La thanatopraxie compte dans ses rangs un certain nombre d’artistes, peintres, sculpteurs, musiciens, auteurs… Voici les portraits croisés de deux d’entre eux, Alain Rillot le Bayonnais et Sébastien Mousse le Normand.
Sébatien Mousse lors d'un salon à Provins.
Claire Sarazin : Parlez-moi de vos vies avant que vous ne soyez devenus thanatopracteurs.
Alain Rillot : Après un cursus scolaire habituel, maternelle, primaire, collège, je me suis rapidement aperçu que je n'avais pas vocation à effectuer de longues études. À l'issue de mon brevet des collèges j'ai expérimenté le métier de dessinateur en bâtiment. Toutefois, je me suis vite rendu compte que passer des heures devant une planche à dessin ne correspondait pas du tout à mes aspirations.
Sébastien Mousse : Il y a une vie avant d'être thanato ?
CS : Comment vous est venue l'idée de devenir thanato ?
AR : Mon intérêt pour la thanatopraxie est né de façon tout à fait particulière. Mon père, amoureux d'histoire et de vieilles pierres, restaurait une chapelle en Lozère. La découverte d'ossements l’avait poussé à faire appel à une équipe de scientifiques afin de pouvoir déterminer la datation au carbone 14 de ces ossements. Parmi eux il y avait un homme, Paul Clerc, qui se présentait comme "maître embaumeur". Cette dénomination m'a interpellé et j'ai voulu m’entretenir avec lui de sa profession. Je lui ai dit mes "rencontres" à plusieurs reprises avec la mort et au cours de nos discussions j'ai acquis la certitude que ce métier me correspondait pour le respect que j'ai des vivants et des morts. Je pensais que mon niveau BEPC pourrait être un handicap pour obtenir le diplôme mais ma volonté a été si forte que je l'ai décroché.
SM : Je travaillais dans l’entreprise familiale, et surtout trop fainéant et pas assez discipliné pour faire 9 ans de médecine et devenir légiste, ce que j'aurais aimé être, donc... Je suis devenu thanatopracteur.
CS : Dans quelle école avez-vous étudié ?
AR : J’ai été diplômé en 2003 après m’y être préparé au CEPENT, situé à Avignon.
SM : Oui, on commence là. C'est en 1991 que j'ai intégré l'EFSSM de Jean-Pierre Comtet. D'agréables souvenirs pour moi que cette formation. Outre le plaisir d'étudier à Nice à la fin de l'hiver, ce furent aussi de bons moments avec mes deux camarades de session, car nous n'étions que trois, Maxime Joliboi, Philippe Forcher et moi-même. Trois stagiaires, pour l'école ce ne doit pas être l’idéal, mais pour les élèves, quoi de mieux ?
En effet les formateurs sont plus à vos côtés, vous êtes plus accompagnés dirons-nous.
CS : Qui vous a formé ?
AR : Durant toute cette période et dans le même temps, ce fut l'entreprise Codet qui se chargea de ma
SB : Mes stages pratiques se sont déroulés avec Philippe Coquisard, Jean-Pierre Comtet, Renaud Gueuvrit et Gilbert Aubet. Je suis resté plus d’un mois avec Philippe. La chance que j'ai eue, c'est aussi d'avoir pu faire un stage au sein de l'entreprise Comtet, avec Jean-Pierre et Luc Nauroy, son thanatopracteur de l'époque.
Atelier auteurs.
CS : Parlez-moi de votre parcours
AR : Je me suis engagé dans l’armée. Les 18 ans que j'y ai passé m'ont énormément apporté en termes d'expérience humaine et de découvertes géographiques puisque je me suis rendu dans plus de 12 pays et ainsi côtoyé des hommes de différents caractères, races ou
SB : J'ai commencé par un CAP de menuisier. Dans l'entreprise familiale, nous fabriquions nos propres cercueils, croix et encadrements. Puis juste après mon service militaire, j'ai commencé la formation de thanatopracteur, ensuite le niveau IV, les différentes mises à niveau et il y a maintenant trois ou quatre ans, j'ai passé mon niveau VI. J'ai donc été formé d'une part par l'EFSSM et d'une autre par l'IFFPF.
CS : Parlez-moi de votre art (ou vos arts) et de la place qu'il(s) occupe(nt) dans votre vie.
AR : L'armée et la thanatopraxie ne sont pas mes seuls centres d'intérêt. Je suis passionné d'art contemporain. Là aussi c'est au hasard d'une rencontre avec ERRO et SPEEDY GRAPHITO que je me suis lancé dans l'art du collage.
SM : Je peins et je dessine, surtout pour le loisir et quand j'en ai le temps, car une passion plus dévorante est venue m'envahir : la littérature... J'ai déjà publié dans ce magazine des interviews d'auteurs et à force de les côtoyer, j'ai décidé de créer ma série, puis mes séries et collections de livres, souvent reliées à mon métier premier de pompes funèbres. Mon premier héros de polar est "l'Embaumeur", une autre collection est consacrée à la médecine légale et une troisième à un gardien de cimetière. Ne vous inquiétez pas, une autre série ne traite pas de la mort, ou très peu. Le métier d'éditeur, puisque depuis j'ai fondé avec une amie et mon épouse une véritable maison d’édition, me prend plusieurs heures tous les jours. C'est une véritable gymnastique de mener de front les deux professions, mais avec de la volonté et beaucoup d'organisation c'est possible !
CS : Parlez-moi des manifestations auxquelles vous participez (expositions, salons...).
AR : Après plusieurs créations, j'ai proposé mon dossier à "la Puce des Arts". Cette association, qui met en place de nombreux projets artistiques, a adhéré tout de suite à mon travail et m'a permis d'exposer. J'ai créé un blog : http://raoul64.artblog. Mes tableaux sont signés sous le pseudonyme de Raoul, ce dernier étant celui que j'utilisais lorsque j'étais militaire dans les forces spéciales. En souvenir de ces années passées et de la devise du 1er RPIMa "Qui ose gagne", mon blog s'appelle "Raoul se lâche". Je privilégie les partages artistiques et de fait, mes œuvres sont aussi le reflet de rencontres : celles avec Erwin Dazelle, Jean-Claude Claeys, Michel Achard, Marko ou encore Valerie Vernay. Je souhaiterais pouvoir, dans l'avenir, consacrer plus de temps à mes créations artistiques.
SB : Un week-end sur deux, je suis de permanence dans l'entreprise familiale et l'autre, je suis dans un salon littéraire avec mes auteurs. De temps à autre, j'arrive même à exposer mes toiles. Mais mon but premier, ma passion, ce sont les livres, c'est donner vie à Luc Mandoline.
CS : Donnez-moi une pensée, une jolie phrase de
AR : Une phrase pour résumer ma philosophie: Vive la vie, Vive les arts, Vive l'humain.
SB : Une jolie phrase de conclusion, Claire ? Eh bien j'utiliserai celle qui est en tête des newsletters de l'Atelier Mosésu, et que j'aime beaucoup : "Échangez, ouvrez-vous aux autres, restez solidaires, et surtout n'oubliez jamais que la lecture est sans fin, comme l'amour et l'espoir !"
Raoul sa lache...
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