Officialisée lors du salon FUNEXPO 2022, l’élection de Céline Virgo et Frédéric Nicolas à la coprésidence de la FFPF a fait sensation. L’une baigne dans l’univers funéraire depuis l’enfance et l’autre n’est thanatopracteur que depuis une vingtaine d’années… pour autant, ils nourrissent tous deux la même ambition. Représenter efficacement le secteur funéraire ainsi que l’ensemble de ses composantes, et porter haut les valeurs, le savoir-faire et le professionnalisme des professionnels funéraires indépendants qui leurs font confiance.
Résonance : Céline, Frédéric, vous êtes, depuis le 17 novembre dernier, les nouveaux coprésidente et coprésident de la Fédération Française des Pompes Funèbres (FFPF). Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore, pourriez-vous revenir sur vos parcours respectifs… êtes-vous tombés dans le funéraire quand vous étiez petits ou bien est-ce un parcours de vie ?
Céline Virgo : Chez les Virgo, l’entreprise funéraire était presque le troisième enfant. Aussi quand nous étions plus jeunes, avec mon frère, nous aidions à monter les poignées et à faire les plaques d’identité pour les cercueils les dimanches après-midi. J’ai également vendu des articles funéraires au magasin, remplis les registres et cahiers d’archives ou encore découpé les avis de décès dans le journal pour les mettre dans les dossiers d’obsèques. Avec mon frère, nous faisions tout ça, non seulement pour passer du temps avec nos parents, mais aussi parce que ça nous plaisait.
Cette enfance au sein d’une entreprise familiale de pompes funèbres n’est pas une exception, bien au contraire… Lorsqu’on observe le paysage funéraire aujourd’hui, il est très régulier de rencontrer des personnes de ma génération avec les mêmes expériences, qui ont, elles aussi, repris l’entreprise familiale.
De fait, je suis "tombée dans le funéraire quand j’étais petite" mais je n’y ai pas fait mes armes pour autant. Après avoir obtenu mon diplôme d’école de commerce et mon master 2 en développement des PME à l’international, j’ai commencé ma carrière au sein de groupes internationaux fournisseurs des industries aéronautique, automobile et militaire. Des secteurs très pointus et techniques, en pleine période de modernisation… Un contexte et une expérience très précieux lors du processus de reprise d’entreprise familiale mais aussi à la tête de la FFPF.
Frédéric Nicolas : Je vais être plus bref. Je n’ai pas grandi dans le secteur funéraire, mais j’y suis arrivé par hasard, celui d’une rencontre. C’est ainsi que j’ai fait mes premiers pas dans la thanatopraxie et que j’ai dû "bûcher" pour obtenir mon diplôme de thanatopracteur en 1998. À bien y regarder, j’occupe donc la place depuis plus de 20 ans ! Pour autant, de mon apprentissage initial, je tiens à garder le sens du contact et de l’écoute, qui sont très importants quand les familles nous confient un proche.
R : Que représente la FFPF pour vous et quel regard portez-vous sur le travail accompli jusque-là ?
CV : La FFPF, pour moi, c’est "LE" partenaire au quotidien de toute entreprise funéraire française indépendante. En tout cas, au sein de mon entreprise et en m’appuyant sur mon expérience personnelle, la Fédération, c’est non seulement le service juridique dont on a tous besoin en cas de doute ou de litige administratif, mais c’est également un service "ressources humaines" à part entière. Je n’évoque là que l’accompagnement dans la gestion quotidienne de nos entreprises… et ce, sans oublier le soutien dans les domaines administratif et réglementaire… Mais la FFPF c’est bien plus que ça !
Il y a également tout le travail de représentation de notre profession et nos professionnels au sein du Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF), des trois instances (CPNEFP, SPP, CPPNI)(1) et toutes les réunions avec les organismes officiels et autres syndicats. La FFPF se fait le porte-voix des entreprises funéraires indépendantes auprès de toutes les institutions pour s’assurer que notre profession soit connue, reconnue et valorisée à sa juste valeur. Le travail qui a été fait avant nous au sein de la Fédération est colossal et, pour preuve, la FFPF est aujourd’hui la première Fédération en termes de représentativité d’entreprises… et on compte bien continuer ainsi.
FN : La représentation des professionnels des métiers du funéraire, celle par qui les règles établies par le législateur seront mises en œuvre et comprises du plus grand nombre. Une de ses missions prioritaires est de rendre intelligibles pour les entreprises les textes de lois parfois complexes de la réglementation funéraire, et pour ce faire l’investissement au quotidien de notre équipe au siège de la Fédération, Florence Fresse accompagnée de Sandra Da Gemea et depuis quelques mois de Marie-Sophie Le Guay.
Toutes les trois consacrent aussi beaucoup de temps au côté des entreprises dans les domaines juridiques, l’administration et la gestion des personnels.
C’est entre autres ce qui leur permet de porter avec précision les préoccupations de nos adhérents au cœur même des ministères de tutelle. Et puis, il faut se souvenir que nos présidents Alain Hoffarth et Roger Schvartsman ont tout recréé, car ils sont partis de loin : ils ont reconstruit le dialogue, retrouvé la confiance des entreprises. Il n’y avait pas de modèle et pour cela nous leur devons un très profond respect.
R : Vous dites que la FFPF a beaucoup apporté à vos entreprises durant de nombreuses années et que vos engagements respectifs ne sont qu’un juste retour des choses… c’est très fort…
CV : La FFPF est une institution qui accompagne notre entreprise de pompes funèbres depuis sa création. En effet, alors que mes parents ouvraient leur première agence de pompes funèbres en 1991, ils ont été accompagnés dans leur apprentissage du métier par des membres de la Fédération, les mêmes qui par la suite ont formé mon frère, Nicolas, en 2004. C’est donc tout naturellement vers l’E.NA.ME.F. (École NAtionale des MÉtiers du Funéraire) que je me suis moi-même tournée pour obtenir mon diplôme de conseiller funéraire.
Grâce à la reprise de notre entreprise familiale nous avons pu nous assurer de maintenir son indépendance, valeur qui nous est très chère. Les liens avec la FFPF tissés par nos parents se sont d’autant plus resserrés depuis cette reprise et nos contacts très réguliers avec Florence Fresse et Sandra Da Gemea m’ont prouvé à de nombreuses reprises l’efficacité de l’équipe et son utilité pour notre métier.
Lorsque Messieurs Schvartsman et Hoffarth ont annoncé leur volonté de passer le relais, il me semblait évident que nous avions besoin de conserver l’ADN de la FFPF, soit l’accompagnement et la représentation des entreprises funéraires indépendantes, mais comme je l’ai vu dans ma propre entreprise ou auparavant dans ma première carrière dans l’industrie il y a aussi un besoin de modernité et d’un nouvel élan dynamique au sein de notre Fédération. Au lendemain de la crise de la Covid-19, nous avons appris beaucoup de leçons dans nos entreprises qui ont besoin d’être entendues par les autorités, mais nous avons aussi besoin de fédérer plus d’entreprises qui gagneront toutes à être entendues d’une seule voix.
FN : C’est très juste, en ce qui me concerne. Mon développement professionnel sur cette dernière décennie est dû, pour partie, aux conseils et au soutien que j’ai reçus de la Fédération mais également à la qualité de l’enseignement qui m’a été dispensé par ,l’E.NA.ME.F. Notre investissement au sein de la FFPF reste bénévole, nous ne sommes pas salariés de la Fédération et c’est ce qui fait à mon sens toute la différence, car nous avons accepté cette charge par pure conviction et non en tant que chargés de mission avec des objectifs à atteindre.
Il est vrai que la Fédération compte beaucoup pour un grand nombre d’entreprises, tant par les aides et renseignements prodigués, que simplement parfois pour une oreille attentive, disponible, qui apporte bien souvent le réconfort et le petit plus à nos dirigeants d’entreprises qui se sentent souvent un peu seuls. Il ne faut jamais oublier que nous sommes la Fédération des indépendants, ces mêmes indépendants qui sont la très grande majorité des entreprises de pompes funèbres en France et outre-mer, autrement-dit : on se ressemble dans nos différences.
R : L’une partage avec son frère la direction de pompes funèbres et la gestion d’un crématorium, l’autre est thanatopracteur. Au-delà de la mixité, ces compétences pluridisciplinaires sont un véritable atout pour qui veut représenter la profession au sens large du terme, n’est-ce pas ?
CV : Nous tenions tous les deux, avec Frédéric, à ce que la Fédération soit à l’image de notre profession : mixte et représentative du plus grand nombre de métiers qui composent la chaîne funéraire. Car tous les métiers comptent, il n’y a pas de métiers plus ou moins importants dans la chaîne, et tous rencontrent les mêmes difficultés : se faire entendre, notamment.
Je pense à la marbrerie par exemple avec les difficultés de formation mais surtout de recrutement, et le métier de graveur qui disparaît mais qu’on ne peut pas toujours remplacer par des machines dans les cimetières difficiles d’accès. Avec la connaissance du terrain de Frédéric et la mienne, nous regroupons en effet la vaste majorité des métiers du funéraire, et ce en respectant une mixité à l’image de notre profession qui s’est beaucoup féminisée.
FN : Comme nous l’avons dit lors de notre présentation au salon FUNEXPO à Lyon, nous couvrons à nous deux l’intégralité des métiers de nos adhérents. Avec nous, chacun peut s’identifier, les uns par la similitude de parcours, les autres en tant que professionnels exerçant le même métier et ayant les mêmes préoccupations au quotidien. Mais pour nous, la chose la plus importante est d’être crédibles dans nos nouvelles fonctions et que nos adhérents aient en face d’eux de vrais "funéraires".
Parler salaires ou prévoyance, par exemple, ce sont pour nous tous des sujets concrets dans la vie de nos entreprises. C’est sans aucun doute là aussi que réside notre force.
R : Parmi les chantiers en cours, il n’est plus un secret pour personne que la FFPF soutient les thanatopracteurs dans leur volonté de créer un ordre professionnel… pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
CV : Je laisse le soin à Frédéric de vous répondre…
FN : Il est devenu indispensable que les thanatopracteurs se fédèrent, s’unissent autour d’enjeux primordiaux et dont les échéances sont à court terme. Il devient important que la sécurité passe au premier plan des préoccupations des praticiens, et pour y parvenir, rien de mieux que d’écrire des règles communes en collaborant tous ensemble.
Les menaces qui planent sur la profession sont multiples et très sérieuses. Je n’en rappellerai qu’une seule : la fin de l’autorisation du formaldéhyde dans les fluides utilisés dans la conservation des corps, qui, à elle seule témoigne de l’urgence de la situation.
Aussi une profonde réflexion sur les DASRI (Déchets d’Activités de Soins à Risques Infectieux) semble utile pour une grande partie des professionnels.
Nous supportons totalement la création d’un ordre professionnel qui aurait pour but de parler au nom des thanatopracteurs d’une seule voix, plus audible par les instances décisionnaires. De nous compter également, car à ce jour, qui parmi les diplômés exerce réellement ? La rédaction d’une charte éthique et de bonne conduite entre confrères, d’une part, et pouvoir compter sur une autorité qui serait légitime pour contrôler les bonnes pratiques d’autre part, est primordial. J’ajouterai qu’il n’est pas question que cette démarche soit le faire-valoir de quelques-uns qui décident pour tous et au moins contraignant pour eux-mêmes. Elle doit être au-dessus des individus, et surtout des individualités souvent trop marquées dans notre profession.
C’est pourquoi depuis le lancement de cette idée (cf Résonance du mois d’août) la Fédération soutient l’initiative portée entre autres par notre adhérente Stéphanie Durieu, qui exerce la thanatopraxie en Normandie ou encore le docteur Dominique Lepape pour qu’ait lieu très vite l’éclosion de cet "ordre professionnel des thanatopracteurs". C’est une des raisons pour lesquelles nous leur avons ouvert une tribune à FUNEXPO et leur prêtons notre connexion zoom pour l’organisation de leurs présentations.
R : Si d’un claquement de doigt vous pouviez solutionner une problématique propre au secteur funéraire et que vous avez déjà identifiée, quelle serait-elle ?
CV : Il est impératif que nous puissions aller vers plus de simplification administrative. Il faudrait une plus grande cohésion entre les administrations. Il n’est pas normal que les documents demandés soient différents d’une commune à l’autre. Les délais portés à dix jours, dont nous avions bénéficié lors de la crise sanitaire amènent plus de souplesse et il faudrait les pérenniser. La question va se poser sur le délestage dans les mois qui viennent, dans les crématoriums et les chambres funéraires. Nous avons déjà sollicité le ministère sur le sujet.
FN : Tout à fait d’accord pour une plus grande souplesse administrative. Si je prends l’exemple du certificat de décès, il apparaît impératif de déployer d’urgence les solutions actuellement en test pour autoriser plus de personnels soignants à les compléter, nos campagnes ou nos petites communes souffrant d’absence des médecins qui vont parfois venir plus de 24 heures après le décès en établir le constat, avec les conséquences qu’on connaît et dont auront à souffrir les familles en définitive.
R : Plus globalement, à court et moyen terme, quel visage la FFPF va-t-elle prendre et quelles sont vos ambitions pour celle-ci ?
CV : La FFPF ne change pas de visage au quotidien. On garde la même équipe dirigée par Florence Fresse, notre déléguée générale. Cette équipe est très réactive et compétente. On compte cependant dynamiser plus en réorganisant des réunions de régions, à une plus grande fréquence dès 2023 et aller rencontrer les indépendants, membres, ou futurs membres.
FN : Nous avons pour ambition d’insuffler un brin de jeunesse, afin de permettre un nouvel élan fédérateur pour nos nouvelles entreprises, en ayant à cœur de consolider les relations historiques avec nos plus anciens adhérents qui nous accordent leur confiance depuis de nombreuses années. Nous souhaitons également continuer sur la voie de la professionnalisation des métiers du funéraire, les travaux restent herculéens :
La prise de conscience sur la spécificité du métier de marbrier funéraire avec la mise en place d’un vrai apprentissage des techniques ;
L’obligation de laisser aux seules personnes dûment formées le soin des préparations des défunts.
Le présent de la FFPF c’est l’équilibre du passé et du futur, la somme de toutes ces personnes qui ont donné de leur temps et de leur énergie pour faire ce que nous sommes.
Il est important pour nous de garder le cap initié par nos deux prédécesseurs, car nous avons la mémoire du passé. Je pourrais résumer en une phrase : "Le renouveau ancré dans la stabilité".
R : Pour conclure, Céline, Frédéric, y a-t-il une dernière précision ou peut-être un message que vous souhaitiez adresser aux adhérents de la FFPF en particulier et aux professionnels funéraires en général ?
CV : J’ai été très agréablement surprise par la réaction de mes consœurs et confrères (membres FFPF ou pas), mais aussi des fournisseurs et des différents acteurs du marché funéraire à l’annonce de notre nouvelle coprésidence. Cette vague d’enthousiasme a bien caractérisé notre philosophie avec Frédéric. Nous souhaitons faire connaître, reconnaître et valoriser notre profession. Nos prédécesseurs ont fait un très gros travail, et nous voulons vraiment continuer dans leurs marques tout en l’adaptant à notre vision du funéraire de demain. Nous avons de l’ambition mais pour pouvoir avoir un impact, nous avons besoin de représenter encore plus d’indépendants, donc à tous les professionnels indépendants du funéraire j’ai envie de dire : "Si vous êtes membre de la FFPF on a hâte de travailler avec et pour vous, et si vous ne l’êtes pas, rejoignez-nous… c’est pour le bien de tous".
FN : Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. Ne vous trompez pas de partenaire, choisissez la Fédération qui rassemble la très grande majorité des entreprises indépendantes du funéraire. Nous rejoindre c’est agir pour que notre métier, encore si souvent mal considéré dans notre société actuelle puisse changer au regard des hommes et femmes qui la composent. Nous devons faire comprendre à tous que l’ensemble des acteurs de notre secteur professionnel placent l’humain et l’accompagnement parmi leurs priorités.
Steve La Richarderie
Résonance n° 187 - Janvier 2023
Résonance n° 187 - Janvier 2023
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