L’abus de faiblesse, le degré zéro de l’humanité
C’est un sujet qui est venu sur le devant de la scène avec ce qu’il est convenu d’appeler "l’affaire Bettencourt", aux contours flous, et soudain, passé la médiatisation de cet épisode, nous avons tous pris conscience que cette situation abusive n’avait rien d’exceptionnel, bien au contraire.
Le scénario est simple, une démarche individuelle ou commerciale "appuyée" peut rapidement se transformer en abus de faiblesse. La cible première est constituée par les personnes âgées. Pour la plupart, elles vivent seules (environ 25 % des hommes et 52 % des femmes) et ont plus de 75 ans. Ces personnes peuvent également être isolées socialement ou géographiquement, mais surtout, elles peuvent être affaiblies psychologiquement ou physiquement du fait d’une perte partielle d’autonomie.
La conséquence de cet état est que celles-ci seront tentées d’accorder leur confiance à celui ou celle qui saura recréer un lien avec elles et, de façon insidieuse, obtenir de leur part de l’argent, une signature au bas d’un contrat, voire des biens. Cette manœuvre sournoise et lâche tend à devenir banale. Il faut malheureusement avouer que l’état de décrépitude morale de certains ouvre la porte à tous les débordements frauduleux et indignes.
Le législateur sanctionne l’abus de faiblesse sur le plan civil aussi bien que sur le plan pénal. Ce dernier prévoit trois années d’emprisonnement et 375 000 € d’amende, et bien sûr sur le plan civil l’annulation d’éventuels contrats passés entre la victime et son bourreau. Mais, n’est-ce pas appeler les pompiers lorsque l’incendie a déjà ravagé la maison ? Bien évidemment, les moyens de recours existent, mais, si vous considérez le sociotype des victimes, vous imaginez aisément qu’elles ne sont pas en mesure d’appréhender une suite juridique pour faire valoir leurs droits.
Et si l’on inversait la tendance ? C’est-à-dire, dans le domaine qui est le nôtre et qui n’est pas exempt de tels comportements sordides, si le législateur avait la bonne idée de préciser noir sur blanc les domaines où la vulnérabilité des personnes est une évidence incontestable. Prenons par exemple le démarchage immédiat post-obsèques sur le conjoint survivant pour la prévoyance funéraire, que ce soit directement ou téléphoniquement, ou encore la survente lors de l’organisation des obsèques, inventaire à la Prévert…
Le problème est toujours le même. Notre profession est composée très majoritairement de personnes honorables et dévouées dans l’accomplissement de leur mission funéraire… Il reste toujours le 0,1 % de vautours qui estiment être au-dessus des lois humaines de dignité et de respect envers les personnes affaiblies, et qui justifient à elles seules que la République légifère pour protéger celles et ceux qui ne sont plus en mesure d’exprimer totalement et de façon indépendante leur libre-arbitre.
Alors, oui, un tel texte appliqué au funéraire est souhaitable, car il est hors de question que les pratiques délictueuses d’un nombre infime viennent jeter l’opprobre sur une profession tout entière. À bien regarder, un fort pourcentage des personnes qui font appel à nos services sont âgées, veufs ou veuves, isolées, parfois malades ou handicapées, certaines méconnaissent la langue française, leur niveau d’instruction peut être aussi faible ou inexistant, et cela va de pair avec la détresse économique… Vous connaissez, c’est souvent votre quotidien.
Notre devoir de dignité est de les accompagner de façon loyale au mieux de leurs intérêts matériels et moraux. C’est ce qui fait la grandeur de notre métier, et c’est ce qui nous fait chaud au cœur en fin de journée. Avoir agi humainement et moralement.
Soutenir des initiatives législatives et réglementaires afin de contenir les pratiques commerciales délictueuses en domaine contextuel, c’est avant tout nous protéger nous-mêmes d’individus qui n’ont rien à faire parmi nous, professionnellement et humainement. Méditons et agissons ensemble…
Maud Batut
Rédactrice en chef
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :