L’inhumation en terrain privé : selon que tu sois riche, puissant ou misérable ?
Parmi les nombreuses dispositions désuètes que recèle le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), l’inhumation en terrain privé se distingue tout particulièrement.
L’article L. 2223-9 du CGCT précise en effet que "toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite". Le sens de cette disposition est malaisé à appréhender. En effet, que signifient les expressions "hors de l’enceinte des villes et des bourgs" et "distance prescrite" ? Par exemple, pour cette seconde notion, le juge combine l’article L. 2223-9 avec l’article L. 2223-1 du CGCT, qui dispose que : "La création, l’agrandissement et la translation d’un cimetière sont décidés par le conseil municipal. Toutefois, dans les communes urbaines et à l’intérieur des périmètres d’agglomération, la création, l’agrandissement et la translation d’un cimetière à moins de 35 mètres des habitations sont autorisés par arrêté du représentant de l’État dans le département." Il en tire alors la conclusion suivant laquelle cette distance prescrite est de 35 mètres.
"Il est particulièrement intéressant de relever que, depuis qu’il est interdit de conserver chez soi l’urne funéraire, loi 2008-1350 du 19 décembre 2008, ce mode d’inhumation en terrain privé va désormais constituer la seule possibilité de conserver chez soi une urne funéraire." Alors que les inhumations dans les cimetières sont accordées par le maire, c’est le préfet qui est compétent pour octroyer le droit d’être inhumé en terrain privé. Il s’agira du préfet du département sur lequel la propriété est située (art. R. 2213-32 du CGCT).
Ce pouvoir du préfet est totalement discrétionnaire, et ne se justifie le plus souvent que par l’existence de traditions locales ou familiales. L’autorisation d’inhumer en terrain privé sera exclusivement individuelle. Elle ne confère donc aucun droit d’inhumation dans le même terrain privé aux autres membres de la famille. Elle ne peut d’ailleurs pas être délivrée du vivant des intéressés d’après une circulaire du ministre de l’Intérieur du 5 avril 1976 (citée par Georges Chaillot, in "Le Droit des sépultures en France", éditions Pro Roc, p. 430). Ces autorisations ne peuvent donc donner lieu à la création de cimetières familiaux et privés…
Maud Batut
Rédactrice en chef
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