“Je ne veux pas être mis dans une boîte“
Une ordonnance de référé de la cour d’appel d’Orléans en date du 29 janvier 2016 (no 16/00296, 18 bis/2016) met en lumière tout particulièrement le travail du juge, confronté à un conflit relatif au choix de la sépulture d’un défunt.
On le sait, c’est au juge judiciaire, et plus spécifiquement au tribunal d’instance, qu’échoit depuis 1887 la délicate mission de déterminer quelles étaient les dernières volontés du défunt relatives au sort de sa dépouille mortelle.
On le sait moins, mais le juge n’intervient que lorsque cette volonté est à la fois contestée et peu évidente à déterminer. Ici, d’ailleurs, il n’existe aucune expression de volonté écrite de la part du défunt. Il convient donc de rechercher quelles sont la ou les personnes les plus qualifiées pour décider des modalités des funérailles.
Or, dans cette ordonnance rendue évidemment parce qu’il y avait litige, le défunt avait affirmé : “Je ne veux pas être mis dans une boîte.“ Le juge estime alors : “Que l’expression ainsi employée peut, peut-être, être entendue comme une expression de l’angoisse du passage inéluctable que constitue une mise en bière, mais ne peut constituer une manifestation du souhait d’être incinéré“ et que : “même si le défunt a “réfléchi tout haut“ à l’hypothèse d’une incinération, il n’existe aucune certitude de ce que sa résolution était réelle de ne pas reposer auprès de sa famille à Vendôme, comme il en avait toujours exprimé le souhait“, puisque de toute façon : “la mise en bière est un acte obligatoire, que le corps soit destiné à être inhumé ou incinéré“.
Ainsi, on le voit bien, le juge se livre à une véritable analyse des témoignages et pièces qu’on lui soumet, bien loin de ne se satisfaire que d’une froide analyse juridique, il cherche réellement à révéler ces volontés dans un litige où bien évidemment les passions sont exacerbées par la douleur, puisque pas moins de six attestations étaient produites à l’appui d’une inhumation dans ce cimetière, tandis que la concubine revendiquait une crémation.
Par-delà ces faits, on comprend bien mieux le travail du “Droit“, qui consiste, à partir de comportements, de faits qui apparaissent parfois anodins, à les confronter à des règles pour faire produire à celles-ci leur plein effet. Si tout majeur ou mineur émancipé en état de tester a le droit de régler ses funérailles, ainsi que l’énonce la loi de 1887, le juge doit placer la volonté du défunt au sommet de ses raisonnements et, ainsi, expliquer ce que peut vouloir signifier une phrase, a priori dépourvue de tout effet juridique…
Maud Batut
Rédactrice en chef
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