Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales d’octobre 2023.
Reprise d’une concession : délai raisonnable d’action pour agir et indemnisation
Résumé :
Monsieur C. était titulaire d’une concession de 4 m² dans le cimetière de la commune suivant convention du 4 octobre 1876. Par un 1er arrêté du 29 mai 2012, le maire a prononcé la reprise de ladite concession. Par un 2nd arrêté du 28 novembre 2015, la concession a été réattribuée à une autre famille.
En 2018, les arrière-petits-enfants de la famille de Monsieur C sollicitent l’annulation des deux arrêtés de 2012 et de 2015. La Cour Administrative d’Appel (CAA), confirmant la position du tribunal administratif, rappelle le principe de sécurité juridique faisant obstacle à ce qu’une décision administrative puisse être contestée indéfiniment. Les délais pour agir contre une décision administrative ne sont normalement opposables que s’ils ont été portés à la connaissance des intéressés.
Mais, rappelant une jurisprudence désormais assez bien établie, la cour souligne qu’en l’absence de notification particulière rendant opposables aux requérants les délais de recours classiques, ils disposent d’un "délai raisonnable d’action" contre la décision, délai raisonnable qui ne peut excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse leur a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’ils en ont eu connaissance.
Dans les circonstances de l’espèce, si les requérants n’avaient pas eu connaissance de l’arrêté de 2012 portant reprise de la concession, il est établi qu’au moins (si ce n’est avant) le 31 août 2017, ils ont eu connaissance de la décision de 2012. Ainsi, en introduisant le recours au mois d’octobre 2018, les requérants ne sont plus dans un délai raisonnable d’action limité à une année.
Par ailleurs, sur le volet indemnitaire, la CAA souligne qu’en matière de réparation de préjudice subi du fait d’une décision administrative, la compétence relève de la juridiction administrative à l’exception des cas où la décision a pour l’extinction du droit de propriété, ce qui emporte compétence du juge judiciaire.
En l’état, le droit réel issu d’une concession funéraire relève d’un droit de propriété et la perte dudit droit réel relève du juge judiciaire, seul compétent pour apprécier les demandes indemnitaires des requérants des conséquences préjudiciables nées de la reprise de la concession.
À retenir :
L’arrêt de la CAA de Paris propose un cas pratique sur deux points essentiels : d’une part, sur un volet procédural sur le délai raisonnable pour agir en matière de reprise de concession, et d’autre part, sur le caractère de droit réel immobilier d’une concession.
Sur le premier aspect, il sera rappelé que la reprise d’une concession nécessite une procédure encadrée et doit faire l’objet d’une publicité de la part de la collectivité.
Un temps nécessaire entre la fin de la concession et la reprise effective par la collectivité permet à d’éventuels ayants droit de s’exprimer et de s’opposer à la reprise (voir notamment les articles L. 2223-15 sur le renouvellement des concessions temporaires et L. 2223-17 sur les concessions abandonnées).
En l’état, la jurisprudence de la CAA de Paris, d’une part, invite les éventuels requérants à ne pas tarder dans leur action en contestation d’une reprise administrative mais également, d’autre part, incite les collectivités à s’assurer de la notification de la reprise à l’ensemble des ayants droit afin d’éviter des recours pouvant intervenir plusieurs mois après l’écoulement du délai habituel de deux mois en matière de contestation de décisions administratives.
Sur le second aspect, on réalise à nouveau toute la difficulté de la matière funéraire, qui compose à la fois avec le juge judiciaire et le juge administratif en fonction de la problématique abordée. Gardons à l’esprit que si la décision de reprise est une décision administrative relevant du contrôle du juge administratif, la possession d’une concession est un droit réel dont la perte relève de l’appréciation du juge judiciaire.
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Source : Cour administrative d’appel, Paris, 6e chambre, 3 octobre 2023 – n° 21PA06480
Me Bertrand Moutte
Résonance n° 197 - Novembre 2023
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