L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), superviseur des secteurs bancaires et d’assurance, a publié une recommandation 2021-R-01 du 18 février 2021 sur la commercialisation des contrats d’assurance vie liés au financement en prévision d’obsèques. Celle-ci édicte un certain nombre de bonnes pratiques basées sur l’étude de réclamations émanant de la clientèle et du contrôle des acteurs du marché. Cette recommandation entre en vigueur le 23 août 2021 et porte sur les actes postérieurs à cette date.
1 - La protection des souscripteurs de contrats obsèques au cœur des préoccupations de l’autorité de contrôle
Dans le cadre de sa mission de protection de la clientèle, l’ACPR s’était déjà positionnée sur le sujet par une recommandation 2015-R-02 du 12 février 2015, et la recommandation du 18 février 2021 est venue l’enrichir pour répondre au constat que les souscripteurs de contrats d’assurance obsèques bénéficie d’une qualité d’information et de conseil délivré avant la commercialisation qui s’avère encore insuffisante.
Dans un communiqué de presse en date du 28 octobre 2019, l’ACPR avait formalisé une liste de "bons réflexes à adopter" en alertant sur le fait que les souscripteurs pouvaient mal appréhender les garanties proposées et que la qualité du conseil délivré par les professionnels en matière d’assurance obsèques devait encore progresser.
En 2021, force est de constater que les différentes positions de l’ACPR n’ont pas permis d’atteindre les objectifs poursuivis.
Pour l’essentiel, l’ACPR relève, d’une part, que les informations fournies en phase précontractuelle et celles délivrées dans le cadre de la publicité ne permettent pas toujours de comprendre le fonctionnement du produit et de son coût, et d’autre part, que les informations et le conseil délivrés par les distributeurs sont parfois incomplets et ambigus.
2 - Les contrats et les acteurs visés
La recommandation vise l’ensemble des organismes d’assurance (relevant du Code des assurances, du Code de la mutualité et du Code de la sécurité sociale), mais également les intermédiaires d’assurance.
La recommandation vise les contrats obsèques "en capital" qui organisent un simple financement des prestations d’obsèques, mais également les contrats "en prestations", qui en plus du financement permettent l’organisation des obsèques dans le cadre d’un contrat de prestations d’obsèques associé et mis en œuvre par un prestataire funéraire.
3 - Un renforcement de l’information précontractuelle à portée générale
En phase précontractuelle, c’est-à-dire avant la souscription effective du contrat, le client doit disposer de l’ensemble des informations nécessaires à la bonne compréhension du produit, et l’ACPR a rappelé des obligations et en a créé de nouvelles à la charge des organismes assureurs et des distributeurs. Cette information précontractuelle renforcée va se traduire dans la rédaction de la documentation précontractuelle, mais également dans la démarche de présentation du contrat obsèques.
L’ACPR a fixé un certain nombre de bonnes pratiques en la matière :
Il est rappelé que le souscripteur doit être éclairé sur le fait que le capital garanti ne peut être utilisé, à concurrence du coût des obsèques, à des fins étrangères au financement des obsèques. Pratiquement, lorsque le bénéficiaire du capital désigné est une entreprise de pompes funèbres, le risque est déjà très limité, et la bonne pratique vise particulièrement les cas de figure où le bénéficiaire est une personne physique.
Il est rappelé que le souscripteur doit être avisé du fait que le capital versé au(x) bénéficiaire(s) est susceptible d’être insuffisant pour couvrir les frais prévisibles d’obsèques. L’enjeu porte sur l’évolution dans le temps du coût des obsèques, étant relevé que les éventuels dispositifs de revalorisation du capital par l’organisme assureur peuvent s’avérer insuffisants notamment dans un contexte de "taux bas" sur les marchés financiers. Cette information délivrée au souscripteur est importante, et dans ce cadre, les contrats obsèques "en prestations" avec un opérateur funéraire désigné bénéficiaire qui s’engage à prendre en charge les écarts éventuels entre le coût réel des prestations au jour du décès et le capital versé au titre du contrat obsèques, offrent des garanties significatives.
Il est rappelé la nécessité d’indiquer au souscripteur le délai et les modalités précises de versement des prestations après le décès de l’assuré. L’ACPR acte la nécessité de fournir une liste des pièces justificatives à fournir à ce stade, avec une information sur l’éventualité pour les bénéficiaires de devoir avancer les fonds dans l’attente du règlement des prestations. Le souscripteur doit pouvoir modifier le choix du prestataire chargé de l’organisation des obsèques. Ce principe, déjà fixé à l’art. L. 2223-35-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), doit être porté à la connaissance du souscripteur.
Le souscripteur doit également être avisé de l’importance d’informer ses proches de l’existence du contrat obsèques pour diminuer le risque de déshérence des garanties souscrites.
Pratiquement, l’ensemble de ces exigences doit être formalisé de manière claire et apparente dans la documentation remise au souscripteur, ce qui doit faciliter la démarche de vente des contrats obsèques par les distributeurs, dont les entreprises de pompes funèbres.
4 - Un renforcement de l’information précontractuelle spécifique au contrat proposé
L’ACPR édicte un certain nombre de bonnes pratiques en la matière :
Le souscripteur doit disposer d’une information claire et exhaustive sur les différents frais prévus par le contrat ou liés à ce dernier (nature, assiette, montant ou pourcentage, récurrence), afin d’être à même d’appréhender correctement leur fonctionnement et leur importance. L’Autorité de contrôle insiste sur la transparence sur les frais additionnels liés à l’activité de distribution de produits d’assurance réalisée notamment par les intermédiaires d’assurance.
La Directive européenne sur la Distribution d’Assurance (DDA) de 2016, transposée en droit français dans le Code des assurances, a déjà fixé un cadre juridique contraignant en la matière.
Lorsque plusieurs modalités de cotisations sont ouvertes au souscripteur, ce dernier doit disposer pour chacune de ces modalités (cotisations uniques/périodiques), d'une information claire, précise et formalisée sur le montant cumulé des cotisations qu'il serait susceptible de verser (au moyen par exemple de simulations fournies sous la forme d'un tableau), de façon à lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause.
Pratiquement, cette information doit permettre au souscripteur d'évaluer la modalité de cotisation la plus avantageuse dans le temps, et de lui faciliter la comparaison entre les différents contrats du marché. Comme précisé ci-après, cette bonne pratique a également un impact sur le périmètre du devoir de conseil du distributeur.
Le souscripteur doit également être avisé clairement et par écrit, via un support synthétique :
- de la nature du contrat, en précisant si ce dernier est de type prévoyance ou de type épargne ;
- du caractère temporaire des garanties obsèques le cas échéant ;
- des exclusions contractuelles ayant une probabilité d'occurrence forte, le cas échéant ;
- de l'existence d'un délai d'attente et/ou de carence, de ses conditions d'application et de ses conséquences sur les garanties souscrites ;
- du montant, de la durée et de la périodicité préconisés de cotisation et des modalités de revalorisation éventuelle de la cotisation.
Pratiquement, ces exigences ne posent pas de difficultés particulières, excepté l’information sur la durée et la périodicité préconisées de cotisation. En effet, au-delà de l’intérêt du souscripteur, les modalités de cotisation peuvent dépendre de sa capacité à honorer le montant des cotisations prévues dans la tarification du produit. Ainsi, une cotisation viagère, qui peut s’avérer coûteuse dans le temps, peut correspondre au moment de la souscription à la capacité financière effective du souscripteur.
Les principales caractéristiques du contrat doivent être présentées au souscripteur de manière objective et équilibrée : pas de mise en avant de manière disproportionnée du mécanisme de revalorisation annuelle de la garantie, pour les contrats rachetables, indication que la valeur de rachat peut être largement inférieure à la somme des cotisations versées, et indication de la durée de cotisation pour un montant de cotisation périodique.
5 - Un renforcement du devoir de conseil
Dans le cadre du recueil des besoins et des exigences requis par la directive DDA précitée, il doit être collecté un certain nombre d’informations auprès du souscripteur, et notamment sa situation personnelle, familiale et professionnelle. Des informations sur ses capacités financières sont recueillies, en cohérence avec l’exigence d’apporter un conseil sur les modalités de cotisation. Des questions doivent être posées pour vérifier la bonne compréhension du souscripteur sur les principales caractéristiques du contrat, et notamment la différence entre les contrats obsèques de type "épargne" et ceux de type "prévoyance".
Dans le même cadre, le souscripteur doit être interrogé sur ses objectifs (contrat pour uniquement financer ses obsèques, ou également pour les organiser), la détention préalable d’un contrat obsèques, les modalités de financement souhaitées, le budget alloué en l’absence de devis sur les prestations funéraires, et la désignation des bénéficiaires.
Le souscripteur doit être questionné sur sa connaissance des mécanismes de règlement des obsèques pouvant être employés de manière alternative à la souscription d’un contrat d’assurance obsèques, et notamment la possibilité de prélever jusqu’à 5 000 € (dispositif prévu à l’art. L. 312-1-4 du Code monétaire et financier) directement sur le compte bancaire du défunt, avec les avantages et les inconvénients du dispositif.
Le souscripteur doit être avisé sur la nécessité de prévoir un (des) bénéficiaire(s) subséquent(s), notamment dans l’éventualité de la disparition anticipée de l’opérateur funéraire ou d’un reliquat de capital à la suite du règlement des frais d’obsèques.
Dans le cadre du devoir de conseil, il doit être justifié précisément de la cohérence de la (des) solution(s) proposée(s) avec les besoins et exigences du souscripteur, s’agissant de la nature du contrat conseillé, de la modalité de la cotisation préconisée, de la présence éventuelle d’un délai de carence ou d’attente, et de la cohérence de la clause bénéficiaire proposée.
Au final, le renforcement du devoir de conseil aboutit à traiter l’ensemble des points essentiels et critiques du contrat obsèques, afin de s’assurer que la solution proposée répond bien au besoin du souscripteur, qui bénéficie d’un niveau de protection élevé. Les différents acteurs du marché devront être vigilants tant sur le contenu des documents que sur la "démarche de vente", avec des risques de sanctions accrus de la part de l’ACPR.
6 - Un renforcement des exigences s’agissant des communications à caractère publicitaire
Dans sa recommandation, l’ACPR a formalisé un certain nombre de bonnes pratiques relatives à la communication à caractère publicitaire, pour l’essentiel sur :
- la présentation du contrat ;
- l’utilisation du capital garanti à des fins étrangères au financement des obsèques ;
- le fait que le capital garanti est susceptible d’être insuffisant pour couvrir le coût des obsèques ou des prestations convenues ;
- la présentation équilibrée des garanties optionnelles ;
- la présentation équilibrée et précise des modalités de cotisation ;
- la présentation équilibrée des modalités et délais de versement du capital ;
- la clarté et la précision des informations relatives à l’absence de formalités médicales ;
- la valeur de rachat d’un contrat qui peut être inférieure au cumul des cotisations versées ;
- la clarté de l’information relative à la revalorisation du capital garanti.
7 - Sur la distribution des contrats obsèques
En cohérence avec la politique de gouvernance et de surveillance des produits exigée par la directive DDA précitée, les concepteurs de produits obsèques s’assurent :
- que les informations fournies aux distributeurs leur permettent bien d'appréhender avec suffisamment de précision le marché cible du produit au regard de l'âge de l'assuré et des principales caractéristiques ou options du produit ;
- d'identifier clairement les clients dont les besoins et caractéristiques (notamment en matière d'âge) ne sont pas compatibles avec le produit.
Maître Nordine Benhatta
Avocat au barreau de Paris
Résonance n° 171 - Juin 2021
Résonance n° 171 - Juin 2021
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