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S’il exista, par le passé, une étrange "doctrine" du ministère de l’Intérieur indiquant aux communes qu’eu égard aux vœux prononcés il était possible de considérer que le supérieur de l’ordre est le plus proche parent d’un membre de celui-ci, cette position fut abandonnée lors de la parution du guide de la DGCL (Direction Générale des Collectivités Locales) de juillet 2017 relatif à la législation funéraire ou à l’attention des collectivités locales.


Rép. min. n° 13109 : JOAN, 19 mars 2024

Dans cette réponse, le Gouvernement réitère cette position tant pour l’exhumation que pour la réduction de corps. Cette position est orthodoxe (si l’on ose s’exprimer ainsi…) dans la mesure où, comme le rappelle le Gouvernement, l’exhumation d’un défunt ne peut être demandée que par une personne bien précise. Néanmoins, une difficulté va se poser lorsqu’une exhumation ou une réduction est demandée par un ordre religieux pour l’un de ses défunts membres.

Exhumation et plus proche parent du défunt

En effet, l’art. R. 2213-40 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) énonce que : "Toute demande d’exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande."

Or, cette expression ne connaît qu’une proposition de définition dans l’Instruction Générale Relative à l’État Civil (IGREC) du 11 mai 1999 (annexée au JO du 28 sept. 1999) paragraphe 426-7, qui énonce que : "À titre indicatif et sous réserve de l’appréciation des tribunaux, en cas de conflit, l’ordre suivant peut être retenu pour la détermination du plus proche parent : le conjoint non séparé (veuf, veuve), les enfants du défunt, les parents (père et mère), les frères et sœurs." Indubitablement, cette notion, comme le Gouvernement l’énonce, "s’entend au sens de l’état civil sans considération des liens d’autre nature (affectif, spirituel…) qui auraient pu unir les individus de leur vivant".

"L’appartenance à une association ou congrégation religieuse ne constituant pas un lien de parenté au sens du droit civil, la faculté, pour la congrégation, l’un de ses membres ou son représentant légal, de demander la réduction des corps d’un autre membre de la congrégation décédé ne peut être accordée." La même solution prévaudrait pour l’opération de réduction de corps, puisque le juge judicaire assimile cette opération à une exhumation.

Le Gouvernement annonce alors sa volonté de réformer le droit des exhumations et des réductions de corps, en tout cas en ce qui concerne la qualité pour demander l’une ou l’autre de ces autorisations, mais il explique que, pour un sujet si complexe, il va falloir attendre (on remarquera d’ailleurs qu’il fit la même réponse en 2019, ce qui indique la difficulté qu’il éprouve à cette réforme (Question n° 14170, JO du 5 mars 2019).

Réduction de corps et plus proche parent du défunt

Qu’il nous soit permis d’apporter alors notre pierre à l’édifice de cette réflexion : très souvent, les congrégations désirent par des réductions libérer de la place dans les concessions dont elles sont titulaires (laissons de côté la problématique selon laquelle désormais une personne morale ne peut être concessionnaire), et bien souvent, ce sont des réductions de corps que ces ordres souhaitent.
En effet, la pratique administrative s’est développée de réunir les restes mortels d’un défunt ou même de plusieurs (on parlera alors de réunion de corps), consumés par leur séjour en terre et de les déposer dans une boîte à ossements ("reliquaire"), qui, tout en demeurant dans le caveau, permet néanmoins l’introduction de nouveaux cercueils.

Si le CGCT continue de ne pas prévoir cette opération, l’Administration ne la validait néanmoins tout en la démarquant pas explicitement de l’exhumation : "Aucun texte spécifique ne réglemente l’opération de réduction de corps qui consiste à recueillir, à la suite d’une exhumation, les restes mortels dans une boîte à ossements pour la déposer dans la même sépulture.

L’art. R. 361-17 du Code des communes (CGCT, art. R. 2213-42) dispose toutefois que : "Lorsque le cercueil est trouvé en bon état de conservation au moment de l’exhumation, il ne peut être ouvert que s’il s’est écoulé cinq ans après le décès. Lorsque le cercueil est trouvé détérioré, le corps est placé dans un autre cercueil ou dans une boîte à ossements" (Rép. min. n° 5187, JO Sénat Q 14 avril 1994, p. 873).

Il appartenait donc au maire, s’il autorisait cette opération dans le cimetière, d’en prévoir les modalités au titre de ses pouvoirs de police, le plus souvent par le biais d’un règlement de cimetière. Ses marges de manœuvre étaient alors larges. Ainsi, le maire pouvait, s’il acceptait l’existence de cette opération, soit en calquer le régime sur celui des exhumations, soit au contraire inventer des modalités plus souples, essentiellement dictées par le souci d’une bonne gestion du cimetière, et par la nécessaire prise en compte des difficultés que peut poser aux familles l’application du régime juridique de l’exhumation.

Le principe de l’opération de réduction de corps a été validé par le juge administratif : "La commune de C… n’a commis aucune faute en faisant, à la demande de M. A..., ouvrir le caveau de la famille X... en vue de l’inhumation de Mme X... et en procédant, pour ce faire, au regroupement des restes des personnes précédemment inhumées" (CE, 11 déc. 1987, n° 72998, Cne Contes c/ Cristini : Rec. CE 1987, p. 413 ; D. 1988, somm. p. 378, obs. F. Moderne et P. Bon).

Dans le même arrêt, le Conseil d’État, de surcroît, distingue explicitement la réduction de corps d’une exhumation : "Le fossoyeur municipal a constaté que les cercueils des personnes inhumées en 1912, 1937, 1951 et 1962 étaient décomposées et a rassemblé dans une boîte prévue à cet effet les restes desdites personnes ; qu’une telle opération qui n’a pas le caractère d’une exhumation ne nécessitait pas la demande formulée par le plus proche parent du mort exigée par l’art. R. 361-15 du Code des communes."

S’il existe néanmoins une jurisprudence où le juge vise les dispositions relatives aux exhumations dans un litige où, en fait, il s’agit plutôt d’une réduction de corps, il convient de remarquer qu’il ne se prononce pas sur la nature de l’opération (CE, 17 oct. 1997, n° 167648, Ville Marseille c/ Cts Guien : Rec. CE 1997, tables p. 978). Longtemps, la position des juges judiciaires ne fut pas différente de celle de la juridiction administrative.

Ainsi, la cour d’appel de Caen (CA Caen 1re chambre, section civile et commerciale, 19 mai 2005, RG n° 03/03750) estimait que, lorsque le corps réduit retournait dans la sépulture dont il était issu, il n’y avait pas exhumation, ou bien encore plus récemment, la cour d’appel de Dijon (CA Dijon, Chambre civile, n° 274A, RG n° 08/01394, 17 novembre 2009) : "que ce texte (art. R. 2213-40 du CGCT), qui ne traite que de l’exhumation d’un corps, ne peut donc s’appliquer à l’opération funéraire dite de réunion (ou de réduction) des corps qui consiste à rassembler dans une boîte prévue à cet effet les restes des personnes inhumées ; […]

Qu’il s’ensuit qu’il ne peut être fait grief au maire de la commune d’A/S… d’avoir commis une voie de fait en omettant de vérifier, préalablement à la délivrance d’une autorisation qui n’était pas requise, si Mme É… G. veuve P. avait la qualité de plus proche parent des personnes défuntes inhumées dans la concession numéro 166-487". Il apparaissait donc que, lorsque des restes mortels pouvaient être réunis (puisque la matière organique ne rend plus solidaires les os les uns des autres), à la condition que ces restes ne quittent pas la sépulture, il n’y avait pas exhumation.

C’est cette position que la Cour de cassation annihila par un arrêt du 16 juin 2011 (arrêt cité par le Gouvernement), cassant partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Dijon précité, le juge judiciaire y affirme : "Que pour débouter les consorts X... de leurs demandes en réparation du préjudice causé par la réunion des corps des époux X...- A... A... Y..., de la commune d’A/S… et de la société Z…, l’arrêt énonce qu’aucun texte ne subordonne l’opération de réunion de corps à l’autorisation préalable des plus proches parents, et que l’art. R. 2213-40 du CGCT, qui ne traite que de l’exhumation d’un corps, ne peut s’appliquer à l’opération funéraire de réunion de corps.

Qu’en statuant ainsi, alors que l’opération de réunion de corps s’analyse en une exhumation subordonnée tant à l’accord des plus proches parents des personnes défuntes qu’à l’autorisation préalable du maire de la commune, la cour d’appel a violé, par refus d’application, le texte susvisé."

Or, l’avantage de ne pas qualifier cette opération d’exhumation est bien de permettre que le demandeur de l’opération ne soit pas le plus proche parent du défunt. Il devient alors possible d’envisager que cette opération soit ouverte à d’autres personnes que le plus proche parent du défunt. Il serait peut-être envisageable de codifier cette opération de réduction pour lui conférer un régime juridique plus souple…

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon
Chargé de cours à l’université de Valenciennes

Résonance n° 202 - Avril 2024

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