Lorsque l’Embaumeur va pour récupérer un corps dans le centre pénitentiaire du Havre, et que le suicidé lui paraît suspect, il ne peut s’empêcher de mettre son nez partout, de remuer la fange à ses risques et périls. Surtout si le taulard décédé est un flic infiltré, un policier incarcéré pour faire tomber un monstre…
Le livre
Qui a tué William Petit, comment, alors qu’il était seul dans sa cellule, et pourquoi ?
Entre une affaire de corruption dans la prison et un caïd qui tente de se faire passer pour une oie blanche, c’est une nouvelle aventure plus que mouvementée pour l’Embaumeur, qui a mis le doigt dans un drôle d’engrenage. Avec l’Embaumeur dans les parages, la cité océane n’est plus un Havre de paix…
L’auteur
Après avoir vainement essayé de faire croire à ses lecteurs qu’il était un réfugié arménien, Stanislas Petrosky a décidé de tomber le masque mortuaire. Si Petrosky n’est toujours pas son vrai nom, on sait désormais que l’individu qui se cache derrière ce pseudonyme est un ancien thanatopracteur français ayant travaillé pendant plus de trente ans dans le funéraire.
Stanislas Petrosky.
L’avis
Du titre aux blagues cocasses de Petrosky, tout est bon à prendre. Le personnage, embaumeur de son métier, est original, charismatique, culotté. Les scènes d’action s’enchaînent dans un rythme délirant, l’enquête se déroule sans longueurs ni passages inutiles. Un vrai page-turner qui vous empêchera d’aller vous coucher sans avoir découvert qui a tué William Petit. On est pressés de lire le prochain.
Rencontre avec l’auteur
Kim Béci. |
Kim Béci : Bonjour Stanislas, et merci pour ton temps. Je souhaiterais te poser quelques questions au sujet d’ "Un Havre de paix", ton petit dernier, paru chez French Pulp éditions en mai. Ce titre est un inédit de l’Embaumeur, pourrais-tu nous en dire plus sur cette collection ?
Stanislas Petrosky : Bonjour Kim, au départ, je suis un passionné de polar, de roman noir, c’est comme ça que j’ai commencé. Traîner sur les salons, discuter avec les auteurs, et là, certains ont commencé à me demander des conseils, pour plus de véracité… Ensuite, l’idée de créer mon personnage, sorte de Poulpe(1) du funéraire, de faire ma série, puis doucement l’idée d’écrire s’est installée…
Mais pour revenir à ta question, je cherchais un personnage qui sorte de l’ordinaire, que l’on ne croise pas tous les jours dans le monde du polar, et le faire tourner avec différents écrivains. Alors je me suis dit : "Pourquoi pas mon boulot ?" J’ai les connaissances requises pour aider les auteurs, et eux, cela les amuse de travailler ce genre de personnage, et cette atmosphère différente…
KB : Tu as toi-même travaillé dans le funéraire pendant plus de 30 ans. Dans ton bouquin, on retrouve des clins d’œil en référence au métier. De quelle manière ton ancienne vie a influencé ton travail d’écrivain ? As-tu pour habitude de t’inspirer de cas réels vécus pour écrire ?
SP : On va dire que tout le côté médicolégal, procédure judiciaire, et pour le livre présent procédure pénitentiaire, c’est issu de ce que j’ai vu… J’ai toujours eu l’habitude d’avoir des petits carnets de Moleskine avec moi, dès que je vois un truc qui me semble intéressant, bizarre, drôle, incongru, inspirant, je le note, j’ai des tas de carnets, et je fouille au gré de mon inspiration du moment pour créer des histoires fictives qui possèdent une grande part de réalisme…
KB : La question qui suit ressemble un peu à la précédente mais je suis curieuse… T’inspires-tu de personnes réelles pour tes personnages ?
SP : Complètement… Que cela soit dans l’Embaumeur, ou pour mon personnage récurent Requiem, tous les personnages existent, je les ai côtoyés, croisés… juste je les malaxe, les étire en tous sens pour certains, d’autres sont juste tels qu’ils sont dans la vraie vie, pour leur rendre hommage, je pense par exemple à Dominique Lepape, Michel Guénanten, Richard Angevin…
J’ai la même technique de travail que deux de mes maîtres à penser, Frédéric Dard et Michel Audiard : s’asseoir dans un bistrot avec un calepin, et noter ce que l’on entend, ce que l’on voit, s’inspirer de tout. Retenir une "brève de comptoir", puis la reprendre, la travailler, la polir afin de la servir dans un dialogue de roman.
KB : Tu sembles très calé en jargon policier, d’où tires-tu cette connaissance de l’univers de la police ?
SP : De ma culture du roman populaire… Quand on a passé sa jeunesse à lire Dard, Malet, Simonin, Boudard, Fallet, Blondin, Helena, Audiard et tant d’autres, on maîtrise parfaitement l’argot. Langue populaire par excellence, imagée et fleurie.
L’argot, c’est quoi ? Un mélange des jargons de différents corps de métier, comme le louchébem(2), l’argot des truands des années cinquante, et le "parler" de la rue.
J’aime vraiment cette langue populaire, parfois grossière, jamais vulgaire, drôle, franche et directe… Qui n’a jamais ri d’un dialogue d’Audiard, l’un des grands maîtres de cette langue ?
KB : Tu es aussi directeur de la collection et dois être au courant de tout : pour quand la suite de l’Embaumeur ? Qui écrira le prochain ?
SP : L’an prochain, on va commencer avec un par an… Il faut relancer la collection, le temps que les auteurs aient le temps d’écrire le roman… Et le prochain à endosser le costard de croque-mort de Mandoline sera Guillaume Cherel. L’auteur du best-seller "Un bon écrivain est un écrivain mort".
KB : Pourquoi un bandeau d’Olivier Norek ? Va-t-il écrire un Embaumeur ?
SP : Premièrement parce qu’Olivier est un ami, dont j’apprécie le brin de plume, et qu’il a accepté de lire mon manuscrit, et surtout qu’il l’a aimé… c’est un honneur pour moi d’avoir ce bandeau d’un auteur de la trempe de Norek… Quant à l’écriture pour lui d’un épisode de l’Embaumeur, on en a parlé, Olivier se donne le temps de la réflexion. Je ne te dis pas quel bonheur ce serait pour moi !
KB : Peux-tu nous raconter comment tu t’y prends pour écrire ? As-tu des petites manies, des horaires d’inspiration, des objets fétiches ?
SP : Rien… Si ce n’est de la musique, j’aime bosser avec un fond musical, ou, chose étrange, un film, que je ne regarde pas, mais que j’écoute. Ensuite, à part pour "Ravensbrück mon amour", qui était un roman noir historique, je travaille à l’aveugle complètement, j’adore ça. Ce qui veut dire que j’ai une idée de départ, un fait divers, ou de société, que je vais me documenter dessus, prendre des notes, puis je me mets à écrire, et quand je commence, je ne sais jamais la fin du roman, elle vient pendant la phase d’écriture…
KB : Et tes projets, as-tu du nouveau en route ? Peux-tu nous en parler ?
SP : Oui, j’ai la chance que Nathalie Carpentier, la directrice de French Pulp éditions, me fasse confiance. Elle a décidé de reprendre mon personnage de Requiem, mon enquêteur prêtre exorciste, et de m’offrir une collection… ma collection, avec sa charte graphique, tout ça, et surtout, une parution tous les dix mois environ, bref, j’évolue en passant chez un grand éditeur, celui qui possède le fonds de littérature populaire le plus grand, là où se trouvent tous les auteurs que j’ai toujours admiré : Ryck, Arnaud, Dumoulin, Lesou, Lebrun, Randa, Nécrorian et tant d’autres, une chance exceptionnelle, quand je me retourne et que je vois que tout a commencé il y a seulement cinq ans…
Interview réalisée par Kim Béci pour Sébastien Mousse
Directeur de publications L’Atelier Mosésu
Le noir sous toutes ses couleurs
Nota :
(1) "Le Poulpe" est une collection de romans policiers publiée aux éditions Baleine, inaugurée en 1995 avec "La petite écuyère a cafté" de Jean-Bernard Pouy, également directeur de collection originel. Bien que chacun des épisodes soit écrit par un auteur différent, on y suit les aventures d’un même personnage, Gabriel Lecouvreur, un détective surnommé "Le Poulpe" à cause de ses longs bras semblables aux tentacules d’un poulpe.
(2) Le louchébem ou loucherbem, dans son nom complet largonji des louchébems ("jargon des bouchers"), désigne l’argot des bouchers parisiens et lyonnais de la première moitié du XIXe siècle. Le louchébem reste de nos jours connu et utilisé dans cet univers professionnel.
Résonance n°141 - Juin 2018
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