
Cas pratique : travaux réalisés par un indivisaire sur une concession funéraire
Propriétaire indivis d’une concession funéraire familiale fondée par ses grands-parents, un lecteur souhaite poser une plaque de marbre sur le caveau familial. Cependant, les services communaux exigent l’accord de tous les co-indivisaires pour autoriser les travaux. Cette situation soulève une question cruciale : doit-on obtenir l’accord unanime des co-indivisaires pour réaliser des travaux sur une concession funéraire familiale ?
Pour y répondre, il convient d’examiner deux aspects… Les relations entre la commune et les indivisaires tout d’abord, puis les relations entre indivisaires eux-mêmes.
Commune et indivisaires : des limites dans l’intervention du maire
Les services municipaux n’ont pas à recueillir l’accord des co-indivisaires pour autoriser les travaux sur une concession funéraire. En effet, les travaux funéraires ne nécessitent pas d’autorisation spécifique, sauf dans deux cas :
• Lorsque le monument est classé ou inscrit au titre des monuments historiques (art. L. 2223-12 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) et art. R. 421-2 du Code de l’urbanisme).
• En cas de déclaration préalable, celle-ci vise uniquement à identifier les intervenants et à garantir le respect du règlement du cimetière, comme le rappelle Philippe Larribe : "Des communes demandent que le concessionnaire ait formulé explicitement son accord pour les travaux sur la sépulture. Or cet accord ne concerne pas le maire. […] Le maire est garant du bon ordre et de la décence du cimetière, mais il n’a pas vocation à intervenir sur le "bien privé" qu’est le monument." (Résonance funéraire, décembre 2019)
En revanche, les litiges éventuels entre co-indivisaires relèvent exclusivement du droit privé.
Entre co-indivisaires : quels types de travaux et quelles règles ?
Les travaux envisagés doivent être qualifiés selon leur nature, car le régime juridique applicable diffère.
- Travaux d’entretien ou de conservation
Conformément à l’art. 815-2 du Code civil, tout indivisaire peut effectuer seul des actes conservatoires nécessaires à l’entretien de la concession, sans l’accord des autres.
Cela inclut :
• Les réparations destinées à maintenir le caveau en bon état ;
• Des interventions mineures, comme la pose d’une plaque de marbre, si leur objectif est strictement conservatoire.
- Travaux modifiant ou détruisant un monument existant
Dans d’autres cas, notamment ceux modifiant l’apparence ou la structure du monument funéraire, l’accord unanime des co-indivisaires est requis.
Par exemple :
• Remplacement d’une chapelle funéraire par une pierre tombale ;
• Inscription exclusive d’un nom sur le monument, à l’exclusion des autres indivisaires.
Ces actes peuvent être qualifiés de "troubles manifestement illicites", comme l’a jugé la cour d’appel de Bourges (26 septembre 2019, n° 19/00124) lorsqu’un indivisaire a remplacé un monument sans concertation.
Dans une autre affaire, un indivisaire a fait graver son propre nom sur la stèle familiale, reléguant en petits caractères le nom de la fondatrice de la concession (cour d’appel de Caen, 25 septembre 2012, n° 10/02683). Une telle démarche est jugée incompatible avec l’exercice normal des droits d’un co-indivisaire.
- Travaux liés à l’inhumation
Des aménagements nécessitant des interventions lourdes (déplacement des dépouilles, agrandissement du caveau, réduction de corps) requièrent également l’accord de tous les co-indivisaires. Ce principe a été confirmé par la cour d’appel de Paris (16 septembre 2008, n° 07/05942).
Un encadrement nécessaire, mais source de tensions
Les relations entre indivisaires peuvent vite devenir conflictuelles, notamment face à des démarches unilatérales. Dans ce contexte, les communes, bien que limitées dans leur champ d’action, tendent à généraliser les demandes d’autorisation préalable afin de prévenir les litiges.
Pour autant, le droit reste clair : les travaux conservatoires peuvent être réalisés sans accord unanime, tandis que les travaux modifiant la concession nécessitent une concertation complète.
Pour aller plus loin : voir Anthony Peitavy, "Inscription tombale", Résonance funéraire, janvier 2023.
Me Jean-Philippe Borel
Avocat au barreau d’Avignon - Docteur en droit
Ancien collaborateur de notaire
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