Le 12 novembre dernier, les règles de certification NF 407 "Services Funéraires et Organisation d’Obsèques"(1) se sont vu appliquer leur deuxième révision importante en quinze ans d’existence. Celle-ci annule et remplace toute version antérieure(2). Cette nouvelle "mouture" découle des modifications apportées précédemment à la norme européenne NF-EN 15017(3). Dans les ajouts, on en trouve deux notables : l’apparition de la gamme optionnelle "activités de crématorium" et l’intégration "contrats obsèques" dans le champ de certification.
Que fait l’AFNOR ? Quel est l’objet de ces règles de certification NF 407 et comment sont-elles nées ? Quelles sont les dernières évolutions et comment les interpréter ? À qui s’adressent-elles et comment obtenir la certification ? Ce sont quelques-unes des questions que nous avons posées à Delphine Selvi, ingénieure certification chez AFNOR Certification, en charge du dossier. Celle-ci nous apporte également de nombreux éclaircissements sur le sens de ces règles de certification, notamment les nouvelles concernant les services liés à la crémation et ceux attachés aux phases de renseignements et de contractualisations des contrats obsèques. Bien sûr, tout n’est pas abordé ici tant les soixante-quinze pages de la V2 sont bien détaillées, mais ces réponses peuvent s’accompagner de la lecture du document final, riche aussi en explications.
Résonance : Pouvez-vous tout d’abord nous rappeler ce qu’est le groupe AFNOR ?
Delphine Selvi : Nous sommes un groupe international articulé autour de 4 grandes activités. La première, historique, est la normalisation qui accompagne et guide les professionnels pour élaborer les normes volontaires nationales et internationales. Le rôle d’organisme national de normalisation d’AFNOR, missionné par l’État est essentiel pour représenter et défendre les intérêts des acteurs économiques français, au service de l’intérêt général.
Le deuxième métier est l’édition, distributeur officiel des normes volontaires en France, AFNOR Éditions propose également des solutions de veille et d’information professionnelle et technique.
La troisième activité concerne la formation. AFNOR Compétences propose une gamme complète de solutions de formation, coaching et conseil à toutes les organisations et personnes souhaitant garantir, valoriser et certifier une montée en compétences reconnue sur le marché.
Enfin, la dernière activité, la certification dans laquelle je travaille réalise des prestations de services et d’ingénierie en certification et d’évaluation de produits, systèmes, services et compétences, délivrées sous des marques telles que AFAQ, NF, ou écolabel européen.
Concernant la partie certification de services, nous disposons de deux marques phares : "NF Services", avec différentes déclinaisons, dont la NF "Services Funéraires et Organisation d’Obsèques" ; et "Engagement de services".
D’une part, nous développons des référentiels, soit à la demande de professionnels ou de parties prenantes externes, ou en nous appuyant sur des normes existantes ou sur un label privé. D’autre part, nous élaborons des systèmes de référence qui ont vocation à couvrir tout le territoire et à s’adresser à tous types de professions.
R : Qu’est-ce qui est à l’origine de la norme NF 407 et quel est l’événement qui a enclenché la mise en route de cette révision – que vous avez conduite – qui se concrétise par des modifications et des ajouts aux règles à respecter pour obtenir la certification ?
DS : Le référentiel funéraire repose sur deux documents que sont la norme européenne NF-EN 15017 et les règles de certification nommées NF 407. La norme a été créée en 2006 à l’initiative de l’EFFS (European Fédération of Funeral Services) et de la CPFM. C’était alors une volonté des professionnels européens de s’accorder sur l’élaboration d’un guide d’exigences communes. Cette norme, qui était une des premières normes Européenne de service, décrit donc les engagements "métier" du funéraire afin d’harmoniser les pratiques et de proposer toujours un meilleur accompagnement des familles.
La publication en 2006 de la NF-EN 15017 a engendré, immédiatement après, la création des règles de certification – intervention ici d’AFNOR Certification dont c’est la fonction – dépendant du pôle NF Services et intitulées NF 407. Celles-ci ont pour objectif de préciser ce que doit faire un opérateur funéraire pour être certifié, et elles couvrent en principe toutes les exigences de la norme. Cela veut dire que, lorsqu’on va vérifier la conformité, on s’appuie bien sûr sur cette dernière, mais aussi sur les règles de certification qui vont ajouter des engagements complémentaires, et notamment fixer des exigences en matière de politique "qualité" (dispositions de pilotage et d’organisation).
Car respecter la norme, les engagements de service, c’est bien… mais comment assure-t-on une pérennité de la qualité de service ? C’est là aussi qu’interviennent les règles de certification, en donnant les outils nécessaires pour s’organiser et s’améliorer. Concrètement, être certifié NF Services funéraires, c’est être en conformité à la fois avec les règles NF 407 et la norme NF-EN 15017 ; et être audité tous les ans par AFNOR Certification. Tout cela est important à préciser, car, pour répondre à votre question, le point de départ de nos travaux, a été la révision de la norme fin 2019 (démarrée en 2017) et à nouveau pilotée par l’EFFS dont la France a la présidence, qui a engendré la révision des règles susnommées.
R : Qu’est-ce qui alimente, de façon complémentaire, les modifications, correctifs ou ajouts apportés ? Et comment travaillez-vous ?
DS : Si, ici, la révision a été initialement initiée par l’évolution de la norme, il y a eu également des retours d’expériences, des échanges avec les clients certifiés, des professionnels désireux de s’engager, des experts et surtout avec des représentants d’associations de consommateurs défendant et protégeant les intérêts des familles… Sans oublier les retours des auditeurs qui travaillent sur le terrain en visitant les entreprises, qui pratiquent les audits ; et qui ont un point de vue concret sur la validité des exigences normatives. Tout cela a permis d’alimenter le projet de révision que j’ai présenté au comité qui suit la NF Services concernée.
Concernant mon travail, mon rôle est en quelques sortes celui d’une animatrice. Ma conduite des travaux consiste à stimuler, organiser la communication entre tous les intervenants. Nous travaillons sur tout ce que nous avons récolté : infos, expériences, problématiques, pratiques et autres, évaluations, etc. Lors des séances de travail, chacun peut faire des commentaires, nourrir les débats, les discussions avec ses propres réflexions. Nous évoluons ensemble par consensus. Les collèges trouvent des accords sur les différents engagements. Mon rôle est d’animer le comité, de trouver des terrains d’entente et de maintenir les critères de qualité spécifiques aux règles établies par AFNOR Certification.
R : Abordons maintenant deux des plus importants apports contenus dans cette nouvelle version, que sont l’ajout de la gamme optionnelle "activités de crématoriums" et l’intégration des contrats obsèques dans le champ de certification. Tout d’abord, comment les crématoriums se sont inscrits, ajoutés, à la NF 407 ?
DS : C’est à la demande de certains professionnels – rencontrés lors de mes consultations auprès des clients certifiés, ou désireux de l’être –, qui se sentaient un peu frustrés de ne pas pouvoir valoriser la qualité de service délivrée au sein des crématoriums dont ils ont la gestion, que j’ai proposé de réfléchir à une façon d’intégrer les crématoriums à la NF 407. Ce qui n’était d’ailleurs pas chose aisée car, d’une part, le demandeur de la certification est l’opérateur funéraire et d’autre part, il est nécessaire que le crématorium soit sous sa gestion afin que qu’il puisse imposer les modifications d’organisation nécessaires au maintien de la qualité.
Par conséquent, un crématorium seul ne peut pas demander cette certification pour son propre compte, il doit toujours être adossé à un opérateur funéraire certifié à minima pour l’organisation des obsèques.
À noter que c’est bien la prestation de service qui est concernée par la certification, en aucun cas le côté technique et le matériel de crémation(3bis).
Nous avons donc été très précis quant aux cas où les crématoriums pouvaient entrer ou non dans le périmètre concerné par la certification.
R : Et pour ce qui est des contrats obsèques, comment se sont-ils fait une place dans cette révision numéro deux des règles de certification ?
DS : Nous avons intégré les contrats obsèques pour des raisons identiques à celles ayant provoqué l’ajout des activités de crématoriums, c’est-à-dire suite à des demandes émanant d’opérateurs funéraires qui établissent et commercialisent des contrats obsèques. Sur ce sujet, nous avons longuement échangé lors des séances des comités, car il était essentiel de bien cadrer cette intégration. Je m’explique : il ne sera pas possible de certifier le contenu et les accords établis (clauses, mensualité, montant et pourcentage de revalorisation, etc.) dans un contrat obsèques entre une personne et les pompes funèbres. Il existe une règlementation et des directives suffisamment claires en place pour régir ces aspects.
Cependant, nous avons estimé que toute la phase de renseignements, d’informations qui sont délivrés à une personne qui souhaite organiser ses propres obsèques répond aux mêmes exigences de clarté et de transparence qu’un rendez-vous entre une famille et un conseiller funéraire lorsqu’elle vient organiser les obsèques de son défunt. Il en est de même pour la réalisation de la prestation. Les exigences "qualité" sont les mêmes quel que soit le mode de financement. C’est en cela que nous avons précisé que nous intégrions la notion de service autour des contrats obsèques. Mais pas sur les contrats en tant que tels, l’opérateur ne pourra pas mettre le logo NF sur les flyers et les documents dédiés à la communication relative aux contrats obsèques afin de ne pas risquer de porter confusion aux consommateurs.
En outre, cela ne concerne que contrats commercialisés et/ou contractualisés par les entreprises funéraires, et exclut totalement les autres organismes détenteurs de produits et/ou de fonds dédiés, comme les banques/assurances ou mutuelles.
R : Concernant le comité dont vous parlez plus haut – et afin d’éclairer nos lecteurs sur sa composition et sa fonction –, quels sont les membres qui y participent ? Et quelle est la méthode de recrutement de ceux-ci ?
DS : Le comité est composé de trois collèges représentatifs du secteur professionnel : un premier comptant des représentants d’entreprises de pompes funèbres, le deuxième avec des responsables d’associations de consommateurs, et le troisième avec des mandataires experts et/ou pouvoirs publics. Chaque collège est invité à participer aux travaux de révision et de suivi du référentiel pour amener son expertise, sa vision. Cela permet ainsi de garantir la représentativité nécessaire pour bien comprendre les besoins des différentes parties prenantes.
Dans ce cadre-là, en complément et en amont, nous avons souvent aussi, dès que nous savons que le chantier d’une nouvelle version va démarrer, des premiers échanges avec les certifiés pour avoir des "remontées terrain" qui donnent les points négatifs ou positifs, éclairent sur les points d’améliorations possibles et leurs besoins pratiques. Je le fais aussi avec les associations de consommateurs. J’en ai d’ailleurs rencontré de nouvelles à cette occasion. Nous nous devons d’être à l’écoute de toutes les parties. Même attention sur le retour d’expérience des auditeurs suite à la dernière révision (en novembre 2015) qui nous font part des points difficiles à mettre en œuvre, de constats utiles pour des améliorations, etc. Toutes ces informations sont essentielles pour moi, elles m’ont permis de présenter un premier projet au comité.
Le recrutement des membres s’effectue par le biais de rencontres. Mon métier, c’est aussi nouer des relations fortes avec le secteur concerné. Si le sujet intéresse et parle aux professionnels, je les invite à donner un peu de leur temps pour partager leur expertise et pousser cette certification – la profession donc – vers le haut. C’est aussi simple que ça et c’est ce qui se passe en général. Ce sont de vrais partenariats constructifs et "intelligents".
R : Pour conclure, et en quelques mots, rappelons comment se passe un audit pour la certification.
DS : Bien sûr. Lorsque le dossier de demande de certification est complet, AFNOR Certification déclenche les contrôles d’admission et informe l’entreprise de services funéraires des modalités d’organisation (auditeur, durée d’audit, établissements audités, etc.). AFNOR Certification désigne alors un auditeur afin de réaliser l’audit qui sert à vérifier que l’organisation mise en place par l’entreprise permet de garantir le respect des exigences du référentiel.
Pendant l’audit, une visite sur site est réalisée et le personnel est rencontré. Suite à l’audit, un rapport est rédigé.
Nous assurons un audit annuel sur site pour maintenir la certification. Une fois qu’une pompe funèbre est certifiée, elle peut arborer le logo et son certificat NF Services Funéraires et Organisation d’Obsèques pendant trois ans renouvelables, sachant que cette validité de trois années est conditionnée aux audits annuels.
Pour plus d’informations contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Gil Chauveau
Nota :
(1) La "NF Services 407 - Services funéraires - Organisation d’obsèques" est basée sur la norme européenne NF-EN 15017.
(2) Une période de transition est prévue pour les entreprises certifiées selon la version 1 jusqu’au 12 novembre 2021. À compter du 13 novembre 2021, ces entreprises devront obligatoirement appliquer la version 2 pour les audits de suivi et/ou de renouvellement. Toute nouvelle entreprise demandant aujourd’hui la certification doit obligatoirement appliquer la version 2 (pas de période de transition dans ce cas).
(3) NF-EN 15017 Septembre 2019 "Services funéraires - Exigences". Elle définit les exigences pour la prestation de services funéraires eu égard à la formation, aux transports, aux installations, aux conseils et à l’assistance, et à la prise en charge du défunt, à la fois dans le cadre de services d’inhumation et de services de crémation. Elle s’applique à l’ensemble des professionnels funéraires, des entreprises de pompes funèbres et des prestataires de services liés aux obsèques dans les cimetières et les crématoriums, ainsi qu’à toute autre personne proposant des services funéraires de quelque nature que ce soit.
(3bis) Cette norme ne s’applique pas aux exigences techniques relatives aux produits. Les exigences relatives à la santé et à la sécurité au travail ne sont pas non plus traitées.
Résonance n° 169 - Avril 2020
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