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Cette affirmation de l’obligation du cimetière se déduit de l’emploi de "dispose", un verbe au présent de l’indicatif devant être juridiquement interprété comme valant impératif, art. L. 2223-1 du Code Général des Collectivité Territoriales (CGCT) : "Chaque commune ou chaque Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) compétent en matière de cimetières dispose d’au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l’inhumation des morts […]."


Un équipement obligatoire

Ainsi, la commune ou, plus rarement, l’intercommunalité compétente, doit disposer obligatoirement d’un cimetière "opérationnel", c’est-à-dire en mesure de recevoir des inhumations. Rien n’interdit, et c’est d’ailleurs souvent le cas, qu’il en existe alors plusieurs.

Si l’on applique littéralement les textes, il serait même possible de connaître de sa superficie :
Art. L. 2223-2 du CGCT : "Les terrains prévus au premier alinéa de l’art. L. 2223-1 du CGCT sont 5 fois plus étendus que l’espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé des morts qui peuvent y être enterrés chaque année."
Art. R. 2223-3 du CGCT : "Chaque inhumation a lieu dans une fosse séparée. Chaque fosse a 1,50 mètre à 2 mètres de profondeur sur 80 centimètres de largeur. Elle est ensuite remplie de terre bien foulée."
Art. R. 2223-4 du CGCT : "Les fosses sont distantes les unes des autres de 30 à 40 centimètres sur les côtés, et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds."
Art. R. 2223-5 du CGCT : "L’ouverture des fosses pour de nouvelles sépultures n’a lieu que de 5 années en 5 années."

La taille minimale d’un cimetière pourrait donc être obtenue par l’estimation du nombre présumé de décès annuels multiplié par 5. On connaît ce nombre par les statistiques fournies par l’INSEE et l’on connaît également la taille "standard" des sépultures et des espaces les séparant. Comme de surcroît, dans leur rédaction, les corps sont exhumés tous les 5 ans, on dispose d’un délai de rotation, à compter duquel on exhumera les dépouilles les plus anciennes pour réutiliser les fosses.

Bien entendu, il est patent que ces textes ne sont pas appliqués, mais il faut comprendre que ces dispositions sont la reprise de législations anciennes (le décret de prairial an XII, par exemple) qui n’ont pas été modifiées, ou bien marginalement, et dans lesquelles le terrain commun était la règle, et la concession funéraire, l’exception. On pourrait, en forçant le trait, soutenir que les règles sociologiques l’ont emporté sur les règles juridiques en ce qui concerne la gestion de cet équipement.

Un équipement public

Ainsi que le faisait remarquer avec, comme toujours, la plus grande justesse le regretté Damien Dutrieux (Damien Dutrieux, "Jurisclasseur Administratif Fascicule 150-30 Opérations funéraires", § 129) :
"Le cimetière demeure avant tout un lieu d’inhumation que doit posséder chaque commune puisque l’Église, originellement chargée de cette mission, n’a pas su gérer les dangers sanitaires que fait courir la présence de cadavres parmi les hommes. C’est donc l’hygiène qui se trouve à l’origine de la création d’un monopole des cimetières au profit des communes par le décret du 23 prairial an XII."

Une relique : le cimetière privé

Le corollaire de l’obligation communale du cimetière est que les cimetières privés sont prohibés ; néanmoins, l’histoire justifie l’existence de certains cimetières privés dont l’existence perdure. Cependant, il est interdit tant d’en créer de nouveaux que de les agrandir (CE 18 août 1944, Sieur Lagarrigue, Rec. CE p. 237 ; CE 13 mai 1964, Sieur Eberstarck, Rec. CE p. 288 ; Cour d’appel d’Aix 1er février 1971, Sieur Rouquette : AJDA 1972 p. 111). Rappelons que la loi du 14 novembre 1881 posa l’interdiction de créer ou d’agrandir des cimetières confessionnels.

Il existe un notable tempérament à l’interdiction du cimetière confessionnel qui concerne les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de Moselle. Si on y applique toujours le régime du concordat de 1801 (la loi de séparation des Églises et de l’État ne s’y applique pas), il convient surtout de relever qu’y est toujours en vigueur l’article 15 du décret du 23 prairial an XII sous sa forme actuelle, codifiée à l’art. L. 2542-12 du CGCT.

Art. L. 2542-12 du CGCT : "Dans les communes où on professe plusieurs cultes, chaque culte a un lieu d’inhumation particulier. Lorsqu’il n’y a qu’un seul cimetière, on le partage par des murs, haies ou fossés, en autant de parties qu’il y a de cultes différents, avec une entrée particulière pour chacune, et en proportionnant cet espace au nombre d’habitants de chaque culte."
Enfin, il peut aussi subsister des cimetières privés de congrégation
 
Si le Conseil d’État a considéré dans un avis du 12 mai 1846 qu’il était interdit aux congrégations de créer des cimetières (reproduit dans G. Chaillot, "Le Droit funéraire français", édition Pro Roc, 1997, tome 2, p. 351, n° 11), précédemment, dans un avis de 1832, il avait opté pour la solution contraire. Il subsiste donc quelques cimetières privés congrégatifs.

Pour ceux qui seraient intéressés par la naissance du cimetière moderne et l’ancien état du droit, on ne peut que conseiller les ouvrages suivants :
- G. Chaillot "Le Droit funéraire français" : éd. Pro Roc, 1997, t. 2 ; "Le Droit des sépultures en France" : éd. Pro Roc 2004
- M. Mélin "La Police des cimetières" : Thèse, Université de Paris, 1969
- M.-T. Viel "Droit funéraire et gestion des cimetières" : Berger-Levrault, coll. "Administration locale", 2e éd., 1999

Le cimetière appartient au domaine public

Traditionnellement, pour un bien immobilier appartenant à une personne publique, il faut toujours, pour connaître les modalités de sa gestion, être capable de le ventiler soit dans le domaine public, soit dans le domaine privé de la personne publique.

Pour le cimetière, la question est tranchée depuis longtemps : il appartient au domaine public depuis le célèbre arrêt "Marecar" (CE 28 juin 1935, Marecar : DP 1936, III, 20, concl. Latournerie, note M. Waline). Il constitue de surcroît un ouvrage public (CE 12 décembre 1986 : Rec. CE, p. 429 ; AJDA 1987, p. 283, obs. X. Prétot).

Les conséquences de cette qualification ont une grande importance sur le régime de la responsabilité de la puissance publique. Par exemple, il y aura possibilité d’application de la responsabilité pour dommages occasionnels ou permanents de travaux publics. Il en va de même des contrats de concession funéraire, qui, portant sur le domaine public, sont alors obligatoirement des contrats administratifs par détermination de la loi.

L’art. L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) énonce désormais :
Art. L. 2111-1 CG3P : "Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique mentionnée à l’art. L.1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public."

Le CG3P est récent (2006), ainsi désormais le cimetière relève du domaine public parce que cette définition trouve à s’y appliquer :
- Le cimetière appartient à un personne publique (le plus souvent une commune, voire un EPCI) ;
- Il est affecté à l’usage direct du public : le public peut y accéder librement sans en demander d’autorisation.

Font également partie du domaine public les éléments qui en sont les accessoires :
 
Art. L. 2111-2 du CG3P : "Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l’art. L.1 qui, concourant à l’utilisation d’un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable."

Le juge impose deux conditions strictes : le bien doit être physiquement lié, attaché au bien, le bien doit concourir à l’affectation publique, c’est-à-dire lui être utile pour son fonctionnement. C’est à ce titre que relèveront également du domaine public, par exemple, les arbres des cimetières, des bancs, etc.
 
Les grands principes de protection du domaine public

Il se trouve que le domaine public est inaliénable et imprescriptible :
L’art. L. 3111-1 du CG3P dispose en effet que : 
Art. L. 3111-1 du CG3P : "Les biens des personnes publiques mentionnées à l’art. L.1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles."
Il existe néanmoins des tempéraments créés récemment qui pourraient trouver à s’appliquer au cimetière, et notamment celui-ci : 
Art. L. 3112-1 du CG3P : "Les biens des personnes publiques mentionnées à l’art. L.1, qui relèvent de leur domaine public, peuvent être cédés à l’amiable, sans déclassement préalable, entre ces personnes publiques, lorsqu’ils sont destinés à l’exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert et relèveront de son domaine public."

Cette disposition permettrait facilement d’"intercommunaliser" les cimetières, ce qui serait sans aucun doute un progrès dans leur gestion en en transférant la propriété à cet échelon territorial.

Ce principe d’inaliénabilité fait bien sûr référence à l’impossibilité de vendre un bien relevant du domaine public, mais cette protection est bien plus large. Par exemple, le principe d’inaliénabilité fait échec à la mitoyenneté. Ainsi, un mur de cimetière ne peut pas être mitoyen, il ne peut qu’appartenir à la personne publique, propriétaire du cimetière (Cass. civ. 14 février 1900, Commune de la Ferté-Alais, D. 1900.1.593).

L’imprescriptibilité protège donc le domaine public contre son éventuelle acquisition par un usage prolongé qu’en feraient des tiers. L’acquisition du domaine public par la voie de la prescription acquisitive est donc par principe exclue. Concrètement, la possession par une personne privée d’un immeuble relevant du régime du domaine public ne lui permettra jamais d’en revendiquer la propriété. À tout moment, la personne publique dépossédée pourra exercer une action en revendication du bien (CE, 27 mai 1959, Baylaucq, Rec. CE, p. 323).

L’imprescriptibilité du domaine public est justement à l’origine de l’affaire "Marécar". Dans cette affaire, un maraîcher revendiquait la propriété d’une emprise dans le cimetière de Pondichéry, comptoir français des Indes, du fait d’une possession trentenaire. C’est parce que le cimetière fait partie du domaine public qu’il n’était pas possible de l’acquérir par la voie de la prescription acquisitive. Ainsi, monsieur Marecar n’était qu’un occupant sans titre du domaine public que l’on pouvait faire déguerpir à tout moment.

Ceci signifie également que toute occupation privative du cimetière (nous n’évoquons pas les sépultures, bien entendu) doit obéir aux règles suivantes :
- compatible avec son affectation,
- autorisation écrite, préalable, personnelle, incessible, en cours de validité, précaire.

Par exemple, un fleuriste qui disposerait à la vente des fleurs dans la partie publique du cimetière devrait obtenir une telle autorisation. En revanche, si son étal gêne l’accès aux tombes, l’autorisation devrait être refusée, de même si cela gêne la nécessaire tranquillité qui doit être attachée à ce lieu.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille

Résonance n° 208 - Octobre 2024

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