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Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales mars / avril 2024.
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La chambre funéraire et la vue des voisins

Un opérateur sollicite l’autorisation de créer une chambre funéraire. Le dossier de demande est déclaré complet par l’Administration. Le silence gardé par la préfète sur cette demande fait naître une décision implicite d’autorisation. Mais sur la demande de la commune, le tribunal administratif annule cette décision. L’opérateur relève alors appel. Il faut rappeler que le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) encadre précisément la procédure d’autorisation de création d’une chambre funéraire.

L’art. L. 2223-19 dans sa rédaction applicable à la date de la décision critiquée prévoit que le service extérieur des pompes funèbres est une mission de service public comprenant notamment : 1° Le transport des corps avant et après mise en bière ; / [...] 6° La gestion et l’utilisation des chambres funéraires [...].

L’art. R. 2223-74 dispose que la création ou l’extension d’une chambre funéraire est autorisée par le préfet, qui doit recueillir l’avis du conseil municipal (qui se prononce dans un délai de 2 mois), et celui du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques.

La décision doit alors intervenir dans le délai de 4 mois suivant le dépôt de la demande, et en l’absence de notification de la décision à l’expiration de ce délai, l’autorisation est considérée comme accordée. Le même article dispose également que l’autorisation ne peut être refusée qu’en cas d’atteinte à l’ordre public ou de danger pour la salubrité publique. Il incombe donc au préfet, sous le contrôle du juge de vérifier l’absence d’atteinte à l’ordre public ou de danger pour la salubrité publique.

Et le Code précise (art. D. 2223-80) que :
• toute chambre funéraire est aménagée de façon à assurer une séparation entre la partie destinée à l’accueil du public, comprenant un ou plusieurs salons de présentation, et la partie technique destinée à la préparation des corps ;
• l’accès à la chambre funéraire des corps avant mise en bière ou du cercueil s’effectue par la partie technique à l’abri des regards. Les pièces de la partie technique communiquent entre elles de façon à garantir le passage des corps ou des cercueils hors de la vue du public [...],
Enfin, l’art. D. 2223-87 prévoit en sus que :
• l’ouverture au public est subordonnée à la conformité aux prescriptions énoncées aux articles précédents, vérifiée par un organisme de contrôle accrédité ;
• en cas de non-conformité attestée lors de cette visite, le préfet communique au maître de l’ouvrage les modifications à opérer avant ouverture au public, sous peine de suspension ou de retrait de son habilitation dans le domaine funéraire.

Le préfet ne peut donc refuser l’autorisation de créer une chambre funéraire que dans les hypothèses, limitativement énoncées, tirées de ce que le projet en cause constitue un danger pour la salubrité publique ou porte atteinte à l’ordre public. Mais lorsque tel est le cas, il doit refuser l’autorisation. Et le juge de préciser que l’ordre public en question "recouvre le principe de décence et de dignité des opérations funéraires résultant de l’art. D. 2223-80 du même code".

Au cas d’espèce, la cour d’appel retient, comme le tribunal avant elle, que la chambre funéraire dont la création a été autorisée comporte une partie technique destinée à la préparation des corps, dont l’accès est prévu sur la façade arrière du bâtiment, par une entrée réservée au personnel. Or, il ressort des clichés photographiques versés au dossier que plusieurs appartements d’une résidence voisine ont une vue plongeante directe sur la façade arrière de la chambre funéraire.

L’opérateur a beau faire valoir, pour la première fois en appel, que cette façade est dotée d’un carport de 5 m² destiné à occulter les opérations funéraires, les juges retiennent que cet aménagement n’était ni prévu dans son dossier de demande d’autorisation, ni prescrit par la décision d’autorisation, et qu’il n’est nullement établi qu’il aurait été réalisé dès la création de la chambre funéraire.

La légalité d’une décision administrative s’apprécie à la date de son édiction et la circonstance que les véhicules de transport pourraient stationner en marche arrière au droit de l’entrée de la partie technique de la chambre funéraire ne suffit pas non plus à garantir que l’accès des corps avant mise en bière ou des cercueils s’effectue à l’abri des regards ni, par suite, le respect du principe de décence des opérations funéraires. L’autorisation est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et doit être annulée.

À retenir
Le préfet doit refuser l’autorisation de créer une chambre funéraire dans l’hypothèse où le projet porte atteinte à l’ordre public, lequel recouvre le principe de décence et de dignité des opérations funéraires. Tel n’est pas le cas lorsque l’accès des corps avant mise en bière ou des cercueils ne s’effectue pas à l’abri des regards.
Me Philippe Nugue
 
Source : Cour administrative d’appel, Bordeaux, 3e chambre, 9 avril 2024 – n° 22BX00139

Résonance n° 203 - Mai 2024

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