C’est bientôt l’heure de vérité pour les candidats 2018 au diplôme national de thanatopracteur. Pour les élus méritants, c’est l’heure de plonger dans le grand bain.
La période est favorable, nous manquons de bras et les propositions d’emploi foisonnent. S’il est vrai que le statut d’employé est de loin le plus confortable, certains jeunes diplômés souhaiteront probablement voler de leurs propres ailes, et ce sera sans doute plus compliqué, en particulier pour celles et ceux qui feront réellement cavalier seul.
Le moment du stage donne certes un aperçu du terrain, mais sans les responsabilités. Une fois en poste, on est en première ligne, et l’on n’a plus droit à l’erreur, c’est pourquoi la décision de devenir thanatopracteur indépendant ne doit pas être prise à la légère.
Il y a plusieurs cas de figure :
- Le débutant s’installe sur un secteur voisin de celui de son maître de stage, dans le dessein d’entamer avec lui une collaboration. C’est le compromis idéal pour être indépendant tout en ayant un filet de sécurité, avec la possibilité de se dépanner mutuellement, de se remplacer et de s’entraider. Pour les clients, c’est également l’assurance que les soins seront bien assurés quoi qu’il arrive.
- Le débutant part s’installer sur un secteur éloigné, peut-être sa région d’origine, ce qui est plus rassurant, ou il part à l’aventure dans un endroit nouveau pour lui. Il convient à ce moment-là de bien étudier au préalable le marché potentiel en tenant compte des autres thanatopracteurs déjà en place. Nous sommes très inégalement répartis. Il y a un réel besoin, mais pas partout. Si un secteur est saturé, il sera difficile de faire sa place, et pour un parfait inconnu, qui est encore loin d’avoir fait ses preuves, le seul argument risque d’être un tarif plus bas que ses concurrents.
- Le débutant décide de s’installer sur les lieux de son stage pratique. À moins qu’il ne s’agisse d’un désert thanatopraxique, il risque alors de faire directement concurrence à son maître de stage. Si la concurrence, par l’émulation qu’elle crée, est très saine, il y a tout de même quelques règles à respecter. Un employé qui exerce depuis plusieurs années et qui a acquis une certaine réputation peut éventuellement quitter la société qui l’emploie en emportant avec lui une partie de la clientèle. En revanche, un jeune diplômé sans aucune expérience a très peu de chances de s’imposer, et il peinera de surcroît à gagner la confiance des clients potentiels qui pourront éventuellement avoir un a priori négatif à son propos.
Il n’est pas question de chercher à décourager les futurs entrepreneurs, la thanatopraxie indépendante a besoin de se renouveler aussi et elle a besoin de volontaires pour offrir le plus grand choix à la clientèle.
Le thanatopracteur exerce un dur métier, qui demande tant de sacrifices et d’abnégation qu’il en devient presque un sacerdoce. Le trait est volontairement forcé, bien sûr, mais il y a tout de même un fond de vérité là-dedans. Si la profession a bien évolué depuis ses débuts et qu’elle compte à présent plus de femmes que d’hommes, les horaires, la pénibilité et les conditions de travail restent toujours les mêmes.
Pourtant, le nombre de candidats ne diminue pas d’année en année et la thanatopraxie continue d’exercer une étrange et inexplicable attraction. Le temps est loin où ce milieu était très fermé et où l’on y arrivait presque par hasard, arrivant des ambulances, des pompes funèbres ou, comme moi, du cimetière, presque par hasard. Depuis les années 2000, c’est la vocation qui pousse les aspirants à entreprendre ce dur et épineux parcours, parcours du combattant, diront certains.
Le concours, véritable barrage filtrant, en vigueur depuis 2010, n’a en rien tari la source des élèves, qui se pressent toujours plus nombreux aux portes des écoles. Cependant, la réalité de ce qui attend les jeunes diplômés est bien plus dure encore. Après avoir travaillé d’arrache-pied pour réussir à intégrer une énorme masse d’informations, il faudra travailler encore plus, mais cette fois sur le terrain.
Claire Sarazin
Thanatopracteur
Formatrice en thanatopraxie
Résonance n°148 - Mars 2019
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