Sanatorium de Waverly Hills. Ils sont huit, six hommes, deux femmes, condamnés à la peine capitale et sélectionnés pour participer au reality show le plus brûlant qui ait jamais existé : “Criminal Loft“ ! Chaque semaine, les votes du public élimineront un candidat afin qu’il reprenne sa place dans le couloir de la mort. Un seul d’entre eux recouvrera la liberté… Mais lorsque huit dangereux criminels se retrouvent prisonniers du lieu dit “le plus hanté des États-Unis“, l’aventure tourne au cauchemar... Quelles terribles épreuves leur réservent les créateurs du loft ? Jusqu’où iront-ils pour prouver qu’ils méritent de vivre ? À vous de juger…
Page de couverture |
Lorsqu’en 2002 est apparu pour la première fois à la télévision française Loft Story, tout le monde a dit que ce genre de programme ne pouvait pas trouver son public, pas chez nous, pas en France… Mais lorsque l’on regarde les chiffres, le téléspectateur fut au rendez-vous (et il l’est toujours) ; quand vous demandiez, personne ne regardait, ou alors : “Je suis tombé dessus par hasard“… La téléréalité était née.
Le principe est simple, on enferme des personnes, célibataires, qui ne se connaissent pas, dans un grand loft, où toutes les pièces, hormis les toilettes et une autre pièce, sont munies de caméras. Et l’on filme l’intimité, on la donne en pâture au public affamé. Ce même public qui va financer l’émission en appelant un numéro surtaxé afin de voter pour éliminer un candidat. Au fil des années, des émissions ont vu le jour, allant de plus en plus loin dans l’intimité des candidats, il faut de plus en plus de voyeurisme… Jusqu’où les créateurs, concepteurs iront-ils ?
Le jusqu’au-boutisme de la téléréalité serait-il l’idée d’Armelle Carbonel ?
Vous prenez un lieu glauque à souhait, le vieux sanatorium de Waverly Hills, vous le truffez de caméras, puis vous prenez six hommes et deux femmes qui seront vos candidats. Mais c’est là où le choix des candidats est décisif pour l’audimat, il faut faire du jamais-vu, il faut aussi un gain jamais égalé. Huit condamnés à mort par la justice américaine, vous les extrayez du couloir de la mort, chaque semaine un candidat sera éliminé, il retournera dans sa cellule attendre l’injection létale ou tout autre moyen d’exécution. Le ou la finaliste, quant à lui, recouvrera la liberté, reprendra une nouvelle vie…
Chacun des résidents provisoires du sanatorium va devoir prouver au public qu’il a le droit de vivre. Le public va interagir, poser des questions en direct aux candidats, se délecter de leurs confessions. L’idée est on ne plus machiavélique, comment une aussi jolie femme qu’Armelle peut-elle avoir de si vilaines pensées ?
Pour une meilleure immersion dans le livre, une partie de la narration est à la première personne, l’un des candidats se “confie“, tombe de temps à autre le masque, histoire d’essayer de prouver au lecteur que dans chaque monstre se cache un humain, ou bien est-ce simplement l’inverse ? Le livre se dévore, chaque page tournée en entraînant une autre, le lecteur devient aussi voyeur que le spectateur de “Criminal Loft“, il veut savoir, il veut la suite, il veut comprendre ce crime commis il y a des années, il veut savoir pour les tortures, les viols… il veut comprendre la mécanique des tueurs en série.
Le narrateur John T. condamné à mort pour homicides n’est pas sans me rappeler un certain Hannibal Lecter, psychiatre, cultivé et pratiquant le cynisme. Chaque tueur est fouillé, sondé, évalué par John. Chaque candidat a bien compris que, pour gagner, il faut avoir les faveurs du public. De ces gens qui se repaissent de cette émission, qui se délectent de l’horreur quotidienne.
Un livre extrêmement intéressant, on retrouve les ficelles du thriller, les codes des tueurs sériels, de la violence, mais accoupler tout cela avec l’univers de cette nouvelle télévision est une idée tout bonnement géniale
Extrait :
“J'acceptai le règlement imposé par la production : ne pas rendre publiques ses opinions politiques ou religieuses, respecter la vie d'autrui, limiter les débordements agressifs et s'attacher entièrement aux épreuves imposées dont nous ignorions tout avant d'entrer dans le loft. Ma seule certitude était que nous représentions des bêtes de foire livrées en pâture à un public avide de sensationnel“...
Rencontre avec l’auteur :
Armelle Carbonel © Karim Baudrais |
Sébastien Mousse : Bonjour Armelle, bienvenue dans Résonance, avant de parler du livre en lui-même, de son sujet et de sa conception, j’aimerais que tu racontes l’histoire de la publication ; avant d’être chez Fleur Sauvage de l’ami David Lecompte, tu as eu quelques embûches sur ta route…
Armelle Carbonel : Bonjour Sébastien. Tout d’abord, merci de m’accueillir dans Résonance. Effectivement, “Criminal Loft“ a connu de nombreuses vies avant de ressusciter chez Fleur Sauvage. En 2011, je décide de le publier en autoédition et j’ai alors la chance de voir s’ouvrir des perspectives auxquelles je n’espérais pas prétendre, comme la participation à des salons, aux côtés d’auteurs reconnus. Fin 2012, un ami me confie avoir rencontré une directrice littéraire aux Éditions du livre de Poche et celle-ci propose de me faire une fiche de lecture. Deux semaines plus tard, je suis reçue dans les locaux de ladite maison d’édition pour un projet de parution en “Inédit“. Début 2013, des remaniements internes stoppent ce bel élan et “Criminal Loft“ redevient orphelin. En 2014, sur les conseils de mon “mentor“, j’adresse donc mon manuscrit à MA Éditions. Bingo ! L’ouvrage est retenu, de pertinentes modifications sont suggérées, et je replonge dans la réécriture d’une nouvelle mouture. Mais le sort s’acharne… Quatre mois seulement après la signature du contrat, MA Éditions subit une liquidation judiciaire. Exit la parution annoncée en octobre 2014 ! “Criminal Loft“ reprend donc le chemin de l’orphelinat, jusqu’à ce que ce que se dessine une belle Fleur Sauvage, qui donnera un second souffle aux Lofteurs de Waverly Hills. Je tiens quand même à préciser que ces expériences successives ont toutes été bénéfiques. Sans compter le travail de réécriture, ce roman s’est enrichi d’une préface qui me tient à cœur et qui n’aurait sans doute jamais vu le jour sans cet étonnant périple…
SM : L’idée de jouer sur les dérives de la téléréalité est magnifique, mais est-ce que tu penses, qu’un jour, ce genre d’émission pourrait voir le jour dans un pays ou un autre ?
AC : Non, je pense que jamais nous n’atteindrons ce degré d’amoralité, car l’existence – sous cette forme – d’un tel jeu signifierait la complicité, même passive, d’une population de masse et nécessiterait l’implication d’un système “anarchique“. Cependant, réduites à l’échelle du “Dark Web“, ces dérives pourraient sans doute exister. Mais là, nous ne serions plus dans un jeu de téléréalité…
SM : On critique aisément le téléspectateur qui regarde ce genre de programme, dans ton livre, on a même envie de les gifler, mais le lecteur qui tourne les pages du livre n’est-il pas lui non plus un voyeur, qui à sa façon se délecte aussi du malheur, des peurs et des angoisses des autres ?
AC : Pas plus que l’auteur qui a écrit ce livre ! La fiction se limite à procurer des émotions, certes parfois proches de la fascination malsaine, mais cela demeure avant tout un récit inventé de toutes pièces. Il peut également susciter la réflexion, cette oubliée de la téléréalité… Je ne prétends pas exclure les lecteurs, ni moi-même, de la catégorie des voyeurs. Mais nous n’en sommes pas acteurs, sous prétexte que nous frissonnons en tournant les pages d’un livre…
SM : Comment naît l’idée d’une telle intrigue ? Lorsque tu as eu le déclic, tu t’es dit “je vais créer un jeu de téléréalité où l’on gagne le droit de vivre“, après, il y a le lieu, les personnages, le final, combien de temps pour écrire ce livre, être juste dans un sujet d’anticipation, dirons-nous ?
AC : L’idée est née… devant mon poste de télévision ! Ces quinze dernières années, la grille des programmes s’est considérablement “enrichie“ en jeux divers dans lesquels les protagonistes s’exhibent face à des téléspectateurs en quête de divertissement. Le sexe, l’humiliation, l’enfermement ont fait leur apparition sur le petit écran, et ce, à travers le monde. Ne manquait plus que la mort au programme des réjouissances ! Mais l’histoire a réellement trouvé son fil conducteur en 2009, lorsque j’ai découvert l’existence du sanatorium de Waverly Hills. Ce fut un coup de foudre immédiat. Le soir même, j’accouchais de John T. Il fallut un an et demi de recherches et d’écriture pour lui offrir la faculté de “se tenir sur ses deux jambes“ (sourire).
SM : Quelles sont tes influences littéraires, qui sont les auteurs qui t’ont donné envie de te jeter à l’eau, de te mettre toi aussi à écrire ?
AC : J’ai commencé à écrire avant de découvrir le plaisir de lire… Cependant, mes aspirations ont pris un tournant décisif lorsque, à 10 ans, j’ai découvert “Carrie“ de Stephen King, œuvre que ma mère m’avait interdit de lire !
SM : D’où te vient ce surnom de “Nécromancière“ ?
AC : Il y a déjà quelques années, lors d’une conversation, quelqu’un m’a demandé quel “surnom“ me définirait le mieux compte tenu de mes orientations littéraires. “Nécromancière“ s’est imposé comme une évidence. La contraction de “nécromancienne“ et “romancière“ se révélait appropriée, puisque les morts ont placé leur confiance en moi pour raconter leur histoire…
SM : J’ai deux petites questions qui reviennent fréquemment : Si tu devais faire lire ton livre à une personne réelle ou fictive, à qui et pourquoi ?
AC : Réelle bien que défunte… Ma grand-mère. Elle m’a légué sa passion des mots. Je lui dois mes premiers pas vers la persévérance. 25 ans après sa mort, sa dernière phrase résonne encore en moi : “Ma petite-fille, il ne faut jamais cesser d’écrire.“ J’aurais aimé qu’elle sache que sa petite Armelle a réalisé son rêve de gosse, qui était aussi le sien…
SM : La seconde : si l’on devait écouter une musique, un artiste, un album en lisant “Criminal Loft“, tu conseillerais quoi ?
AC : Sans hésiter, le 5e mouvement de la Symphonie fantastique de Berlioz, qui m’a accompagnée tout au long de l’écriture de “Criminal Loft“ !
SM : Quelle est ton actualité du moment, ton prochain livre ?
AC : À partir du 3 octobre dernier, j'ai sillonné l’Île-de-France chaque week-end pour aller à la rencontre de mes lecteurs. C’est ce que j’appelle “la tournée des lofteurs“, et celle-ci s’est achevée le 20 décembre. Quant à mon prochain livre, il est en cours d’écriture… Par superstition, je ne l’évoque pas. Un indice tout de même... il s’agit d’un thriller !
SM : Armelle, merci de m’avoir accordé un peu de ton temps.
AC : Ce fut un réel plaisir. Merci à toi.
Sébastien Mousse,
Directeur littéraire et thanatopracteur
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