Actualité bouillonnante s’il en est, entre le lancement de l’enseigne mid-low "essentiel•" avec l’ouverture d’une première agence, le 16 octobre dernier, dans le 13e arrondissement de Paris, puis l’officialisation, le 23 octobre, de la joint-venture avec l’opérateur allemand mymoria, ou encore les préoccupations éco-responsables du Groupe au regard de la fabrication de ses cercueils, notamment en utilisant du bois français issu de forêts gérées durablement ainsi que des essences de bois alternatives, OGF n’en finit pas d’élargir ses horizons. Rencontre avec Alain Cottet, président directeur général du leader français des services funéraires…
Résonance : Monsieur Cottet, le Groupe OGF vient d’officialiser le 23 octobre dernier une "joint-venture" avec l’opérateur funéraire allemand mymoria. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce partenariat qui affiche d’ores et déjà des objectifs gagnant-gagnant ?
Alain Cottet : En effet, dès lors que deux entreprises s’engagent dans un partenariat de cette nature, chacune doit y trouver son compte, et les objectifs sont forcément gagnant-gagnant. Si demain nous faisions le choix de créer une branche OGF à l’étranger, je pense, sans trop me tromper, que nous commettrions une erreur, car nous ne connaissons ni la culture ni les pratiques. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de capitaliser sur des partenaires locaux qui maîtrisent tant la culture que les pratiques funéraires de leur pays.
Maintenant, pourquoi l’Allemagne ? La réponse est très simple ! Nous avons cherché à identifier des marchés qui n’ont pas la maturité du marché français actuel et sur lesquels nous pourrions avoir un rôle à jouer… et nous en avons retenu deux à l’échelle européenne.
L’Italie, tout d’abord, qui présente un socle de crémation très bas, des pratiques culturelles et cultuelles très évoluées autour de l’aspect religieux, et une mortalité équivalente à la nôtre. En revanche, celle-ci affiche une fragmentation absolue du marché – comme la France il y a 20 ans – avec une multitude d’indépendants et très peu de groupes structurés qui auraient commencé à faire du build-up.
L’Allemagne ensuite, qui présente une temporalité très similaire à l’Italie mais avec un taux de crémation beaucoup plus fort qui avoisine les 70 % doublé d’un parcours défunt très organisé et d’une mortalité proche des 900 000 décès par an, alors que la France et l’Italie n’en comptent que 600 000 chacune.
Comme vous l’aurez bien compris, l’Allemagne représente pour OGF un territoire de croissance très attrayant, raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans ce partenariat. Au travers de cette joint-venture, nous voulons soutenir le programme d’acquisition de mymoria et l’accompagner dans sa croissance tant sur le plan des pompes funèbres que sur celui des crématoriums. Ensuite, cette entreprise possède un gros avantage par rapport à ce que nous connaissons dans l’Hexagone, c’est qu’elle est construite, par essence, sur le schéma de l’omnicanal.
En France, nous avons des ERP qui sont le socle principal autour desquels nous mettons de la CRM, du contrôle de gestion, du power BI, etc. mymoria, quant à elle, est une jeune entreprise créée en 2016 et qui a été conçue avec une intention d’omnicanalité native, c’est-à-dire que l’ERP central n’est autre que Salesforce. De fait, elle est déjà pleinement opérationnelle dans ce domaine, et déjà près de 20 % de son business est drivé par cet environnement.
R : C’est sur cette dernière compétence que vous capitalisez ?
AC : Exactement, nous avons les capacités pour soutenir mymoria dans sa croissance, et elle, dispose des compétences et des supports technologiques qui nous permettront d’accélérer notre développement dans le domaine de la digitalisation.
Cela est d’autant plus vrai que le Groupe OGF vient de lancer "essentiel•", son enseigne "mid-low", dont la première agence a ouvert le 16 octobre dernier dans le 13e arrondissement de Paris. Il s’agit d’un concept qui s’adresse à des populations dont le panier est inférieur à 4 000 € et qui, lui aussi, tout comme notre partenaire allemand, a été développé sur l’autel de l’omnicanalité, car nous sommes bien conscients que les us et coutumes sont en train d’évoluer en ce sens, et OGF se doit d’être présent sur ce segment et disposer des outils et compétences adaptés.
R : Vous m’avez devancé… Peu s’attendaient à ce que le Groupe OGF développe un concept tel que "essentiel•". Pouvez-vous nous en dire plus ?
AC : C’est la vraie nouveauté de cette année ! "essentiel•" – tout en minuscules avec un point à la fin – est une enseigne qui, aujourd’hui, a pour vocation d’aller chercher la clientèle à laquelle PFG et les autres marques du groupe ne s’adressaient pas. C’est une marque qui doit s’installer dans le paysage funéraire contemporain et qui doit représenter une réponse concrète aux problématiques suivantes : à qui m’adresser si je ne veux pas ou ne peux pas payer un montant trop élevé pour l’organisation de mes obsèques ?
"essentiel•" constitue une vraie solution en proposant plusieurs formules tout compris allant de 2 500 à 3 900 €. Tout compris inclus la taxe de crémation ou les travaux obligatoires de cimetière. Pour parvenir à encadrer les tarifs de ces formules tout compris, vous vous doutez bien que nous avons réduit le champ des possibles. Aussi, à titre d’exemple, pour la formule simplicité, bien que tout aussi qualitative que pour les autres enseignes du Groupe, le spectre des services proposés se compose de l’essentiel. Mise en bière sur le lieu de décès, transport selon le mode de sépulture, cérémonie civile sur le lieu de crémation, ou d’inhumation, crémation et remise de l’urne ou inhumation. De fait, la différence entre les formules n’intervient pas au niveau qualitatif, mais bien dans l’ajout d’étapes intermédiaires et/ou de prestations dans l’organisation des obsèques, les quatre formules ayant été respectivement calibrées sur des parcours extrêmement balisés.
R : Objectivement, il s’agit d’une proposition à tiroir très encadrée…
AC : Exactement, si nous devions l’illustrer par un univers que l’on connaît tous très bien, j’évoquerais tout simplement le secteur de la restauration. On y trouve des menus très abordables avec une proposition à tiroirs entrée+plat, plat+dessert ou entrée+plat+dessert et dont les choix sont très restreints ; nous trouverons ensuite des possibilités de choisir à la carte, ou encore plus évolués, du sur mesure ou vous composez librement selon vos envies. Chacun fait le choix de composer où il veut, comme il veut et en fonction des moyens qu’il souhaite y consacrer.
Je suis fier que nous puissions aujourd’hui, au sein du Groupe OGF, proposer le même éventail de possibilités au travers de nos marques : "essentiel•", Dignité Funéraire, PFG, Roblot et Henri de Borniol.
R : Vous avez dit avoir développé le concept de "essentiel•", sur le modèle de l’omnicanalité, aussi, prévoyez-vous beaucoup d’agences physiques comme celle qui vient d’être inaugurée ?
AC : Nous avons ouvert notre première agence le 16 octobre et, si le concept répond à une attente comme nous le pensons, nous devrions le déployer relativement rapidement. Nous ciblons là un marché sur lequel les familles veulent de la simplicité avec un moyen d’accès et des outils tout aussi simples et ergonomiques qui proposeraient un parcours clairement identifiable.
Il faut bien être conscient que, de l’extérieur, le monde funéraire est assez difficile à appréhender, et que ses différents rouages peuvent être relativement nébuleux pour bon nombre de familles. À l’évidence, c’est cette incompréhension qui contribue immanquablement à une certaine opacité de nos métiers. Et ce d’autant plus que, fonction du contexte, il n’est pas toujours évident, et bien souvent impossible, pour un opérateur de rentrer dans des explications détaillées.
Dès lors, il me semble qu’un recours accru au digital et à des outils accessibles pourrait pallier ce "brouillard" et permettre aux familles d’avoir une lecture plus claire des tarifs, de savoir à quoi ils correspondent, et aussi de pouvoir identifier et comprendre les prestations qui leur sont proposées.
"essentiel•", de par son positionnement et sa propension à l’omnicanalité, a pour vocation d’apporter une alternative concrète à cette typologie de clientèle. Son site Internet constitue un accès simple et rapide, sa conception permet une lecture claire et explicite… chaque formule y est clairement détaillée et toutes les démarches peuvent y être faites dans la plus grande simplicité en amont d’une éventuelle visite en agence. La famille saura exactement ce que lui coûteront les obsèques avant même de passer le pas de la porte.
Objectivement, nous avons voulu qu’"essentiel•" puisse répondre aux besoins du plus grand nombre, avec des offres encadrées, sobres et responsables, affichant un tarif tout compris, et ce, quel que soit le budget consacré.
R : À l’instar des enseignes de la grande distribution, "essentiel•" constitue-t-elle la réponse du Groupe OGF au contexte inflationniste ?
AC : Non, pas franchement. Souvenez-vous de l’affaire Lehman Brothers en 2008, d’aucuns disaient que le monde allait s’écrouler… au final, toutes les sociétés ont relevé la tête et réussi à repartir. Ont suivi différentes périodes de déflation puis d’inflation. Il faut également être conscient que, avant et pendant la crise de la Covid-19, nous avons passé presque 4 ans sans inflation. Dès lors, au vu des fluctuations rapides de l’économie ou encore des évolutions du contexte géopolitique, je ne saurais vous dire de quoi demain sera fait.
En revanche, je peux vous certifier que le Groupe OGF n’était pas organisé autour d’une logique qui lui permettrait de produire une proposition dédiée aux paniers les plus bas. Nous avons dû créer une offre qui soit spécifique à "essentiel•". Les produits et prestations ont été réfléchis, conçus, calibrés et tarifés pour être en parfaite adéquation avec notre volonté d’offrir une solution qui serait une alternative probante pour certaines typologies de clientèle. À titre d’exemple, les cercueils proposés dans les différentes formules sont des modèles exclusifs… il ne s’agit en aucun cas de modèles de nos autres enseignes pour lesquels nous aurions dévalorisé les tarifs.
D’autre part, "essentiel•" affiche une vocation tout aussi éco-responsable que les démarches que nous avons entreprises dans les autres enseignes du Groupe car, non seulement elle est omnicanal dans son approche, mais elle est aussi vertueuse dans sa proposition de par l’utilisation de produits fabriqués à base de matériaux recyclés. C’est d’ailleurs cet aspect-là que nous avons souhaité faire ressortir dans la dominante verte de la charte graphique.
Quoi qu’il en soit, "essentiel•" constitue une nouvelle approche que nous avons voulu mettre en place pour les familles et qui vient compléter l’offre existante du Groupe OGF. Ensuite, l’avenir nous dira si nous avons été pertinents dans nos choix, et, si ce devait être le cas, comme je vous l’ai dit plus tôt, "essentiel•" sera déployé à l’échelle nationale pour permettre à chacun d’avoir accès à cette offre.
R : Monsieur Cottet, vous venez d’évoquer les démarches éco-résponsables au sein du Groupe OGF. De fait, je pense aux bois issus de forêts françaises gérées durablement que vous utilisez pour la fabrication de vos gammes de cercueils, mais pas que… vous avez également mis en place, ces derniers mois, une diversification des essences de bois utilisées à ces mêmes fins… pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
AC : Afin d’approvisionner nos usines de cercueil de Jussey et de Reyrieux, toutes deux labellisées PEFC, nous effectuons nos achats de bois, sur pied, par le biais de l’ONF. En procédant ainsi, nous contribuons au travail de régulation opéré par les autorités en charge de la coordination et de la gestion durable des forêts de France. 99 % de notre approvisionnement en bois se fait par cette filière. Cela étant, nous avons dû tirer deux enseignements de la période de la Covid, à savoir, le fait que cette crise a eu un impact certain sur le coût des matières premières, y compris notre bois régulé par l’ONF, mais aussi le fait que celui-ci a fait l’objet d’une exportation massive vers les pays asiatiques, qui compte tenu des prix des containers à l’exportation ont largement pioché sur les réserves françaises et européennes de pins et de chênes.
Ce siphonnage a eu, mécaniquement, un effet de levier sur le prix de ces matières et, comme beaucoup d’autres acteurs de la filière bois, il nous a fallu revoir notre approche et, là encore, trouver des solutions alternatives. Tout cela nous a conduits à sortir des carcans habituels de l’industrie funéraire basée principalement sur l’usage du pin et du chêne. Après avoir passé en revue toutes les essences présentes sur le territoire français, nous avons identifié des familles de bois comme le peuplier, l’érable et le hêtre qui, jusque-là, étaient peu utilisées dans le secteur funéraire pour la fabrication des cercueils. Le recours à ces variétés, en complément du pin et du chêne traditionnellement utilisés, nous a permis de limiter encore un peu plus l’impact environnemental de notre industrie en nous adaptant à ce que les forêts françaises produisent. Cela nous a également permis de maîtriser les ruptures potentielles d’approvisionnement et l’impact qu’elles pourraient avoir sur le coût des matières premières et, in fine, le prix de vente final du produit.
Enfin, toujours concernant les démarches éco-responsables du Groupe, outre le fait que nos usines de Jussey et de Reyrieux soient autosuffisantes en matière de production de chaleur grâce à la valorisation de tous les déchets de fabrication issus du bois, OGF suit un processus d’amélioration en continu de ses activités. À ce titre, nous sommes également très vigilants quant à l’utilisation de produits respectueux de l’environnement pour la fabrication d’un cercueil, tels que teinte sans solvants, colle biodégradable, etc. Il n’y a pas de secret, vous savez… il faut seulement être conscient qu’une démarche éco-responsable ne peut être efficace que si elle est globale.
R : L’arrivée en agence d’une proposition de cercueils fabriqués en peuplier, en érable ou en hêtre a-t-elle interpellé les familles ?
AC : Non, pas particulièrement. Hormis quand une famille demande un cercueil en chêne, parce qu’il s’agit d’un bois noble qui se suffit à lui-même et qu’il aura fait l’objet d’un travail et d’une finition plus raffinés. Cela est d’autant plus vrai avec l’émergence de l’aspect personnalisation. Il ne viendrait à l’esprit de personne d’appliquer une quelconque teinte sur un cercueil en chêne, ce qui n’est pas le cas pour les autres essences de bois. Quoi qu’il en soit, tous les cercueils qui sortent de nos usines font l’objet de la même attention et des mêmes attentes en matière de qualité. Les avis positifs et la satisfaction de nos clients en sont un juste retour.
R : Monsieur Cottet, pour conclure cet entretien, je souhaiterais, si vous le voulez bien, que nous fassions un premier bilan de la campagne "Célébrer une vie".
AC : Nous avons deux retours qui sont vraiment très intéressants. Le premier nous vient directement des professionnels du funéraire, et concerne l’axe et le message fondamental de notre spot publicitaire. En effet, nombre de professionnels nous ont vivement félicités car tous pratiquent ce métier avec cette vocation d’accompagner les vivants pour célébrer un dernier hommage au défunt.
Je vais reprendre une image vieille comme le monde, mais de façon archaïque, la société assimile les pompes funèbres à ce bon vieux croque-mort dans la bande dessinée Lucky Luke qui n’est là, au final, que pour s’occuper des morts. Comme l’indique le message de notre nouvelle plateforme de marque "Célébrer une vie", chez OGF, nous pensons que l’une de nos missions est également d’aider et d’accompagner les vivants à célébrer la vie de l’être cher disparu. C’est précisément ce positionnement qui a été salué à l’unanimité par nos confrères.
Le second retour est relatif à la notoriété de PFG, à la vision qu’en ont les familles et sur ce que l’enseigne est en capacité de proposer. Jusque-là, d’aucuns associaient PFG à cérémonie traditionnelle… ce qui est tout à fait justifié. La campagne "Célébrer une vie" a fait évoluer cette image et, aujourd’hui, les familles nous qualifient et nous considèrent comme un opérateur légitime pour personnaliser les obsèques… Il y a eu un déclic ! À titre d’exemple, à la suite de la diffusion du spot, nous avons enregistré des dizaines de demandes pour un cercueil rose poudré, identique à celui qui y était mis en scène. De même, signe qui ne trompe pas, nous avons enregistré une très forte demande de devis pour ce type de prestations… une demande bien supérieure à la mortalité moyenne sur la même période.
De fait, je pense que les familles ont, elles aussi, bien accueilli le message que nous souhaitions leur transmettre, et ont adhéré aux valeurs qui lui sont rattachées. De plus, ce constat est d’autant plus appréciable que, bien que la campagne de communication soit exclusivement portée pour PFG, elle rayonne sur l’ensemble du Groupe.
R : Avant de conclure, y a-t-il un dernier sujet que vous souhaiteriez aborder ?
AC : C’est tout au plus une observation. Nous arrivons au terme de la parenthèse générée par la crise sanitaire, et la courbe de mortalité reprend sa trajectoire initiale pré-Covid… cela ne manquera pas de remettre tout le secteur en tension. Ensuite, fort d’une baisse significative d’activité consécutive à ce retour à la normale et au vu du millier d’agences qui se sont créées au cours des cinq dernières années, nous assisterons probablement à une régulation du secteur.
R : Merci, Monsieur Cottet, pour cet entretien fort intéressant.
AC : Merci à vous, et rendez-vous à FUNÉRAIRE PARIS 2023.
Steve La Richarderie
Résonance n° 197 - Novembre 2023
Résonance n° 197 - Novembre 2023
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