On le sait, la reprise des concessions funéraires est un enjeu particulièrement important auquel sont confrontées les communes. Or, il faut bien constater qu’à force de différer trop longtemps cette étape, le stock de concessions à reprendre augmente et les coûts, nécessairement, sont de plus en importants.
C’est ce type de situation qui est à l’origine de l’affaire, ici rapidement commentée. On attirera donc l’attention des communes sur le fait que l’acceptation d’un devis peut les lier juridiquement et que leur désistement peut alors donner lieu à indemnisation.
TA Melun, 23 févr. 2023, n° 2003762, Société Finalys environnement
Les faits
Les faits
Une commune décide de la reprise de concessions funéraires dans ses trois cimetières. Le maire signe alors trois devis avec une société pour un montant de 148 938 € hors taxes. In fine, ces reprises n’auront pas lieu et la société réclame alors au titre des préjudices subis la somme de 77 297,12 € hors taxes. À la suite du silence gardé par l’Administration (qui omit d’aller chercher son recommandé à la Poste !), la société saisit alors le juge administratif.
Le devis peut tenir lieu de contrat
La première question qui se posait était de savoir si ces devis pouvaient s’analyser comme des contrats ce que la commune naturellement niait. Le juge ne la suit pas sur ce terrain : "Eu égard à leur contenu mentionnant les prestations à réaliser, les quantités et leur montant, les trois devis signés par le maire de la commune de Lumigny-Nesles-Ormeaux et complétés par la mention "bon pour accord" le 7 avril 2016 présentent le caractère de contrats liant la commune de Lumigny-Nesles-Ormeaux et la société Finalys Environnement et portant sur la reprise des concessions funéraires abandonnées".
La commune pouvait-elle alors résilier ces contrats ?
Le juge rappelle opportunément que la résiliation d’un contrat administratif résulte normalement d’une décision expresse de la personne publique. Néanmoins, il rappelle que la résiliation tacite est possible lorsque, par son comportement, la personne publique doit être regardée comme ayant mis fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelles. Il conclut à une telle résiliation tacite par la commune ; il relève que cette résiliation fut faite pour un motif d’intérêt général puisqu’il est constant que les finances de la commune ne pouvaient supporter une telle dépense ; il n’y a donc pas de faute de la commune ni du cocontractant d’ailleurs.
Enfin, en ce qui concerne l’évaluation du préjudice subi par la société. Il rappelle que : "Si le pouvoir adjudicateur peut mettre fin avant son terme à un contrat pour un motif d’intérêt général et en l’absence de toute faute de son cocontractant, ce dernier est toutefois en droit d’obtenir réparation du préjudice résultant de cette résiliation unilatérale dès lors qu’aucune stipulation contractuelle n’y fait obstacle. Le cocontractant a droit à la réparation de l’intégralité du dommage subi du fait de la résiliation, lequel comprend les bénéfices dont il a pu être privé pour la période du contrat restant à couvrir".
On remarquera tout particulièrement qu’il aurait été possible, contractuellement pour la commune, de s’affranchir de cette indemnisation selon le juge, il suffisait de le prévoir. Rappelons que le montant réclamé se chiffre en plusieurs dizaines de milliers d‘euros, or le juge va expliquer qu’"il résulte de l’instruction, notamment des chiffres produits par la société que, s’agissant de l’année 2018 durant laquelle les contrats litigieux auraient pu être exécutés et payés, son résultat net a été de 19 486 € pour un chiffre d’affaires de 990 528 €.
Il en résulte que le taux de marge nette de la société était de 1,96 % en 2018. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de son manque à gagner en l’évaluant à la somme de 2 919,18 € hors taxes.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon
Chargé de cours à l’université de Valenciennes
Résonance n° 192 - Juin 2023
Résonance n° 192 - Juin 2023
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