De nouveaux territoires…
En décembre 2015 est sorti un film aussi esthétiquement impressionnant que troublant philosophiquement. Il s’agit de "New Territories", de la cinéaste française Fabianny Deschamps. En lisant le South China Morning Post, elle prend connaissance d’un fait divers terrible autour du commerce des morts (les faits décrits présentement empruntent à la présentation du film par l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion : l’ACid), des gens se sont mis à disparaître par dizaines, dans un rayon de cinquante kilomètres. Des vieux, des femmes, des handicapés. En fait, ils étaient assassinés pour servir de cadavres de substitution à l’incinération, puisque le Parti communiste chinois avait rendu obligatoire la crémation en Chine, avec comme but avoué l’éradication de vieilles traditions religieuses.
Ces organisations mafieuses proposaient de crématiser un défunt acheté par la famille, de le faire passer comme étant le leur aux yeux des autorités avec la complicité des opérateurs funéraires du cru, et de pouvoir ainsi les inhumer (en cachette) comme l’exige la tradition. C’est là que se croisent deux destins, ceux d’une jeune Chinoise fuyant avec son fiancé dans ces nouveaux territoires que les Chinois appellent - l’entre deux mondes - et qui séparent Hong Kong du reste de la Chine, et d’une Française qui vient commercialiser un nouveau procédé funéraire, contraire lui aussi aux rites ancestraux.
Quel beau sujet de réflexion que la contradiction entre la coutume et le droit, illégitime lorsqu’il violente l’un des aspects fondamentaux de notre humanité : le culte des morts. Évidemment, dans nos pays occidentaux, la crémation est un mode de sépulture alternatif, dont le succès grandissant ne se fait pas à l’encontre des aspirations de la population, mais bien parce que la société change et qu’elle accepte ce procédé, qui, il n’y a pas si longtemps, ne rencontrait qu’un succès des plus limités. C’est d’ailleurs le sort des nouveaux procédés, lorsque les pouvoirs publics les agréent effectivement, de ne rencontrer que très progressivement leur public au gré des évolutions sociétales.
Cette problématique peut trouver à s’appliquer également, non pas vis-à-vis de nouveaux procédés, mais d’anciens, dont la logique intrinsèque est poussée dans ses derniers retranchements. N’y a-t-il pas des questions à se poser sur un équipement aussi "classique" que le cimetière ? Comment en améliorer la conception ? Comment résoudre les problèmes de place qui ne manqueront pas de se poser dans les grandes agglomérations ? Faut-il "verticaliser" les cimetières, en empruntant la voie des enfeus, par exemple ? On le pressent, l’augmentation extrêmement significative du nombre des décès qui est attendue, le fameux "papy-krach", suite logique du "papy-boom", nous obligera nécessairement à nous poser des questions quant au devenir des morts…
Maud Batut
Rédactrice en chef
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