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Réponses apportées à des questions posées par des lecteurs de Résonance.
 
I - Tarifs des concessions : suppression d’une durée ?

La question

Chaque année, les tarifs d’attribution de concession sont réévalués. Les élus souhaitent supprimer la durée de 50 ans. Actuellement il y a 30 ans ou 50 ans. Comment faire en cas de renouvellement de concession cinquantenaire demandé par une famille ? Possibilité de renouvellement pour 30 ans, mais la législation précise qu’il est possible de renouveler une concession pour la même durée ou pour une durée plus longue, et pas pour une durée plus courte.

La réponse

Pratique déjà ancienne mais de plus en plus répandue : la suppression des concessions des durées les plus longues. En effet, les communes les plus fortement et densément peuplées se retrouvent tôt ou tard confrontées à une saturation de leurs cimetières lorsque les possibilités de reprises de concessions ne permettent plus de libérer suffisamment de terrains pour répondre favorablement aux demandes de concessions nouvelles. Lorsqu’il n’est pas possible techniquement ou financièrement d’agrandir le cimetière communal (ou d’en créer un nouveau), la commune n’a pas d’autre alternative que de limiter la durée des concessions pour accélérer la rotation des terrains. La pratique montre en effet qu’il est très fréquent que les concessions ne soient plus renouvelées après deux ou trois générations d’ayants droit.

Il découle de l’art. L. 2223-14 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) que les communes peuvent (sans que cela soit une obligation) accorder dans leurs cimetières les catégories de concessions suivantes :
1) temporaires pour quinze ans au plus ;
2) trentenaires ;
3) cinquantenaires ;
4) perpétuelles, "sans toutefois être tenues d’instituer l’ensemble des catégories".

Rappelons que la loi du 3 janvier 1924 avait donné la possibilité aux communes d’instituer des concessions centenaires, mais cette durée avait par la suite été supprimée par l’ordonnance n° 59-33 du 5 janvier 1959.

Le pouvoir d’instituer ou de supprimer des durées de concessions prévues par la loi relève d’une délibération du conseil municipal. Ainsi, ce dernier a parfaitement le loisir, ainsi que le suggère la question qui nous est soumise, de supprimer l’attribution de concessions cinquantenaires sur le territoire de la commune. Cette délibération ne vaudra que pour les nouvelles concessions, mais ne sera pas sans poser de difficultés à l’occasion d’un renouvellement, dès lors que la durée à renouveler ne sera plus proposée par la commune.

La question n’a, semble-t-il, jamais été tranchée. Néanmoins, plusieurs approchent sont possibles

- Un renouvellement pour la même durée malgré sa suppression

Rappelons-le, le renouvellement d’une concession ne constitue pas la conclusion d’un nouveau contrat de concession (QE n° 55470, JOAN, 8 octobre 1984). Il n’est que le renouvellement du contrat initial. Ainsi, la délibération par laquelle la commune déciderait de supprimer une durée, qui n’a pas d’effet rétroactif, ne pourrait s’appliquer aux renouvellements postérieurs de concessions conclues antérieurement.

Dès lors, si le concessionnaire ou l’ayant droit refuse de voir réduire la durée de renouvellement de sa concession, la commune ne saurait lui refuser un renouvellement pour une durée inférieure à la durée initiale. Cette solution, soutenue par Emmanuelle Aubin et Isabelle Savarit-Bourgeois(1), découle de la stricte application des dispositions de l’art. L. 2223-15 du CGCT, qui dispose que : "Les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur eu moment du renouvellement."

Dans ces conditions, la commune qui déciderait de supprimer les concessions cinquantenaires devrait, par délibération du conseil municipal, continuer de proposer un prix (susceptible d’être régulièrement actualisé) pour les concessions de cette durée, applicable uniquement aux renouvellements, pendant une période au moins égale à 50 ans après l’attribution de la dernière concession cinquantenaire.

- Un renouvellement pour la durée la plus longue proposée par la commune au moment du renouvellement

Cette solution est proposée par Georges Chaillot au sujet des concessions centenaires. Ce dernier considère que ces concessions "se renouvelleront alors pour des durées temporaires existantes, selon la loi, et pratiquées par la commune au moment de leur expiration"(2). Généralisant cette problématique, Damien Dutrieux suggérait d’appliquer également cette solution au cas qui nous préoccupe du renouvellement de concessions cinquantenaires préalablement supprimées par la commune, considérant que "si la commune cesse […] de délivrer une catégorie de concessions dans son cimetière (par exemple les cinquantenaires), les titulaires de telles concessions ne pourront que renouveler leurs concessions en concessions trentenaires (si une telle option existe sur le territoire communal)"(3).

Ce raisonnement appelle cependant une critique. S’il s’entend aisément s’agissant du renouvellement de concessions centenaires, en raison de leur suppression par la loi, tel ne serait pas le cas s’il s’agissait d’une suppression de durée décidée par la commune. En effet, rappelons que la modification de durée imposée par la commune au moment du renouvellement de concession constituerait une modification unilatérale du contrat de concession. Si de telles modifications sont, en principe, possibles en droit des contrats administratifs, les modifications unilatérales de contrats doivent être justifiées par un intérêt général(4) dont la charge de la preuve incombe à l’Administration.

En outre, de telles modifications impliquent une compensation. En l’espèce, la compensation résiderait dans une réduction du prix, puisque le concessionnaire ou l’ayant droit se verrait appliquer un tarif minoré au regard de la durée inférieure du renouvellement. Néanmoins, en cas de refus de réduction de la durée, la commune devrait s’assurer que le concessionnaire ou l’ayant droit ne subit aucun autre préjudice susceptible d’engager sa responsabilité.

Il conviendra donc pour la commune de faire preuve de la plus grande prudence si elle entend imposer à un concessionnaire ou à un ayant droit le renouvellement d’une concession pour une durée inférieure à sa durée initiale. Elle pourra s’efforcer, par exemple, de recueillir l’assentiment exprès du concessionnaire ou de l’ayant droit pour un renouvellement d’une durée moindre, ou s’interroger in concreto sur l’éventuel préjudice causé à son cocontractant en cas d’opposition de celui-ci.

Conclusion

Qu’il s’agisse du renouvellement des concessions centenaires, à partir de 2024, ou des conséquences du renouvellement des concessions cinquantenaires, dans l’hypothèse de leur suppression à l’échelle des communes, la question qui nous est soumise en l’espèce met en lumière une insuffisance de notre droit funéraire, qu’une évolution législative gagnerait à combler.

Nota :
(1) E. Aubin - I. Savarit-Bourgeois, Cimetières, sites cinéraires et opérations funéraires, 9e édition, Berger-Levrault, 2018, n° 986, p. 506
(2) G. Chaillot, Le Droit des sépultures en France, éd. Pro Roc, 2004, p. 193
(3) D. Dutrieux, Les concessions centenaires dans les cimetières, Résonance n° 78 de mars 2012, p. 70
(4) CE, 11 juillet 1941, Hôpital-hospice Chauny ; CE, 17 février 1974, min. Transports c/ Broch

II - Scellement d’une urne

La question

L’urne contenant les cendres de mon père a été scellée sur le monument funéraire de ses grands-parents. Il s’agit d’une concession familiale. Comme je l’ai lu, le concessionnaire étant décédé, chacun des indivisaires jouit d’une vocation à être inhumé dans la concession sans avoir à demander l’assentiment des autres. Mais le monument, le marbre recouvrant le caveau, ayant été acheté par l’ensemble des petits-enfants, y compris mon père, l’un – ou plusieurs d’entre eux – peut-il s’opposer au scellement de l’urne au prétexte qu’il n’a pas donné son accord alors qu’il a payé une partie du monument ? J’ai trouvé nombre d’articles dans les guides funéraires du ministère de l’Intérieur, mais aucun n’apporte cette précision.

La réponse

Ainsi que nous l’avons présenté dans le précédent numéro de Résonance (n° 165, p. 136), le scellement d’urne, alternative à l’inhumation de celle-ci ou à la dispersion des cendres, est prévu à l’art. L. 2223-18-2 du CGCT. Il n’est soumis à aucun régime juridique propre, de sorte qu’il sera fait application des règles régissant l’inhumation de cercueils de l’art. L. 2223-3 du CGCT, qui dispose : "La sépulture dans un cimetière d’une commune est due :

1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ;
3° Aux personnes non domiciliées dans la commune, mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
4° Aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci."

En l’espèce, il apparaît que l’urne scellée contient les cendres d’une personne ayant droit au titre de la concession. Rappelons à ce titre qu’au décès du concessionnaire et en l’absence de testament, les droits sur la concession sont partagés de façon indivise entre tous ses héritiers.

Il découle de plusieurs réponses ministérielles que, nonobstant le silence des textes, "si l’un des ayants droit au titre de la concession propose d’y effectuer une action conforme à la destination de celle-ci (en l’espèce un scellement d’urne), il n’a pas besoin de recueillir l’accord de ses cohéritiers" (réponses ministérielles : JOAN du 26 mars 1977, n° 35074 ; JOAN du 30 novembre 2004, n° 33500 ; JO Sénat 25 décembre 2008 n° 2447).

En conséquence, ni les autres ayants droit, ni le maire ne pourraient s’opposer au scellement de l’urne contenant les cendres d’un des ayants droit au titre de la concession. Cette règle découle de dispositions de police administrative, relevant du droit funéraire, branche du droit administratif des collectivités territoriales. Ainsi, il importera peu de la part de participation de chaque ayant droit au paiement de l’achat du monument ornant la sépulture. Un éventuel conflit familial relèverait du juge civil, et serait sans effet sur l’application des règles prévues par le CGCT en matière funéraire, et ne pourrait faire obstacle au scellement d’une urne.
 
Xavier Anonin
Docteur en droit

Résonance numéro spécial n°11 - Décembre 2020

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