
Arrêté n° ECOT2432278A, 3 décembre 2024, JO 5 décembre 2024
Paiement des frais d’obsèques : formalités simplifiées pour la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles
Si l’on excepte les règles concernant les personnes dépourvues de ressources suffisantes, les frais funéraires sont liés normalement à la succession. L’acceptation d’une succession entraîne ainsi normalement le paiement de ces frais. La renonciation, elle, ne libérera pas nécessairement de ces frais que, longtemps, la jurisprudence a considérés comme une obligation alimentaire vis-à-vis du mort.
Cette jurisprudence est désormais codifiée à l’art. 806 du Code civil, issu de la loi n° 728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités. Cet article dispose en effet que : "Le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession ; toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce."
Il faut aussi préciser que, corollairement, le nouvel art. 784 du Code civil prévoit alors que le paiement de ces frais ne vaut pas acceptation tacite de la succession : "Les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d’administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n’y a pas pris le titre ou la qualité d’héritier.
Tout autre acte que requiert l’intérêt de la succession et que le successible veut accomplir sans prendre le titre ou la qualité d’héritier doit être autorisé par le juge. Sont réputés purement conservatoires : 1° Le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent."
Une proposition de loi (Prop. L. AN n° 225, 26 sept. 2012 : JCP N 2012, n° 40, act. 878 ; JCP A 2012, n° 40, act. 646) avait proposé de "légaliser" la faculté de prélever ces frais directement sur le compte bancaire du défunt.
En effet, pendant longtemps, la pratique bancaire – puisque des prélèvements étaient jusqu’alors illégalement opérés – se fondait indirectement sur une instruction de la Direction de la comptabilité publique du 31 mars 1976 visant les comptes de dépôt ouverts par les particuliers auprès du Trésor public et devenue sans objet depuis le 31 décembre 2001 (date à laquelle les comptables du Trésor ont définitivement mis fin à la gestion de comptes de particuliers).
Le Gouvernement a finalement repris cette idée dans son projet qui allait devenir la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires (JO du 27 juillet 2013, p. 12530).
Le Code monétaire et financier (art. 72 de la loi n° 2013-672) a donc été complété à l’époque par un art. L. 312-1-4, selon lequel : "La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès des banques teneuses desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie." C’est dans ce cadre qu’intervient l’arrêté commenté qui porte ce montant à 5 910 €.
Paiement des frais d’obsèques : une preuve simplifiée de la qualité d’héritier pour l’avance des frais d’obsèques
On notera alors l’énumération particulièrement complète à laquelle procède cet article : "l’art. L. 312-1-4 du Code monétaire et financier est complété par quinze alinéas ainsi rédigés.
"Sous réserve de justifier de sa qualité d’héritier, tout successible en ligne directe peut :
"1° Obtenir, sur présentation des factures, du bon de commande des obsèques ou des avis d’imposition, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite des soldes créditeurs de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des actes conservatoires, au sens du 1° de l’art. 784 du Code civil, auprès des établissements de crédit teneurs desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie ;
"2° Obtenir la clôture des comptes du défunt et le versement des sommes y figurant, dès lors que le montant total des sommes détenues par l’établissement est inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie.
"Pour l’application des 1° et 2°, l’héritier justifie de sa qualité d’héritier auprès de l’établissement de crédit teneur desdits comptes soit par la production d’un acte de notoriété, soit par la production d’une attestation signée de l’ensemble des héritiers, par lequel ils attestent :
"a) Qu’il n’existe pas de testament ni d’autres héritiers du défunt ;
"b) Qu’il n’existe pas de contrat de mariage ;
"c) Qu’ils autorisent le porteur du document à percevoir pour leur compte les sommes figurant sur les comptes du défunt ou à clôturer ces derniers ;
"d) Qu’il n’y a ni procès ni contestation en cours concernant la qualité d’héritier ou la composition de la succession.
"Pour l’application du présent 2°, l’attestation mentionnée au cinquième alinéa doit également préciser que la succession ne comporte aucun bien immobilier.
"Lorsque l’héritier produit l’attestation mentionnée au cinquième alinéa, il remet à l’établissement de crédit teneur des comptes :
"- son extrait d’acte de naissance ;
"- un extrait d’acte de naissance du défunt et une copie intégrale de son acte de décès ;
"- le cas échéant, un extrait d’acte de mariage du défunt ;
"- les extraits d’actes de naissance de chaque ayant droit désigné dans l’attestation susmentionnée ;
"- un certificat d’absence d’inscription de dispositions de dernières volontés."
On remarquera tout particulièrement qu’on glisse insensiblement de la notion de personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles à celle d’héritier en ligne directe, or, si le premier ne peut obtenir que le remboursement des frais funéraires avancés, le second pourra obtenir, sous les conditions décrites par ces nouveaux alinéas, l’avance de ceux-ci sur présentation du bon de commande émanant de l’opérateur funéraire.
Cette modification, dont les motifs sont plutôt à rechercher dans la volonté d’alléger le travail des communes qui continuent de délivrer des certificats d’hérédité, n’en a donc pas moins des répercussions en matière de paiement des obsèques, en instituant un mode de preuve simplifié pour l’héritier lorsqu’il n’y a aucun conflit familial et que la succession est simple.
Dans l’hypothèse où la famille refuserait malgré tout de s’acquitter des frais des funérailles, il sera également possible d’agir contre les biens meubles de la succession, en utilisant le privilège de l’art. 2331 du Code civil. Ce puissant outil juridique transforme ainsi celui qui a payé les obsèques en créancier privilégié de la succession, et doit lui permettre, quel qu’il soit (commune, société de pompes funèbres, ami), d’obtenir son remboursement. La seule exception au paiement des frais est donc désormais le cas de la personne dépourvue de ressources suffisantes.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille
Résonance n° 211 - Janvier 2025
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