Le 2 septembre 2019 débutera au Lycée Roger Verlomme de Paris la première promotion du BTS Négociation et Digitalisation de la Relation Client (NDRC) dédié au secteur funéraire. Cette formation initiale post-bac proposera 1 350 heures de formation, théorique et pratique - par le biais de l’alternance - aux futurs conseillers funéraires en devenir. Rencontre avec Joël Bouteiller, créateur et responsable du BTS NDRC "Conseiller funéraire"…
Résonance : Monsieur Bouteiller, pouvez-vous nous présenter votre établissement, votre section et ce qui en fait sa spécificité (BTS secteur de niche) ?
Joël Bouteiller : Le lycée Roger Verlomme est un établissement public de l’académie de Paris, lycée des métiers de gestion et management. C’est un établissement de petite taille (environ 380 élèves), bien situé dans le cœur du 15e arrondissement, charmant et qui a su garder le cachet des lycées d’entre les deux guerres. Son décor est typique des vieux lycées parisiens.
En pré-bac, il rassemble trois classes de première et trois classes de terminale STMG. En septembre 2019, au niveau post-bac, il y aura cinq sections de BTS tertiaire, dont deux à dominante commerciale, à savoir le BTS NDRC Commercialisation des vins, boissons et spiritueux, des produits du terroir et des produits de luxe, le BTS NDRC Conseiller funéraire, qui lancera sa première promotion le 2 septembre 2019 avec un effectif de 20 apprenti(e)s.
Toutes les sections de BTS sont sous un système d’apprentissage en alternance 1 + 1 (première année en formation initiale et seconde année en entreprise). Nous sommes un établissement pilote au sein de l’académie de Paris et nous avons été les premiers à mettre en place ce système d’alternance en 1 + 1.
J’ai créé ces deux BTS à dominante commerciale dans des secteurs de niche de par leurs spécificités, leurs besoins, leurs terrains d’action, les profils des apprenti(e)s, pour permettre aux jeunes de découvrir des métiers commerciaux dans des secteurs très spécialisés, mais également pour répondre aux besoins des entreprises sur des postes de commerciaux qu’elles ont du mal à pourvoir sur ces différents secteurs d’activité.
De formation Bac + 7, ancien cadre de l’industrie du luxe, passionné par les métiers de la formation et le goût de transmettre, j’ai, à 42 ans, intégré l’Éducation nationale et passé les concours pour être professeur en post-bac. Depuis 2000, j’ai créé quatre BTS dans trois établissements différents, dont deux au lycée Roger Verlomme. Le dernier étant le BTS NDRC Conseiller funéraire.
R : Quel est votre rôle au sein de cette section ?
JB : Je suis le professeur responsable des deux BTS NDRC, et je travaille en équipe pour les enseignements auprès de nos étudiants et apprenti(e)s. Je suis la courroie de transmission entre les entreprises, les apprenti(e)s et les professeurs. J’ai un rôle de coordinateur entre l’Administration de l’Éducation nationale, le CFA Paris Académie Entreprises qui gère la seconde année des apprenti(e)s, les professeurs, les apprentis et les tuteurs dans les entreprises.
Je suis en lien avec les entreprises pour trouver les stages et les apprentissages à nos jeunes. Je rencontre les tuteurs lors des visites en entreprise, et cela me permet de profiler les jeunes en fonction des besoins, mais également en fonction de la personnalité du jeune apprenti(e). Bref, j’oriente les apprenti(e)s en fonction des postes à pourvoir dans les entreprises.
R : Vous vous intéressez aux niches professionnelles… mais pourquoi le funéraire ?
JB : Si l’on se réfère à la pyramide des âges, on peut considérer que le secteur funéraire n’est qu’au début d’une forte croissance annoncée, en évolution et en restructuration permanente, autrefois agence familiale de pompes funèbres de quartier, aujourd’hui plusieurs grands groupes possèdent des marques et gèrent la profession. Les métiers du funéraire évoluent, se spécialisent, la profession de conseiller funéraire exige de plus en plus des savoirs, du savoir-faire et des compétences dans la pratique du métier. Il y a encore vingt-quatre mois, l’univers du funéraire m’était inconnu.
Dans ma quête de création de formation de niche, j’ai découvert que nos jeunes étudiants ne connaissaient pas ce secteur d’activité, encore moins le marché au sens économique du terme, ni les métiers qui composent la profession du funéraire.
En juin 2017, une étudiante est venue dans mon bureau pour me demander conseil sur les métiers commerciaux et de communication dans le secteur du funéraire, j’ai été bien incapable de lui répondre de façon précise, ne connaissant pas les intitulés des métiers commerciaux dans ce secteur d’activité. J’ai toutefois dit à l’étudiante que j’allais faire une veille informationnelle sur ce secteur d’activité.
L’idée a germé dans ma tête et j’ai fait un travail de recherche sur le marché du funéraire, les différents métiers du secteur et quels étaient les principaux acteurs. Bref, j’ai fait un travail qui m’a permis de mieux comprendre cette profession, et j’ai découvert que l’Éducation nationale ne formait à aucun de ce métiers, en particulier sur l'aspect commercial, plus particulièrement celui de conseiller funéraire. En poursuivant mes recherches, j’ai découvert que les Fédérations du funéraire, de même que certains acteurs tels que les groupes OGF et FUNECAP, délivraient des formations de quelques dizaines d’heures sur le métier de conseiller funéraire.
Je considérais ce volume horaire comme insuffisant pour former des professionnels en agence associant les compétences commerciales, juridiques, psychologiques et sociologiques. À partir de là, j’ai visité des agences en Île-de-France et joué le client mystère auprès de conseillers funéraires pour me faire une idée du contenu de la formation et des exigences du métier. En parallèle, j’ai fait une étude de marché pour mieux connaître cette profession, les acteurs, les besoins des agences en matière de fonctions commerciales, les évolutions futures de la profession.
Fort de toutes ces informations et de toutes ces connaissances, j’ai décidé de créer au sein de l’Éducation nationale un BTS NDRC Conseiller funéraire, soit en formation initiale soit en apprentissage. La genèse est partie de cette réflexion, c’est ce que j’appelle l’effet papillon, où la question d’une étudiante aboutit en final à la création d’une formation Bac + 2 de conseiller funéraire avec 1 350 heures de formation sur 2 ans. J’ai rencontré ma hiérarchie, exposé le projet, obtenu le feu vert pour poursuivre mes investigations.
À la suite de cela, j’ai rencontré les Fédérations, des responsables au sein des marques et enseignes du funéraire, des responsables d’agence. Le BTS NDRC répond, dans son contenu de formation, aux exigences du poste de conseiller funéraire. Début mars 2019, ma hiérarchie et moi-même décidions d’ouvrir cette formation et d’accueillir la première promotion le 2 septembre 2019.
Pourquoi le funéraire ? C’est un secteur où l’homme doit composer avec l’empathie, la psychologie, les connaissances, savoirs, savoir-faire et savoir-être pour exercer au mieux son métier au contact des êtres humains, j’y retrouve des éléments de mon métier de formateur auprès des jeunes qui nous sont confiés.
R : Quel est le contenu d’un BTS NDRC Conseiller funéraire… quelles matières vont être enseignées aux élèves ?
JB : Le BTS NDRC Conseiller funéraire comprend deux grands types d’enseignements : l’enseignement général, avec culture générale et expression, langue vivante étrangère (anglais en priorité), culture économique, juridique et managériale ; les enseignements professionnels, avec relation client et négociation vente, relation client à distance et digitalisation, relation client et animation de réseaux, atelier de professionnalisation. À cela s’ajoutent les enseignements de spécialité, à savoir le droit du funéraire et la psychologie du deuil.
La formation se déroule sur deux ans en apprentissage, à raison de 1 350 heures de formation sous le format deux semaines en formation et deux semaines en entreprise. Cela représente pour les apprenti(e)s 35 heures de cours par semaine.
R : Ce contenu pédagogique a-t-il été le fruit d’une concertation avec les organismes fédéraux et syndicaux de la branche funéraire ?
JB : Oui, j’ai rencontré les responsables des Fédérations du funéraire et nous avons travaillé ensemble sur des points précis de la formation. Je remercie particulièrement Florence Fresse de la FFPF et Richard Féret de la CPFM qui m’ont apporté de nombreux conseils dans la création de cette formation. J’ai rencontré également des professionnels de chez PFM Berthelot, de chez OGF, groupes avec lesquels nous allons travailler dans l’intérêt de la profession et de la formation de nos jeunes.
Il faut savoir que les Fédérations et les entreprises vont participer à cette formation par des interventions sur des thématiques, mais également sur les évaluations en CCF, sur les épreuves comme jurys d’examens. Oui, la profession sera actrice de cette formation comme dans d’autres secteurs professionnels, au niveau de la formation des apprenti(e)s, au niveau des interventions sur des thématiques comme la psychologie du deuil, la réglementation du funéraire, la formation aux cérémonies, au niveau des évaluations des apprenti(e)s. Bref, chacun des acteurs trouvera sa place dans cette formation, dans l’intérêt de la profession et des jeunes qui nous sont confiés.
R : À qui s’adresse ce BTS et quels sont les pré-requis pour l’intégrer ?
JB : Pour intégrer cette formation, il faut posséder le baccalauréat. La formation est ouverte aux titulaires d’un Bac général S, ES ou L, d’un Bac STMG, d’un Bac PRO présentant un projet professionnel construit, et aux personnes en reconversion (29 ans maximum). De même, des organismes tels que PARCOURSUP, Pôle Emploi, Missions locales, agences du funéraire devraient être de véritables viviers de recrutement.
R : Pour conclure, y a-t-il un dernier point que vous souhaitiez nous préciser ?
JB : Je vais rentrer en contact avec le Groupe FUNECAP pour leur présenter la formation du BTS NDRC Conseiller funéraire, comme je l’ai fait pour les indépendants, le Groupe OGF, les Services Funéraires de la Ville de Paris, car l’Éducation nationale applique un principe de neutralité dans sa conduite avec les entreprises.
Je tenais également à préciser que nous ne sommes pas en concurrence avec les instances de formation du funéraire, des différentes Fédérations et des groupes d’entreprises, mais complémentaire dans le sens où nous n’intervenons pas sur les formations techniques du funéraire, comme la formation des porteurs, des convoyeurs, des maîtres de cérémonie, etc., mais uniquement sur la formation commerciale, économique, juridique, de gestion, psychologie et sociologie du deuil ; bref, nous formerons uniquement des conseillers funéraires capables d’exercer professionnel-lement leur métier en agence.
Steve La Richarderie
Résonance n° 151 - Juin 2019
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