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Cette année, les candidats aux épreuves théoriques du diplôme national de thanatopraxie ont eu à plancher sur ce sujet dans la partie rédactionnelle : "Quelles sont les qualités requises pour être thanatopracteur ?".

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Claire Sarazin, thanatopracteur
et formatrice en thanatopraxie.

 

 

Voilà qui change un peu des questions habituelles (et néanmoins intéressantes) sur les différentes phases du deuil. Cela m’a donné envie de m’y coller à mon tour, même si mon examen théorique est (Dieu merci) bien loin derrière moi. Avant de rentrer dans le vif du sujet, demandons-nous d’abord quel est le rôle exact du thanatopracteur.

Dans un précédent article, j’ai donné mon point de vue sur ce qu’est en réalité la thanatopraxie, à savoir "l’art de l’embaumement". La conservation des corps rentre donc dans nos attributions, mais ce n’est ni le but ni la finalité des soins que nous pratiquons sur les défunts.

À l’exception des personnes ayant prévu des soins de conservation dans leur propre contrat obsèques, nous ne travaillons pas pour les défunts, mais pour leurs proches. Il s’agit pour nous de leur permettre de veiller l’être aimé dans de bonnes conditions d’hygiène et de sécurité, et surtout d’effacer de son visage les stigmates de la maladie et de la mort afin qu’il retrouve une apparence apaisée et apaisante. La présentation est donc tout aussi importante que la conservation.

S’il est vrai que nous œuvrons le plus souvent "en coulisse", nous sommes parfois amenés à croiser les familles et à leur parler, et même à rentrer dans leur intimité lorsque nous intervenons à domicile. Les qualités d’un thanatopracteur ne sauraient donc être exclusivement techniques, mais elles sont également humaines.

Je vais donc à présent tâcher de dresser la liste des qualités qui, selon moi, sont requises pour être thanatopracteur, sans établir de classement entre elles (étant toutes d’égale importance).

L’amour du métier :

S’il a été vrai à une époque, que j’ai eu la chance de connaître, que les thanatopracteurs ont très correctement gagné leur vie, leurs salaires sont bien plus modestes aujourd’hui. L’appât du gain ne peut plus constituer une motivation suffisante pour exercer un métier aussi dur. L’heure de la reconnaissance n’a pas encore sonné, et la seule et unique satisfaction que nous pouvons tirer de notre travail, c’est la fierté de l’avoir bien fait. Nous, thanatopracteurs, avons la chance et le privilège d’avoir un travail qui est aussi un métier, et le plus souvent une vocation, voire un sacerdoce pour les plus passionnés.

La conscience professionnelle 

Nous ne devons jamais perdre de vue la confiance dont une famille nous honore en nous confiant le corps d’un être cher. Nous devons nous en montrer dignes et avoir conscience de l’impact que la qualité de notre travail peut avoir sur leur vie. Il s’agit d’une très grande responsabilité, et nous avons le devoir de l’assumer, c’est notre mission.

L’humilité 

Prendre son travail au sérieux ne signifie pas se prendre au sérieux. La thanatopraxie est un art et une science, la technique s’acquiert au fil des années, et il est impossible d’évoluer si l’on est déjà persuadé de tout savoir. Il ne faut jamais oublier que le diplôme n’est qu’un ticket d’entrée, on continue à apprendre tout au long de sa carrière, et c’est sans doute ce qu’il y a de plus beau dans cette profession. L’humilité, l’ouverture d’esprit et la curiosité sont trois qualités nécessaires à un thanatopracteur.

Par ailleurs, s’autoproclamer "meilleur thanatopracteur" est vain, la reconnaissance, s’il doit y en avoir une un jour, viendra de nos pairs, et de personne d’autre.

La discrétion 

Un thanatopracteur se doit d’être discret, tout au moins dans l’exercice de son métier. Dans sa vie privée, il est libre de laisser libre cours à sa personnalité en parlant et en s’habillant comme il le souhaite. Rien ne lui interdit alors d’exhiber ses tatouages et piercings, de porter des coiffures et des tenues décontractées ou excentriques, des joggings ou des chemises à jabot, etc., mais, lorsqu’il travaille, le thanatopracteur se doit de se confondre avec la tapisserie (ou plutôt le carrelage) et d’être aussi discret qu’une petite souris.

La discrétion consiste également à ne pas s’épancher et à respecter le secret professionnel. Il est normal de ressentir le besoin d’échanger entre collègues, mais l’anonymat des défunts doit être préservé.

La patience 

Une partie non négligeable de notre travail consiste à attendre. Nous attendons les appels, nous attendons les transporteurs, nous attendons que les familles nous apportent les vêtements… la patience est donc une qualité indispensable au thanatopracteur.

Le sang-froid 

Sans jeu de mots de mauvais goût, il s’agit là d’une des qualités les plus importantes pour un thanatopracteur. Nous devons être capables de contrôler toutes nos émotions, nous pouvons éprouver de l’effroi, du dégoût ou de la colère, mais en aucun cas le faire apparaître.

Nous pouvons également être amenés à passer à un défunt un costume de magicien ou une tenue de danseuse brésilienne (j’ai vécu ces deux situations, et tant d’autres…), de le coiffer d’une casquette retournée ou d’un chapeau haut de forme, de placer entre ses mains des objets insolites comme un pendule, une baguette de sourcier ou une canne à pommeau… Notre rôle est d’exécuter les souhaits des familles, sans porter aucun jugement.

L’honnêteté 

Le thanatopracteur se voit confier les effets personnels du défunt, lui retire ou lui met ses bijoux, et peut aussi rester seul avec lui dans sa chambre lorsqu’il intervient à domicile. Une quelconque propension au chapardage pourrait avoir de graves conséquences, y compris judiciaires.

La réactivité 

Nous passons une grande partie de nos journées sur la route, nous devons trouver notre chemin, être capables de choisir le meilleur itinéraire pour éviter les embouteillages, savoir exécuter les créneaux les plus improbables et, de manière générale, savoir réagir et trouver une solution à tout problème, susceptible de survenir à tout moment. Le thanatopracteur doit être un as de la débrouillardise et du système D.

L’empathie

Si nous ne devons en aucun cas nous impliquer émotionnellement dans l’histoire des défunts dont nous nous occupons, il nous faut faire preuve de compréhension et d’humanité envers leurs proches. Il ne faut jamais oublier que le principal intérêt de la thanatopraxie est d’adoucir la peine des familles. En nous montrant indifférents, hautains ou désagréables, nous annulerions une bonne partie des effets bénéfiques de notre intervention.

Une bonne condition physique 

Outre ses valises qu’il transporte à chaque intervention, parfois sur plusieurs centaines de mètres ou dans les escaliers, le thanatopracteur doit déshabiller, habiller et installer les défunts. Tout cela nécessite une santé de fer, doublée de courage et d’endurance, car il peut facilement travailler quinze heures d’affilée en période de forte activité.

La dextérité

Tout comme la chirurgie (et ce sera là le seul parallèle que je ferai avec la médecine), la thanatopraxie nécessite à la fois des connaissances approfondies de l’anatomie humaine et une grande habileté manuelle. Les deux sont absolument indispensables à l’exercice de cette profession, tout comme de solides bases de chimie, car l’embaumement est une science, ne l’oublions pas.

L’esprit de corps 

Il n’est pas forcément courant de placer la solidarité dans les qualités professionnelles, mais de mon point de vue, c’est un tort. Ça l’est pour toute profession, mais pour la nôtre en particulier. La thanatopraxie est une profession méconnue, nous, thanatopracteurs, sommes peu nombreux et avons bien des combats à mener pour faire reconnaître notre beau métier. Cela n’arrivera que si nous faisons bloc. C’est sur cette réflexion que je conclurai.

Même si la tentation est grande, dans ce secteur si concurrentiel, il faut à tout prix éviter de nous entredéchirer, car, attaquer un thanatopracteur, c’est attaquer la thanatopraxie.

Claire Sarazin
Thanatopracteur et formatrice en thanatopraxie

Résonance n°127 - Février 2017

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