations, notamment sur cette question du dépotage.
Un changement de cercueil est le plus souvent demandé pour permettre une crémation quand celui-ci est muni d’un cercueil hermétique. Dans ce cas, le procureur, et depuis peu de temps le maire, peut autoriser cette intervention. Par contre, dans quelques rares cas, lorsque le cercueil dégage des odeurs ou qu’il est détérioré suite à un choc, l’ouverture du cercueil ou son changement est systématiquement refusé, ce qui expose les familles et les proches à des indispositions lors des obsèques, mais aussi à une incompréhension morale difficile à expliquer.
R : Pour conclure, demain, quelles sont, au niveau d'ANUBIS, les différentes perspectives de développement possible dans un contexte géopolitique qui semble de plus en plus complexe ?
DV : En effet, il y a un contexte géopolitique, mais aussi un environnement professionnel, qui évolue, bien entendu. On pense à la France, mais il y a l’Espagne, où deux leaders ont changé d’actionnaires, pour l’un un financier, pour l’autre un assureur. Plus loin, aux USA, où SCI est toujours très présent, et en Asie Pacifique, avec des prises de participation très importantes de groupes financiers dans le domaine funéraire entre l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour et récemment la Chine. Comme toujours, il y aussi de nouveaux acteurs qui bousculent l’échiquier.
Dans ce contexte, Anubis reste une entreprise dite agile avec une vision globale.
Steve La Richarderie
Résonance n°115 - Novembre 2015
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