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Voici un jugement sur un sujet peu commun : Quelle est l’autorité compétente pour accorder une exhumation à la demande des familles pour un défunt qui repose dans un carré militaire d‘un cimetière communal ?


TA Paris, 25 mars 2024, n° 2207291

Mme D C a demandé à la mairie de Paris de lui délivrer une autorisation d’exhumation des restes mortels de son père M. B, inhumé dans un carré militaire du cimetière parisien de Thiais, pour le réinhumer dans une concession lui appartenant dans le cimetière de sa commune. Par décision du 14 mars 2022, la mairie de Paris a refusé de faire droit à sa demande. Mme C demande l’annulation de cette décision.

En effet, le père de la requérante a été tué à son poste de combat le 18 juin 1940 à Sionviller, près de Lunéville, et inhumé pxrovisoirement sur place. Postérieurement, alors que la requérante et sa mère, veuve, habitaient à Paris, cette dernière a accepté la proposition qui lui a été faite de transférer les restes mortels de M. B au carré militaire du cimetière parisien de Thiais.

Si l’on ignore les motifs de ce refus d’exhumation, le juge estime d’emblée qu’il n’appartenait pas au maire de Paris de se prononcer sur la question. En effet, pour le tribunal, seuls les représentants du directeur général de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ont la capacité d’ordonner les exhumations et transferts des corps des militaires morts pour la France (art. R. 521-8 Code des pensions militaires). C’est donc à cette autorité qu’il faudra s’adresser. Ce jugement nous offre l’occasion de rappeler ce régime juridique particulier.

Les spécificités de la sépulture des militaires

Il existe, en effet, des cimetières militaires nationaux, des carrés militaires au sein des cimetières communaux, des cimetières des armées alliées et ennemies. Au sein même des cimetières communaux, toutes les tombes n’obéissent pas aux mêmes règles juridiques.

On distinguera en effet les sépultures des morts rendus à leurs familles après la guerre et qui se retrouvent dans ces carrés parce que la commune a voulu les distinguer ; des carrés militaires à proprement parler. Les premières sont des sépultures privées, à la différence des carrés militaires constitués en tant que tels qui ont été créés par l’État.

Pour ces derniers carrés, l’art. L. 522-8 du Code de la pension militaire dispose que, dans les cimetières communaux, les sépultures perpétuelles des militaires ou marins français et alliés "morts pour la France" sont groupées dans un carré spécial, distinct, autant que possible, par nationalité. La charge de l’entretien de ces tombes incombe (en théorie) à l’État.

Si une commune doit opérer une reprise des concessions militaires dans une opération de réaménagement du cimetière communal, les corps seront regroupés dans un ossuaire spécial. La commune devra impérativement faire inscrire sur cet ossuaire le nom des militaires qui y sont inhumés, la date de leur décès et la mention de leur sacrifice.

Il convient d’insister qu’à la différence des autres sépultures où l’essentiel des règles se trouve dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), pour les sépultures militaires, c’est le Code des pensions militaires qui prime, le CGCT écartant sa compétence par la formulation de l’art. L. 2223-11.

Cet article L. 2223-11 renvoie à l’art. L. 498 du Code des pensions militaires (étrangement, le CGCT continue de mentionner l’art. L. 498 qui a été recodifié à l’art. L. 522-1), qui donne aux sépultures des militaires français et alliés qui portent la mention "mort pour la France" une concession perpétuelle.

Le Code précise que cette sépulture est aux frais de la nation tant pour ce qui concerne l’inhumation au lieu où ils sont tombés que pour leur éventuel transfert dans un autre endroit par la volonté du service de l’état civil. Dans le silence du Code des pensions militaires, il conviendra d’appliquer à ces sépultures spéciales les règles générales posées par le CGCT.

Une autorité dérogatoire quant à la police des exhumations

Usuellement, c’est le maire (CGCT, art. R. 2213-40) du lieu où doit s’effectuer l’opération d’exhumation qui délivre l’autorisation à la demande du plus proche parent du défunt, lequel doit justifier "de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande". Le maire est d’ailleurs l’autorité compétente même lorsque l’inhumation fut accordée par le préfet dans une propriété privée.

Certes, il existe des variétés d’exhumations où l’autorité n’est pas le maire, mais il s’agit d’exhumations qui ne sont pas faites à la demande des familles : elles peuvent se faire par le ministère de la Justice dans le cadre d’un procès civil, d’une expertise ou d’un acte d’instruction pénale, ou bien enfin à la demande de la Sécurité sociale dans le cadre de la législation sur les accidents de travail.

Dans cette hypothèse, la Caisse primaire d’assurance maladie, par exemple, n’a pas à demander au maire une autorisation d’exhumation, puisqu’elle a obtenu du tribunal judiciaire l’autorisation de faire procéder à l’autopsie (Rép. min. n° 53661, JOAN Q 7 décembre 1992, p. 5555).

Au contraire, ici, il s’agit bien d’une demande, a priori du plus proche parent, mais le maire est incompétent en raison du lieu d’inhumation, un carré militaire relevant de l’État, quoique situé dans un cimetière communal…
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille

Résonance n° 208 - Octobre 2024

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