Le principe de précaution est-il une forme de domination ?
Depuis près d’un an et demi, la crise sanitaire engendrée par la pandémie de la Covid-19 a mis en lumière un certain nombre d’effets secondaires aussi inattendus qu’indésirables. Certes, nous avons tous conscience qu’un État se doit de garantir la sécurité et la santé de ses citoyens, pour autant la frontière entre les mesures adoptées et l’autoritarisme est particulièrement fine, ce qui fait dire à certains amateurs de théories complotistes que nous sommes désormais en "démocrature".
Loin de nous cette pensée mais observons tout de même que ce que nous définissons comme l’aune d’une société du contrôle n’est autre que le reflet du collier que nous nous sommes mis autour du cou nous-mêmes depuis belle lurette. Nous sommes tous majoritairement des adeptes des nouvelles technologies. Cela s’évalue par l’usage intensif que nous avons de nos smartphones et autres ordinateurs portables ou non. Nos cartes bancaires sont autant de fils à la patte que la reconnaissance faciale qui remplit de nos visages les disques durs des sociétés de sécurité de nos hypermarchés sous surveillance. Il fallait bien un jour se réveiller et c’est sans aucun doute ce que nous faisons actuellement en réaction à certaines mesures restrictives mises en œuvre par les gouvernements européens ou autres.
Faut-il pour autant passer d’un extrême à l’autre ? Pas nécessairement car, dans toute chose, nous devons conserver le sens de la mesure et de la relativité. La mise en place d’un "pass sanitaire" n’a pour vocation que de nous préserver, autant que possible, d’une contamination aux conséquences sévères. Ce n’est pas en réalité la fin du monde ni celle de nos libertés. C’est au contraire la préservation de celles-ci, de notre santé aussi pour ne pas finir en salle de réanimation avec un pronostic vital engagé… Et ne pas devenir le relais tacite de cette pandémie pour nos proches, tout en restant éveillé devant une réalité funeste à laquelle nous pouvons faire obstacle.
Au cœur de la crise du sida des années quatre-vingt, l’usage du préservatif s’est imposé comme le moyen de prévention le plus efficace "… qui préserve de tout sauf de l’amour". L’usage du vaccin contre la rage, développé par Pasteur, a sauvé des centaines de milliers de vies sans pour autant déchaîner un tollé médiatique, idem de la variole, la coqueluche, la poliomyélite. Souvenons-nous de la crise du sang contaminé et des drames engendrés. Le principe de précaution, aujourd’hui ancré dans notre culture, est un fondement philosophique qui a pour but de mettre en place des mesures pour prévenir des risques, lorsque la science et les connaissances techniques ne sont pas à même de fournir des certitudes, principalement dans le domaine de l’environnement et de la santé.
Dès son introduction en droit français, celui-ci comportait un certain nombre de caractéristiques originales : il devait permettre de prévenir un risque de dommages, alors même que ce risque n’était qu’hypothétique, ce qui distinguait la précaution de la prévention, les dommages à l’environnement. D’une culture de la réparation toujours traumatisante apparaît désormais celle préventive du risque. Bien entendu, l’émergence d’une crise au niveau d’un État aussi bien qu’au niveau d’une entreprise impose un certain nombre de règles de pilotage qui apparaissent déroutantes pour le profane. La prévention n’est pas une science exacte car elle explore souvent des territoires inconnus.
Afin de traverser cette période de pandémie au mieux de nos intérêts matériels et moraux, il convient donc de faire l’impasse sur notre esprit gaulois et individualiste pour faire face "ensemble" à la gravité de l’épisode. La profession funéraire sait de quoi elle parle car les familles reçues traversent toutes ces temps de crise où les certitudes sont mises à rude épreuve, où doivent s’instaurer la confiance et la loyauté. Tout cela, nous le maîtrisons parfaitement car il s’agit de nos quotidiens professionnels et humains. Alors, oublions ces théories complotistes et agissons une fois de plus dans la perspective de l’intérêt général et du bien commun. Nous savons si bien le faire…
Maud Batut
Rédactrice en chef
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