Pour les élèves reçus au concours, se pose à présent la question du stage pratique. Certains ont eu la possibilité d’anticiper, soit en commençant leurs recherches pendant leur formation pratique, soit en payant leur stage, ce qui présente une sécurité, mais ce n’est malheureusement pas à la portée de toutes les bourses.
Depuis quelques années, il devient en effet de plus en plus compliqué de trouver un thanatopracteur qui accepte de former. C’est une épreuve de plus dans le dur parcours qui mène au diplôme national. Du point de vue des stagiaires, cela peut paraître un peu rude de voir les portes se fermer après avoir travaillé d’arrache-pied pour obtenir le précieux sésame.
Pourtant, nous manquons de professionnels sur le terrain, il suffit pour s’en convaincre de parcourir les nombreuses offres d’emploi, mais les entreprises préfèrent embaucher des thanatopracteurs déjà diplômés. Pour en comprendre les raisons, il faut cette fois se placer du point de vue des thanatopracteurs en exercice.
Enseigner la pratique demande du temps et de la patience, et c’est également un investissement personnel, on donne de soi-même et on finit aussi par tisser des liens avec le stagiaire. Or, force est de constater que ces efforts sont rarement récompensés. Le principal risque encouru par l’entreprise d’accueil, déjà lourd de conséquences, était jusqu’alors de former sa propre concurrence. Ce type de déconvenue est extrêmement courant, et explique que certains demandent un dédommagement financier. Cependant, ce n’est plus la seule raison.
Avant la réforme de 2010, les élèves démarraient leur stage en entreprise sans attendre d’avoir passé leur examen théorique. Aujourd’hui, avec le numerus clausus, cela reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs, mais donner davantage d’importance à la théorie qu’à la pratique pose un certain nombre de problèmes.
Tout d’abord, assimiler un programme aussi lourd sur un laps de temps aussi court est d’autant plus difficile que cela ne se rapporte à rien de concret. Ce système privilégie une certaine forme de mémorisation, qui en soi ne laisse rien présager des réelles aptitudes de l’élève pour la thanatopraxie, qui est, rappelons-le, avant tout une technique. Sans contester aucunement l’intérêt des cours de médecine, car des bases solides sont nécessaires, le côté manuel du métier n’est pas assez valorisé pendant la formation.
Parmi les reçus au concours, combien seront réellement capables de pratiquer ?
Faire des soins demande des compétences bien plus étendues, comme l’habileté, la réactivité, l’endurance morale et physique, le sang-froid, et tant d’autres… Comme le disait récemment un confrère exaspéré : "Nous avons besoin de praticiens, pas de singes savants." Avant la mise en place du numerus clausus et la séparation stricte entre la théorie et la pratique, le maître de stage avait la possibilité d’évaluer les capacités de l’élève, et ce dernier de se confronter avec la réalité du terrain.
Aujourd’hui, accepter de former un stagiaire est devenu un pari risqué, au point que beaucoup y renoncent. Ajoutons à cela le grand nombre de jeunes diplômés qui abandonnent au bout d’un an ou deux, parce qu’ils n’avaient pas mesuré la dureté du métier, il est alors facile de comprendre pourquoi les entreprises recherchent en priorité des thanatopracteurs un peu aguerris.
Enfin, le report des résultats de la pratique 2018, qui a semblé interminable tant aux candidats qu’aux employeurs qui les attendaient, a instauré un climat d’insécurité palpable. Au stress des épreuves théoriques et pratiques s’ajoute à présent l’angoisse d’un éventuel recours, susceptible de tout remettre en question. Il est donc bien compliqué pour un futur employeur de s’engager sereinement avec un stagiaire.
Outre une nouvelle réforme du diplôme qui ramènerait la théorie à sa juste place, une solution, d’ores et déjà explorée par l’IFT, serait d’intégrer des cours pratiques en situation à la formation théorique. Un retour aux sources qui pourrait avoir des effets bénéfiques.
En attendant, souhaitons à tous les reçus de trouver rapidement un stage pratique pour préparer l’ultime épreuve. L’envie est grande de leur dire que le plus dur est derrière eux, même si nous savons qu’il n’en est rien.
Claire Sarazin
Thanatopracteur
Formatrice en thanatopraxie
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