Le décret n° 2021-1849, du 28 décembre 2021, JORF n° 0302 du 29 décembre 2021 est venu modifier les valeurs maximales d’exposition au formaldéhyde, les professionnels funéraires doivent être en conformité depuis le 11 juillet 2024. Cela étant, sur le terrain, beaucoup restent dans le flou quant aux mesures à prendre et, surtout, quant aux solutions qui s’offrent à eux, tant d’un point de vue équipement et aménagement d’infrastructures, que d’un point de vue financement. Didier Belluard, ingénieur d’État – Génie Chimique ENSCL et directeur général délégué de la société Isofroid, fait "l’état des lieux"… Explications !
Résonance : Un décret est entré en application le 11 juillet dernier précisant la nouvelle réglementation concernant les risques liés à l’exposition des thanatopracteurs au formaldéhyde, qu’est-ce qui change ?
Didier Belluard : Le nouveau décret sur le contrôle de l’exposition au formaldéhyde précise les valeurs d’exposition professionnelle au formaldéhyde :
Jusqu’en décembre 2021, deux Valeurs Limites d’Exposition Professionnelle (VLEP) indicatives françaises servaient de référence pour la prévention :
• Une VLEP indicative sur 8 heures de 0,5 ppm ou 0,62 mg/m3 ;
• Une VLEP indicative sur 15 minutes de 1 ppm ou 1,23 mg/m3.
Le décret n° 2021-1849 a modifié l’art. R. 4412-149 du Code du travail, en y fixant deux VLEP réglementaires contraignantes pour le formaldéhyde, en application de la directive (UE) 2019/983 :
• 0,3 ppm, soit 0,37 mg/m3 pour la VLEP 8 h,
• 0,6 ppm, soit 0,74 mg/m3 pour la VLEP 15 min.
Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 11 juillet 2024, et concernent les secteurs des soins de la santé, des pompes funèbres et de la thanatopraxie.
R : Quelles sont les mesures prioritaires à mettre en place par le responsable d’établissement au regard de ce décret afin de protéger son personnel ?
DB : Les mesures de prévention à mettre en place sont décrites par l’INRS sur son site(1).
La démarche de prévention des risques chimiques Cancérogènes, Mutagènes ou toxiques pour la Reproduction (CMR) doit être mise en œuvre pour éviter l’exposition des salariés au formaldéhyde. La priorité doit être donnée à la suppression ou à la substitution du procédé ou du produit dangereux. En cas d’impossibilité, le travail en système clos doit être privilégié. À défaut, les procédés émettant du formaldéhyde doivent bénéficier d’un dispositif de captage à la source efficace. En clair, on doit privilégier l’utilisation en système clos avec le captage à la source des émissions.
En effet, en cas d’impossibilité technique de suppression du risque ou de substitution de produit ou de procédé, des moyens de protection collective doivent être mis en œuvre pour réduire le risque au niveau le plus bas possible. Une installation de ventilation adaptée doit permettre le captage localisé du gaz et des aérosols émis. Ces mesures doivent être planifiées et mises en œuvre en cohérence avec des mesures d’ordre organisationnel.
En complément des mesures de protection collective, les Équipements de Protection Individuelle (EPI) cutanée doivent être portés par les opérateurs si un risque de projection ou de contact a été mis en évidence. Les EPI sont définis en fonction des risques d’exposition identifiés.
Pour la protection des mains, les gants épais en caoutchouc nitrile, en polymère fluoré ou en matériaux multicouches offrent une bonne résistance au formaldéhyde.
Le port de gants fins à usage unique en caoutchouc nitrile peut être toléré pour les opérations demandant de la dextérité, à condition de les changer très régulièrement et dès qu’ils sont souillés.
Pour la protection du corps, le choix se porte sur des vêtements de type 3 – ou 3PB – s’il existe un risque de contact direct avec des solutions contenant du formaldéhyde, ou sur des vêtements de type 4 s’il existe un risque d’exposition à des aérosols contenant du formaldéhyde. Dans tous les cas, il est essentiel de vérifier que la notice d’utilisation de ces vêtements confirme leur résistance à cette substance.
Pour la protection des pieds, les chaussures de protection étanches ou les surchaussures de type 3PB à semelle antidérapante, dont la notice d’utilisation confirme la résistance aux solutions de formaldéhyde, sont appropriés.
Pour la protection des yeux et du visage, le choix peut se porter sur un écran facial ou des lunettes-masques de protection associées à un masque chirurgical antiprojection, suivant les résultats de l’évaluation des risques.
La prévention des risques associés au formaldéhyde débute par une évaluation des risques. Celle-ci doit notamment s’intéresser :
• Aux volumes et concentrations des solutions de formaldéhyde présentes dans les différents locaux de l’entreprise ;
• Aux sources d’émission de formaldéhyde (résines en cours de polymérisation, tissus organiques traités, déchets d’activité, etc.) ;
• Aux conditions d’utilisation et de stockage des solutions de formaldéhyde et des sources d’émission de formaldéhyde ;
• Aux conditions et à la fréquence d’exposition.
R : Comment peut-on contrôler l’efficacité des mesures de prévention ?
DB : Le formaldéhyde étant gazeux à température ambiante, la mesure de l’exposition atmosphérique constitue un moyen adapté de contrôle de l’efficacité des mesures de prévention mises en œuvre. L’élaboration d’une stratégie de prélèvement basée sur l’observation des postes de travail et la sélection des méthodes de prélèvement et d’analyse appropriées concourent à l’obtention de résultats représentatifs de l’exposition.
Des mesures ont été réalisées entre 1987 et 2022 sur les expositions au formaldéhyde dans les métiers du funéraire, cf. rapport INRS sur son site(2). Il en ressort que, sur 72 analyses au total :
• 21 % du personnel sont exposés au formol plus de 6 heures par jour,
• 72 % de 2 à 6 heures/jour,
• 7 % de 30 à 120 min/jour.
Pour les 6 résultats en thanatopraxie stricto sensu :
• 5 étaient exposées au formol de 2 à 6 heures/jour,
• 1 à plus de 6 heures par jour.
Le centile 95 des résultats indique que 5 % des valeurs trouvées sont supérieures à 0,65 mg/m3, ce qui est bien au-dessus de la VLEP 8 heures de 0,37 mg/m3. La moyenne arithmétique quelle que soit la durée de prélèvement est de 0,31 mg/m3, soit juste en dessous de la VLEP 8 heures, le maxi étant de 0,65 et le mini inférieur à 0,01.
R : Inévitablement, les responsables d’établissements de pompes funèbres exploitant une chambre funéraire souhaiteront réaliser leur propre évaluation. Comment peuvent-ils faire ?
DB : Pour cela, ils peuvent se rapprocher de leur Caisse Régionale d’Assurance Maladie (CRAM), et aussi de leur Inspection du travail, qui leur donneront tous les renseignements nécessaires concernant les méthodes de prélèvement et d’analyse appropriées concourant à l’obtention de résultats représentatifs de l’exposition. Ils peuvent aussi faire une première évaluation en utilisant la méthode des Dositubes, commercialisés par Isofroid.
L’utilisation de cette méthode (Dositube) n’exempte pas l’employeur de faire contrôler le respect des VLEP pour les agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, présents dans l’atmosphère des lieux de travail. Dans le cadre d’une VLEP contraignante comme celle du formaldéhyde, le contrôle est annuel et réalisé par un organisme extérieur accrédité.
Cette méthode de dosage permet uniquement de mettre en évidence une contamination et, le cas échéant, d’indiquer s’il s’agit d’une contamination forte ou faible.
À titre d’information, elle peut être mise en œuvre par des thanatopracteurs pour les sensibiliser à leur exposition liée à l’inhalation de vapeurs de formaldéhyde après avoir été formés à l’utilisation des tubes et aux interférences possibles mentionnées dans la notice d’utilisation du Dositube Isofroid.
Le Dositube permet de déterminer le niveau d’exposition au formaldéhyde des thanatopracteurs sur une journée de travail. Cette mesure permet de vérifier que les normes d’exposition au formaldéhyde fixées par la réglementation sont bien respectées. Elle permet de vérifier que les bonnes pratiques sont bien appliquées, et peut être communiquée, pour information, à la médecine du travail lors des visites des salariés.
Afin de disposer du suivi de leur exposition, les thanatopracteurs utilisant ce dispositif devront enregistrer certaines données, dont les suivantes :
- les horaires : début et fin du port du tube dosimétrique – réf. Dositube Isofroid,
- les horaires : début et fin des soins de conservation réalisés,
- l’identification et le volume des fluides utilisés (artériel et cavité),
- la présence ou non d’une ventilation générale et celle d’un captage au plus près de la source d’émission de polluants,
- tous les événements pouvant engendrer une exposition inhabituelle aux fluides artériel et cavité,
- la durée des déplacements entre deux lieux d’intervention.
R : Il y a des idées reçues sur le fait qu’avec certains fluides au formaldéhyde, les thanatopracteurs les utilisant seraient moins exposés ? Que pouvez-vous leur répondre ?
DB : Afin d’être tout à fait objectif, à ce sujet, j’ai demandé l’avis du Laboratoire de toxicologie de la CRAMIF (Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île-de-France).
Ses conclusions sont sans appel :
"Le caractère cancérogène des travaux exposant au formaldéhyde impose à l’employeur de tout mettre en œuvre pour réduire l’exposition des salariés au niveau le plus bas techniquement possible lors des soins de conservation et lors des déplacements avec le véhicule.
Les mesures présentées dans un des rapports de l’APAVE, sur ce sujet, démontrent que la présence d’une ventilation générale et mécanique du local ne suffit pas à elle seule pour prévenir l’exposition du thanatopracteur lors de la mise en œuvre normale des fluides au formaldéhyde, et de fait lors d’un incident (fuite). Le même rapport met en évidence une exposition passive aux vapeurs de formaldéhyde dans le véhicule en l’absence de manipulation (dilution, injection) de fluides.
Dans l’attente de la mise sur le marché de nouveaux produits exempts de substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, le Laboratoire de toxicologie industrielle préconise l’utilisation d’un dispositif de captage au plus près de la source d’émission de polluants lors de la réalisation d’un soin de conservation, quel que soit le fluide à base de formaldéhyde utilisé.
La ventilation générale et mécanique ne peut être utilisée qu’en complément pour diluer la pollution résiduelle qui n’aurait pas été captée par le dispositif de captage à la source. Il conviendra également d’étudier les mesures de prévention à mettre en œuvre lors de l’utilisation du véhicule.
Le Laboratoire de toxicologie industrielle se tient à disposition de l’ingénieur conseil afin de réaliser des mesures d’exposition des thanatopracteurs lors de soins de conservation réalisés dans des locaux équipés de dispositifs de captage à la source ainsi que dans les véhicules."
R : Vous avez parlé d’un captage à la source des émanations et autres vapeurs nocives… comment cela se traduit-il en matière d’équipement dans les laboratoires et autres salles techniques ?
DB : Côté matériel et équipement de laboratoire, Isofroid propose des solutions répondant aussi bien aux contraintes réglementaires qu’aux attentes des praticiens… Notre chariot table Isocart® est un équipement sur mesure, fiable, efficace et performant, tout en restant à un budget raisonnable.
Le chariot table Isocart® permet d’éviter à l’opérateur d’inhaler les odeurs et vapeurs nocives issues du corps, et du procédé de soin de conservation (fluides toxiques à base de formaldéhyde ou fluides irritants sans formaldéhyde).
De conception robuste en inox 304, il supporte des corps jusqu’à 300 kg. Il est facile à manœuvrer et à entretenir, et convient complètement aux gestes pratiqués par le thanatopracteur, tout en limitant son exposition aux vapeurs nocives. Son plan de travail est à hauteur variable, afin de prévenir les risques de TMS.
L’objectif de prévention est de réduire l’exposition au niveau le plus bas possible. Cela permet le captage à la source des vapeurs nocives, en toute sécurité pour le thanatopracteur et en conformité avec la directive (UE) 2019/983.
R : Isofroid propose-t-il d’autres solutions adaptées pour répondre aux nombreux problèmes de TMS ?
DB : En plus du chariot table Isocart®, Isofroid propose sur tous ces chariots élévateurs l’adaptation d’une assistance électrique. Le principe se résume à l’adaptation d’une 5e roue, installée sur la base inférieure du chariot, afin d’apporter une stabilité directionnelle parfaite facilitant la "poussée" de l’utilisateur. Le système est activé via sa poignée de commande. La roue motorisée alors s’abaisse et assiste l’opérateur dans le déplacement. Cette assistance permet de réduire les efforts. Tous les utilisateurs en sont reconnaissants, car, en fin de journée, ils sont beaucoup moins "fatigués". C’est une vraie solution pour limiter les problèmes de TMS.
R : Existe-t-il des aides pour les professionnels funéraires souhaitant acquérir ces nouveaux équipements dédiés aux salles techniques ou à la manutention ?
DB : Oui, des financements existent. Pour les entreprises privées, il y a possibilité de financement à hauteur d’une subvention de 50 % du montant (mini 2 000 € et maxi 25 000 €) avec un dossier CARSAT régionale, éligibilité : entreprise de 1 à 49 salariés.
• Étape 1 : réservation sur devis via un formulaire disponible sur www.ameli.fr,
• Étape 2 : confirmation sur bon de commande,
• Étape 3 : versement de l’aide sur présentation de facture.
Pour les entreprises publiques, il y a aussi possibilité de financement jusqu’à 40 000 € avec un dossier FIPHFP (Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique).
Demande d’aide à remplir sur le site dédié(3).
R : Une dernière précision… ?
DB : Une toute dernière : toute l’équipe d’Isofroid sera heureuse de vous retrouver sur le stand E30, à l’occasion du prochain salon Funexpo Lyon. Nous espérons vous y voir nombreux, et pourrons vous présenter nos différentes innovations dont nous venons de parler. Nous nous réjouissant d’avance pour ces moments privilégiés d’échange avec tous nos clients !
(1) https://www.inrs.fr/risques/chimiques/approche-generale-prevention.html
(2) https://www.inrs.fr/risques/chimiques/approche-generale-prevention.html
(3) https://plateforme-employeurs.caissedesdepots.fr
Résonance n° 209 - Novembre 2024
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