Dès lors qu'une personne a la qualité d'ayant cause d'une concession funéraire dite de famille, fondée par un de ses ascendants, elle est tenue de participer aux travaux de rénovation du monument présent sur cette concession, si ce monument est dans un état de délabrement. Seul l'abandon de ses droits, au profit d'un autre ayant cause, pourrait lui permettre d'échapper à cette obligation.
Question posée :
Les grands-parents de Mme X ont, de leur vivant, fait construire un caveau familial. Ils sont décédés, mais ont été inhumés dans un autre caveau, alors que le père de Mme X a été quant à lui inhumé à l'intérieur du caveau familial. Pour ce qui la concerne, elle souhaite être inhumée dans un autre caveau. Mme X a un frère. Il ne semble pas que d'autres personnes que ce frère souhaite être inhumées dans ce caveau familial.
Aujourd'hui, il s'avère nécessaire de le rénover. Mme X demande à son notaire à qui incombe le coût de la rénovation. Le frère de Mme X doit-il supporter seul les frais de rénovation du caveau familial ?
Quelles sont les obligations d'un ayant cause d'une concession funéraire au regard des frais de rénovation de cette sépulture, alors que cet ayant cause, contrairement à son frère, "n'utilisera pas" la concession funéraire fondée par leurs grands-parents ?
Réponse apportée :
Acquisition ou entretien
Si l'acquisition d'un monument funéraire implique l'accord préalable de tous les héritiers du défunt (à défaut d'accord le remboursement de la quote-part ne pourra être obtenu, voir D. Dutrieux, "Paiement des frais d'obsèques et remboursement du monument payé par un seul des deux enfants", note sous CA Rouen, 2 juil. 2008, Droit de la famille 2009, comm. 30), il n'en est pas de même de l'entretien de la sépulture qui concerne tous les titulaires de la concession funéraire (qualifiés d'ayants cause du concessionnaire dans l’art. L. 2223-15 du Code Général des Collectivités Territoriales –CGCT-), ces derniers ne pouvant échapper à cette obligation.
Prior tempore potior jure !
Il convient de garder à l'esprit que les règles applicables en matière d'inhumation dans une concession de famille ont pour conséquence de donner aux prémourants une "priorité" pour l'attribution des places dans la sépulture. En effet, le nombre de places étant limité (par l'acte de concession ou par le nombre de cases que comporte le caveau construit ou en raison de l'impossibilité de pratiquer une réduction de corps), les cotitulaires de la sépulture ayant des droits égaux, s'appliquera, pour l'attribution des places, la règle "prior tempore potior jure" ("Premier chronologiquement, plus fort juridiquement" ; voir M. Grimaldi [dir.], Dalloz Action "Droit patrimonial de la famille" 2000-2001, n° 1579 p. 411). Il est ainsi tout à fait envisageable en pratique que l'un des ayants cause de la concession familiale, s'il venait à perdre son conjoint et plusieurs de ses enfants, bénéficie à titre exclusif de l'ensemble des places encore disponibles dans la sépulture (sans que les autres cotitulaires puissent juridiquement s'y opposer). Toutefois, même si toutes les places sont "occupées", les travaux exécutés sur la sépulture doivent recevoir l'accord de tous les coïndivisaires.
Accord de l’ensemble des membres de l’indivision
Il a été reconnu que, dans l'hypothèse où l'un des membres de l'indivision, sans s'opposer expressément aux travaux, avait indiqué aux autres qu'il refuserait de participer aux frais générés par la remise en état de la sépulture, dès lors que la sépulture n'était pas en état de délabrement, il n'était pas possible d'imposer à ce coïndivisaire le remboursement de sa quote-part (Cass. 1re civ., 22 déc. 1969, Bull. civ. 1969, I, n° 403 p. 322). Il conviendra de vérifier en l'espèce si les frais de rénovation sont indispensables. Dans le cas d'une réponse positive, Mme X devra participer à ces frais de rénovation.
Renonciation au profit d’un indivisaire
Néanmoins, dès lors que les ayants cause semblent, dans le cas présent, d'accord pour que seul l'un d'entre eux jouisse des droits sur la sépulture familiale, il est possible de rappeler qu'il a été admis que l'un des membres de l'indivision pouvait renoncer à ses droits au profit des autres. En effet, la Cour de cassation est venue préciser que : "si le droit à la sépulture est hors du commerce, aucune disposition légale n'interdit au bénéficiaire de ce droit d'y renoncer au profit des autres membres de la famille" (Cass. 1re civ., 17 mai 1993, Bull. civ. 1993, I, n° 183 p. 125 ; JCP N 1993, II, p. 363. - V. notamment D. Dutrieux, "Une sépulture dans l'indivision : Conseils par des notaires", n° 302, févr. 2002, p. 28). Il convient toutefois de préciser que cette renonciation interdira aux héritiers du renonçant de devenir ayant cause du concessionnaire mais ne le privera pas du droit à l'inhumation dans la concession (voir notamment M. Perrier-Cussac, "Les droits du titulaire d'une concession funéraire", JCP N 1990, I, p. 343).
L'abandon de ses droits au profit de son frère viendra donc théoriquement interdire à ce dernier de réclamer la participation de sa sœur aux frais de rénovation.
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON
Nord-Est,maître de
conférences associé
à l'université de Lille 2
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