Otzi, la malédiction de la momie des glaces

Alors qu’ils s’écartent de la route des glaciers de l’Ötztal, non loin de la frontière italienne, ils aperçoivent une tache noire à flanc de montagne. Croyant d’abord à un amas de détritus, ils remarquent en s’approchant qu’il s’agit en réalité d’une forme humaine, dont la partie supérieure émerge de la glace. Pensant qu’il s’agit du corps d’un alpiniste victime d’un accident, ils le photographient, avant de se diriger vers un refuge d’où ils contactent les autorités.

Devant l’état de conservation exceptionnel du cadavre, la police ouvre aussitôt une enquête pour "recherche des causes de la mort". Certains éléments interpellent cependant les experts, comme les restes de vêtements en peau, la pointe de flèche fichée dans son épaule gauche, ou encore ses chaussures rembourrées de foin.

Le carbone 14 finit par parler et celui qui a été baptisé Otzi est en fait mort il y a 5 300 ans. C’est le recul du glacier du Val Senales, dont il était prisonnier, provoqué par le réchauffement climatique, qui a rendu possible cette incroyable découverte.

Dès lors, la momie des glaces ne cesse d’apporter des renseignements sur le mode de vie des homo sapiens du Néolithique. On sait par exemple qu’il n’est pas mort au combat, comme cela a d’abord été avancé, mais qu’il a été tué d’une flèche dans le dos. Les circonstances de sa mort font l’objet de nombreuses spéculations, et des policiers ont joint leurs efforts à ceux des scientifiques pour tenter de résoudre ce célèbre "cold case". Grâce à l’analyse des fibres dans son estomac, son dernier repas a pu être reconstitué. Il s’agissait de viande séchée de bouquetin.

Otzi avait 46 ans, mesurait 1,60 m, pesait 50 kg et chaussait du 38. Ses cheveux étaient noirs et ses yeux marron. Ses aïeux peuplaient la Corse et la Sardaigne. L’engouement pour l’homme de Similaun dépasse largement la communauté scientifique. En raison des traces de tatouage découvertes sur ses chevilles, d’aucuns l’imaginent chaman, lorsque d’autres pensent qu’il avait eu recours à l’acupuncture. Otzi est encore loin d’avoir livré tous ses secrets ; et le plus fascinant d’entre eux pourrait être la série de morts, liées de près ou de loin à la momie, qui ont suivi sa découverte.

L’histoire d’Helmut Simon est la plus connue. Ce bibliothécaire à la retraite, originaire de Nuremberg, voit dans sa rencontre avec Otzi un signe du destin. C’est en effet grâce à une tempête, qui le force à dévier du chemin sur lequel il marche avec son épouse, qu’il aperçoit la momie. Alors athée, il se fait baptiser : "Dieu m’a aidé à trouver Otzi et Otzi m’a aidé à trouver Dieu."

En 2004, âgé de 67 ans, il disparaît en montagne tout comme la momie pour laquelle il s’était pris de passion. On sait moins que Dieter Warneke, responsable des secours envoyés à sa recherche, succombe à une crise cardiaque le jour même de l’enterrement de Simon. Le randonneur allemand est en réalité le quatrième à être frappé par cette étrange malédiction. En effet, en 1992, le docteur Rainer Henn, le médecin légiste chargé d’examiner Otzi, trouve la mort dans un accident de voiture ; alors qu’il part donner une conférence sur l’Homme des glaces.

C’est ensuite au tour de Kurt Fritz, le guide de haute montagne ayant conduit Henn et son équipe jusqu’à la momie, de mourir enseveli sous une avalanche. Quelque temps plus tard, Rainer Hoelzl, un journaliste autrichien qui réalise un documentaire sur Otzi, décède d’une maladie aussi mystérieuse que foudroyante.

En 2005, c’est l’archéologue Konrad Spindler, qui aime plaisanter en se présentant comme la prochaine victime d’Otzi, qui succombe à une maladie chronique, suivi par le professeur d’Innsbruck Friedrich Tiefenbrunner, membre de son équipe, qui meurt durant une opération à cœur ouvert. Enfin, le docteur Tom Loy, qui analyse l’ADN de la momie et se lance dans l’écriture d’un livre à son sujet, est découvert sans vie à son domicile en Australie. Il est à ce jour le dernier de cette impressionnante liste.

Pour ceux que ces histoires de malédiction laissent de glace, il est possible de rendre visite à Otzi au musée archéologique de Bolzano, au nord de l’Italie. On peut l’apercevoir à travers une petite fenêtre donnant sur la pièce où son corps est conservé à température.