Afin d’aider les artisans de leurs régions à se diversifier, les Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la Haute-Vienne, de la Creuse et du Tarn ont œuvré à la création d’une filière "design funéraire" dans leur secteur. Suivies par d’autres Chambres de Métiers, c’est aujourd’hui le territoire du Massif Central et prochainement le Massif Pyrénéen, soit potentiellement plus de 27 départements, qui seront concernés par ce dispositif. Rencontre avec Jean Exner, secrétaire général de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la Haute-Vienne.
Jean Exner, secrétaire général de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la Haute-Vienne. |
Résonance : Monsieur Exner, vous êtes à l’origine d’un projet visant à engager les artisans de votre région dans la production et le design funéraire. Comment est né ce projet, et comment se présente-t-il ?
Jean Exner : Le projet est né de l’idée d’un porcelainier qui, faute d’avoir des marchés sur l’art de la table, a décidé de concevoir et de commercialiser des urnes en porcelaine de Limoges. Son expérience et les premiers retours de la clientèle ont permis d’imaginer tout un programme d’intervention au bénéfice des entreprises artisanales, dans la perspective de créer un réseau d’innovation funéraire.
R : Côté artisans, l’adhésion a-t-elle été immédiate ? Se sont-ils projetés facilement dans ce secteur d’activité ?
JE : L’artisanat est un secteur majeur de l’économie qui n’est ni uniforme, ni homogène. La perception du marché du funéraire et de son potentiel varie énormément d’un artisan à l’autre. Le projet s’est construit autour de quelques professionnels, artisans, designers et pompes funèbres, qui ont trouvé l’approche intéressante, compatible avec leur créativité et leur éthique. Néanmoins, l’adhésion au projet, aujourd’hui encore, n’est ni immédiate, ni évidente pour certains. L’argument clé est bien souvent qu’un artisan donne de l’âme et du sens à ses produits, ce qui n’est pas sans intérêt dans le secteur du funéraire, pour les distributeurs, mais également pour les familles.
R : Depuis le début de cette aventure, d’autres chambres de métiers vous ont rejoints…
JE : Cette partie du travail a été certainement la plus longue. Argumenter, illustrer, convaincre, avec, en face, souvent du scepticisme, parfois de l’intérêt, toujours de la curiosité ! Les premières entreprises qui ont franchi le pas ont été les meilleurs ambassadeurs, et les premiers résultats commerciaux de nos artisans, la preuve de la pertinence de la démarche.
R : Dans votre présentation du projet, vous avez évoqué la notion d’accompagnement pour vos artisans dans leur démarche créative, tant du point de vue technique qu’artistique. Qui vont être ces accompagnateurs, avez-vous noué des partenariats à cet effet ?
JE : L’accompagnement des entreprises s’appuie sur des ressources internes, notamment un chargé de mission funéraire, recruté par la Chambre de Métiers, lui-même ancien professionnel du secteur. En outre, le projet s’intègre dans une démarche collaborative plus large, intégrant des designers, des établissements de formation, des collecti-vités territoriales, et des associations. L’objectif est de pouvoir faire converger des compétences multiples, innovation, technologie, propriété industrielle, aménagement, promotion des filières…, autour de la création d’une offre originale.
R : Le design et la singularité des produits aux regards des attentes et aspirations des familles semblent être le fil rouge voire l’ADN de votre projet, n’est-ce pas ?
JE : Tout à fait. Le funéraire est un secteur économique où tout reste à inventer. Et les possibilités liées à des nouvelles technologies, combinées avec des savoir-faire traditionnels, voire ancestraux, ouvrent de belles perspectives : monuments connectés, fabrication additive, combinaisons de matériaux… L’approche design inhérente au projet permet d’envisager la création de produits funéraires au plus près des tendances ou des aspirations des familles. Le principe est d’allier, dans une même recherche créative, simplicité, fonctionnalité, développement durable, symbole, coût, qualité et esthétique. En un mot, l’essence même d’une production artisanale !
R : Avoir le soutien de tels partenaires a dû vous être des plus profitables pour lever les fonds et autres subventions afin de financer cette aventure ?
JE : La démarche est plutôt ambitieuse. Le territoire d’expérimentation est large, et le nombre d’entreprises ciblées – autour de 40-50 – est important, surtout quand il s’agit de fédérer les énergies. Mais c’est cette dimension qui nous a permis de mobiliser des financements d’État, au travers des Conventions de Massif, dispositifs d’intervention permettant notamment d’appuyer le développement économique. Les régions nouvelle Aquitaine et Occitanie sont aussi partie prenante, et abondent au financement du dispositif. Au-delà de la dimension structurante du projet, pour les économies locales, c’est avant tout la possibilité pour des savoir-faire emblématiques d’intégrer un marché où la qualité artisanale apporte une vraie valeur ajoutée.
R : Pour conclure. Faire, c’est très bien, mais faire savoir que l’on fait, c’est mieux… Quels vont être vos grands rendez-vous en matière de promotion ?
JE : Plusieurs objectifs, à court et moyen terme. Le premier, et qu’il convient d’annoncer, est que nous prendrons contact avec tous les réseaux et enseignes de pompes funèbres pour les sensibiliser à la démarche et, pourquoi pas, stimuler des courants d’affaires. Une rencontre entre toutes les entreprises intégrées au dispositif sera organisée d’ici le mois de juin, pour stimuler les collaborations. Une échéance importante, le salon Funexpo - Lyon en 2018, pour présenter une large production, et enfin le salon Funer Miami, pour présenter des innovations adaptées au marché nord-américain. Quelques pépites, que nous ne manquerons pas de vous présenter à une prochaine occasion.
Steve La Richarderie
Résonance n°137 - Février 2018
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