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À la suite d’un orage survenu le 9 octobre 2018, la foudre s’est abattue sur le clocher de l’église de la commune de Saint-Amans-Soult (Tarn), provoquant son effondrement. La chute de ses débris a ainsi occasionné la destruction partielle du caveau funéraire du maréchal d’empire Jean de Dieu A..., duc C.... (nous reprenons l’anonymisation de l’arrêt, mais tout laisse à penser qu’il s’agit de la tombe du maréchal Soult).


CAA de Toulouse 5 mars 2024, n° 22TL21250

Les consorts E... A..., propriétaires indivis du caveau funéraire de leur aïeul, ont formé, le 10 avril 2019, une demande préalable indemnitaire auprès de la commune, que celle-ci a implicitement rejetée. La commune de Saint-Amans-Soult relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l’a condamnée à verser aux consorts E... A... la somme de 204 256,41 € en réparation de leurs préjudices (si nos conjectures sont avérées quant à l’identité, le monument est imposant…). La commune interjette appel.

Dommage de travaux public et tiers à l’ouvrage public

La responsabilité de l’Administration n’emprunte pas les mêmes mécanismes suivant que l’on est usager ou tiers à l’ouvrage public, ni même lorsqu’on est participant aux travaux publics. La responsabilité pour dommage accidentel de travaux public obéit à un régime infiniment plus favorable pour celui qui tente d’engager la responsabilité de l’Administration. Le tiers à l’ouvrage public est celui qui ne participe pas à l’entretien de l’ouvrage de par ses activités professionnelles, et qui n’utilise pas non plus celui-ci.

Néanmoins, en dépit de cela, il peut arriver qu’il subisse un dommage causé par l’ouvrage ou par un travail sur l’ouvrage. Par exemple, cette qualité de tiers est retenue par rapport à un cimetière à un propriétaire de bestiaux empoisonnés en consommant des branches d’ifs, lesquelles provenaient de l’élagage des arbres du cimetière et avaient été déposées en bordure du pré où se trouvaient les animaux (CE 18 avril 1956, Balique).

La qualité de tiers par rapport aux travaux publics a été également reconnue au concessionnaire dont le caveau a été endommagé à la suite des travaux, lesquels consistaient en la réalisation d’une tranchée destinée au passage de canalisations de gaz pour le chauffage du stade municipal (TA Bordeaux 26 mars 2002, Dueymes c/ Commune de Camarsac, req. n° 01843). Cette qualité particulière lui permet de bénéficier d’un régime de responsabilité extrêmement favorable puisque, dans cette hypothèse, la responsabilité de l’Administration sera engagée sans même qu’une faute n’existe.

Le tiers doit simplement démontrer que le dommage dont il se plaint trouve son origine dans un travail public ou un ouvrage public, c’est-à-dire qu’il existe un lien de causalité entre le préjudice et l’ouvrage ou le travail public. Il conviendra juste d’atténuer cette affirmation par l’existence éventuelle d’une faute du tiers par trop imprudent, par la force majeure, et classiquement par le caractère anormal et spécial du préjudice.

C’est à cette analyse que se livre le juge en affirmant que : "Le maître de l’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s’il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d’un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage n’est pas inhérent à l’existence même de l’ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel."

La question qui se pose est donc celle de savoir si la commune peut échapper à la mise en cause de sa responsabilité, et donc au versement de cette forte somme, en invoquant la force majeure…

Un cas d’exonération de la responsabilité de l’Administration : la force majeure

La commune soutient en effet "que l’orage survenu le 9 octobre 2018 était d’une intensité exceptionnelle et que l’impact de foudre, à l’origine de la destruction partielle du clocher, présentait un caractère imprévisible et irrésistible, et constituait, de ce fait, un cas de force majeure".

Pour que cette notion trouve à s’appliquer, il convient à ce que 3 conditions soient réunies : elle résulte d’un événement extérieur, imprévisible et irrésistible. Le juge applique alors cette grille de lecture aux faits. Passons sur le fait que la foudre constitue un évènement extérieur à l’Administration, elle l’est indubitablement, mais est-elle imprévisible et irrésistible ?

L’évènement était-il imprévisible ?

Le juge doit donc vérifier la fréquence de la survenance du phénomène de la façon la plus factuelle possible : "5. Si, au plus fort de l’orage, la commune a été frappée à 11 h 13 par un impact positif de foudre d’une particulière intensité, mesurée à 97,3 Ka, il ne résulte cependant pas de l’instruction que cet impact soit celui qui a provoqué l’effondrement du clocher de l’église.

En outre, de tels impacts ne sont pas sans précédent pour la commune de Saint-Amans-Soult dès lors que les statistiques de Météorage font état de ce que, au titre de la période de 2009 à 2018, soit sur 9 années, elle a été la cible à 3 reprises d’impacts positifs d’une intensité comparable.

Enfin, il est constant qu’en 1970, soit moins d’un siècle avant la réalisation du dommage survenu le 9 octobre 2018, le clocher de l’église a été frappé par la foudre. Ainsi, au regard tant de la périodicité à laquelle se reproduisent dans la commune de Saint-Amans-Soult des événements orageux comparables à celui du 9 octobre 2018 et de l’intensité, certes particulière mais pas inédite, de cet événement, ce dernier ne présentait pas un caractère imprévisible." Les critères étant cumulatifs, l’on sait déjà à ce stade que la force majeure ne sera pas retenue, mais ne boudons pas notre plaisir…

L’évènement était-il irrésistible ?

L’évènement irrésistible, c’est celui auquel on ne peut s’opposer, il convient alors de le démontrer, ce que la commune ne démontre pas alors que la preuve lui en incombe, comme le relève le juge "6. Au demeurant, si la commune de Saint-Amans-Soult soutient que le phénomène orageux présentait un caractère irrésistible dès lors que l’installation d’un paratonnerre n’aurait pas suffi à parer l’impact de la foudre et à empêcher la réalisation du dommage compte tenu de la violence inédite de la foudre, elle n’établit pas cependant, par les pièces qu’elle verse à l’instruction, l’existence d’une véritable impossibilité matérielle à y faire face." Ainsi, la force majeure est écartée….

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon
Chargé de cours à l’université de Valenciennes

Résonance n° 202 - Avril 2024

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