L’exemplarité…
Ou comment incarner l’émulation
Nous devons bien avouer qu’au fond de nous-même, nous aimons parfois les images. Tout commence dès le plus jeune âge. Lorsque notre comportement en classe répondait aux attentes du maître, nous avions droit à une image. "Sage comme une image", être un modèle pour ses petits camarades, une référence…
Notre nature humaine a besoin de modèles, car souvent un manque d’imagi-nation nous incite à trouver chez les autres des points positifs que nous souhaiterions nous approprier. Mais attention, si rechercher une vertu semble positif, il faut qu’elle conserve néanmoins son caractère pédagogique, sous peine de dénaturer "l’exemple" et n’en faire qu’un simple copier-coller sans intérêt. Un modèle n’est pas une idole, notre libre-arbitre doit rester intact.
En cela, la notion d’exemplarité ne constitue pas un frein à la liberté individuelle, bien au contraire. Elle doit conserver son caractère profond qui a pour nom "l’émulation". Ce sentiment, considéré comme noble et louable, est supposé pousser à surpasser ses concurrents dans l’acquisition de compétences et de connaissances dans un périmètre d’activités sociales diverses. Celle-ci suppose donc au préalable une adhésion au modèle revendiqué. Et, ce qui en fait tout l’intérêt, c’est la volonté de transcender celui-ci. Que le contexte soit le défi personnel ou collectif, que l’objet soit culturel ou professionnel, la volonté initiale est la même… Progresser !
Appliquée au monde entrepreneurial, qui peut incarner ce concept d’exemplarité, si ce n’est le détenteur du pouvoir, celui qui imprime un cap à tenir et définit les moyens à mettre en œuvre ? Le dirigeant de la société doit être un exemple pour ses collaborateurs, car il est le pourvoyeur des références comportementales qu’il doit mettre en harmonie avec les propos qu’il tient.
Il ne doit pas y avoir d’interférence entre les traits de personnalité de celui-ci et les stratégies qu’il dicte. Un dirigeant est là pour incarner un modèle d’autorité, un diffuseur de politique d’entreprise, un gardien de l’éthique de celle-ci, un équilibre social juste. Si l’on prend la référence militaire, l’exemplarité du chef rejaillit sur ses troupes. L’admiration portée au commandement se traduit dans les faits par une transcendance des troupes dans un contexte martial où côtoyer la mort ne peut se faire sans une absolue confiance dans une hiérarchie et ses décisions. Être un modèle suppose ici d’incarner le respect, l’admiration, la confiance, l’adaptation, le don de soi…
Le modèle "exemplaire" doit également veiller à ce que l’image qu’il transmet est bien conforme. Elle ne devra pas être dénaturée par le fait qu’en qualité de référent initial, celui-ci n’est pas vraiment un critère absolu en soi ; ou encore que les récepteurs de l’image émise ne possèdent pas le même degré de volonté et d’énergie pour devenir eux-mêmes des relais positifs pour leurs compagnons de travail.
Les faits divers regorgent hélas de cas de ce type. Celles et ceux qui sont supposés être des modèles pour leur société cèdent parfois à des pulsions néfastes pour le plus grand nombre. Les collaborateurs ont besoin d’un "idéal" managériale pour pouvoir coopérer activement en situation de changement. La volonté de collaborer si celui-ci est absent se traduit très vite par une situation d’échec et de mise en danger de la firme elle-même. Nous avons besoin de références positives, pas de gourous ni d’apprentis sorciers, encore moins de chefs de bandes. La coopération des collaborateurs de l’entreprise passe par la confiance dans leurs dirigeants, et la notion d’engagement repose sur l’adhésion au modèle, à l’aspect rigoureux et exceptionnel de celui-ci, à la cohérence de son image.
Or donc, restons très attentifs à nos actions, en qualité de référents et de décideurs, nous sommes les artisans de nos destins professionnels. Si l’entreprise ne marche pas, c’est de notre responsabilité. Si un accident survient, c’est qu’il y a une faille sévère dans notre dispositif de sécurité au travail. Si nous sommes pénalisés, c’est que la faute est nôtre, volontaire ou non. Pour conclure, si nous devons trouver un mot qui colle bien à "l’exemplarité", adoptons sans hésiter la "responsabilité".
Regardons-nous dans une glace, et ne trichons pas… Sommes-nous vraiment en accord avec l’image du modèle que nous sommes censés émettre ?
Une bonne question à se poser chaque matin.
Maud Batut
Rédactrice en chef
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