Remettons l’église au centre du village
En effectuant ma quotidienne veille de presse, je suis tombée sur une news qui m’a fait sourire et qui, si l’on considère le contexte, ne manque pas d’humour.
Je veux bien que nous soyons dans une civilisation où le smartphone tente de s’imposer en remplacement des contacts humains, où le réseau social, quel qu’il soit, remplace la lecture de votre journal préféré, mais il y a une limite à tout et il est grand temps de remettre "l’église au centre du village" comme disait justement ma grand-mère…
C’est ainsi que, dans sa grande sagesse, le TGI de Metz dans une décision du 17 août 2018 (TGI Metz, 17-08-2018 - n° 17/01794) a considéré les éléments suivants : en l’espèce, le défunt avait fait part de ses dernières volontés par SMS. Sa veuve avait contesté les dernières volontés de son mari avec qui elle était en procédure de divorce. Dans un SMS écrit à sa sœur le 23 octobre 2016, le futur défunt demandait que sa mère "récupère (sa) part".
Pour celles et ceux qui seraient tentés par ce mode pour le moins original en matière testamentaire, procédons à un petit rappel réglementaire : l’article 970 du Code civil entend protéger l’expression des dernières volontés du testateur et encadre la transmission de ses biens, la jurisprudence a régulièrement admis que le testament olographe pouvait être effectué sur n’importe quel support : une carte postale écrite de la main de l’intéressé, (Civ. 24 juin 1952), une lettre missive (Cass. civ., 25 avril 1925 ; ÇA Aix-en-Provence, 2 octobre 1973 ; contra CA Pau, 20 avr. 1961 ; 11 janv. 2005, n° 02-16.985), un carnet (CA Lyon, 4 janvier 1923), voire une machine à laver le linge (CA Nancy, 26 juin 1986, JCP N 1987, II, p. 96, obs. G. Venandet).
L’auteur du SMS aura sûrement confondu "olographe" et "télégraphe", bien mal lui en a pris. Abusé peut-être par une jurisprudence reposant sur des écrits électroniques (textos, courriels, réseaux sociaux), il faut cependant exclure les dernières volontés dévolutives par SMS. Donc, si vous pensiez faire une bonne blague à un ami très fortuné en profitant de son absence momentanée pour vous envoyer un texto de son téléphone, faisant de vous son légataire universel… C’est loupé !
Le TGI rappelle que "… cette exigence manuscrite permet de limiter des risques de falsification, de prévenir les risques d’erreurs dans la rédaction, de garantir une réflexion suffisante de la part du testateur". Le support de l’écriture n’a donc aucune importance pourvu que le testament soit "écrit en entier, daté et signé de la main du testateur". À ce niveau, une observation s’impose. Lorsque, par exemple, votre banquier accède à votre demande de prêt, l’ensemble des documents est réalisé par voie électronique et votre signature est également authentifiée par l’envoi d’un code sur votre smartphone, code que vous répercutez immédiatement sur la tablette de votre conseiller.
Il y a fort à parier que la simplification administrative, qui se "complexifie" toujours un peu plus chaque jour, se penchera, enfin, sur ces nouveaux moyens de communication, notamment pour les contrats obsèques (qui, comme par hasard ont une valeur testamentaire), les certificats de décès qui doivent être déposés en mairie avec la demande de transport de corps… Bref, la modification et l’évolution de ces archaïsmes administratifs feraient sans doute gagner du temps aux professionnels ainsi qu’à l’Administration, et ne laisseraient plus à la jurisprudence le soin comme d’habitude de tout régler. Donc, en ces temps de grande réforme, suggérons à nos gouvernants de se pencher sur le syndrome de l’usine à gaz, une spécificité bien française héritée de monsieur Colbert ; à défaut nous pourrions toujours tenter d’électrifier la bougie ?
Maud Batut
Rédactrice en chef
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :