Le service public de l’inhumation en terrain ordinaire : relique ou enjeu ?
Dans ce numéro de Résonance, on trouvera une étude synthétique relative au régime juridique du terrain commun. C’est pour nous l’occasion de rappeler que cet élément obligatoire du cimetière communal est bien étrange.
En effet, voici un service public qualifié d’"obligatoire", mais dont paradoxalement quasiment personne ne veut, et qui semble, dans l’imaginaire collectif, comme ne pouvant être que la dernière demeure (et encore, à titre très temporaire !) des plus pauvres et des plus précaires.
Nous avons donc une réalité juridique en totale contradiction avec la réalité sociologique puisque, selon les textes, la concession qui est pourtant un service public facultatif s’impose comme la norme alors qu’elle constitue en droit l’exception. C’est ce que traduisent les conclusions du commissaire du gouvernement Piveteau sous l’arrêt du 5 décembre 1997, commune de Bachy : "La réalité sociologique, vous le savez, est tout autre. En droit, le tombeau n’est qu’un attribut éventuel du cimetière. En pratique c’est le cimetière qui est au service du tombeau. Le cimetière n’est pas le lieu de décomposition biologique par rotation quinquennale que décrit avec quelque cynisme le décret du 23 prairial an XII. C’est d’abord le lieu où le souvenir tente de s’assurer un peu de permanence. C’est en quelque sorte le lieu de la durée qui nous manque."
Dans ce cadre, le terrain commun apparaît, de nos jours, comme méritant, sans doute, une refondation plus en adéquation avec notre temps. Une sépulture gratuite ne rime pas forcément avec une sépulture indigne, et l’on sait que de nombreuses communes, lasses des prescriptions inexistantes de la loi, ont déjà engagé de véritables efforts pour redonner à ce mode d’inhumation sa place parmi les autres modalités de sépulture afin qu’il puisse de nouveau constituer une véritable alternative.
Un espace valorisé, sobre et esthétique ; l’apport d’ornementations funéraires (admises de par la jurisprudence) ; la possibilité de recourir à des caveaux autonomes favorisant une décomposition dans un délai de rotation qui, sans aucun doute, mériterait d’être juridiquement revue, tant un délai de cinq ans peut apparaître comme brutal (et qui n’est que rarement respecté)…
Les pistes qui permettraient de remettre au goût du jour ce terrain commun à la connotation lourdement sociologique semblent ne pas manquer.
Enfin, pour conclure, Mauriac a dit un jour : "C’est la revanche du pauvre que de n’être pas soumis au cercueil de plomb ni aux concessions perpétuelles."
Et si nous le faisions mentir…
Maud Batut
Rédactrice en chef
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