L’éthique funéraire a-t-elle de l’avenir ?
La tenue réussie, sous le haut patronage de Jean-Pierre Sueur, sénateur, du colloque de septembre 2022 au Sénat sur les conséquences de la loi de 1993 - passée sous le filtre de trente années d’application - a permis d’ouvrir de nombreuses et intéressantes voies de dialogue entre les participants, opérateurs, chercheurs, élus, entre autres.
La mort est un invariant, c’est notre destin commun. Et bien que cet événement ultime de nos existences semble acquis, des questions se posent désormais. Des voix s’élèvent demandant notamment que la mort soit traitée comme peut l’être une pathologie faisant l’objet d’une prise en charge solidaire, à l’instar de la maladie. Ce type de problématique a le mérite de nous faire réfléchir sur le traitement et les interrogations que celle-ci soulève. D’autre part et d’un point de vue politique, un débat s’ouvre sur l’euthanasie, le droit pour chacun de mourir dans la dignité, sur ses modalités, ses conséquences sociales et humaines, son indispensable cadre juridique.
En s’ouvrant à la concurrence en 1993, le secteur funéraire a dû et su, en quelques décennies, se remettre en cause par de nombreuses propositions sur les plans économique et sociétal. La profession s’est adaptée aux exigences des populations, toutes désireuses d’un traitement empreint de dignité et de respect de la personne disparue. De ce point de vue, de remarquables efforts ont été produits tant par les professionnels que par le tissu associatif. La multiplication des équipements funéraires témoigne d’une préoccupation de la sphère publique et privée pour que le défunt puisse se voir appliquer un traitement respectueux des besoins du corps autant que de l’accompagnement moral des familles. En peu de temps, ils se sont dotés de moyens matériels et humains cohérents avec leurs différents bassins de population, aux attentes hétérogènes il est vrai.
Dire qu’aujourd’hui le secteur se banalise est une erreur, car il n’existe pas "un" funéraire mais "des" funéraires. Sociotypes en évolution constante, multiplication des confessions et des rituels, financiarisation du marché, modes variés de sépultures… Pour intégrer ces différents aspects, les appliquer avec discernement et précision, pour prendre en compte les aspects sociologiques et humains du deuil, pour agir dans l’intérêt des familles tout en respectant les impératifs économiques d’une gestion d’entreprise, les opérateurs se doivent de relever de nombreux défis. Or, créer un avenir au secteur funéraire passe par un regard pointu sur les composantes de celui-ci, c’est-à-dire les forces vives qui seront en charge demain de transmettre aux familles toute l’éthique indispensable que vous appelez de vos vœux.
Le défi est simple, car il s’agit de s’atteler sans délai au vaste et nécessaire chantier de la formation en commençant par la certification des compétences des personnes en charge de celle-ci et par la mise en œuvre d’un circuit diplômant reconnu au sein des différentes académies. Dispenser la formation d’un savoir-faire est une chose, s’assurer de la bonne transmission d’un savoir-être en est une autre tout aussi essentielle. À ce niveau de préoccupation, il ne faut d’ailleurs pas négliger l’ensemble de la fonction publique locale et territoriale qui est également en attente de réponses dimensionnées la concernant sur ce chapitre.
Le funéraire est un domaine qui a su retenir l’attention du législateur à juste titre et c’est une bonne chose. La formation de ses élites ainsi que de ses acteurs de terrain est un sujet dont on ne peut pas faire l’économie, il en va de l’intérêt général et du bien commun. Tout le monde est concerné, public et privé, fédérations, réseaux, indépendants, collectivités. L’avenir de la filière dépend des propositions et des solutions que vous saurez apporter aujourd’hui afin de pérenniser l’éthique que vous défendez et les compétences dont vous êtes les détenteurs… Ainsi, vous serez les artisans de votre destin et porterez vos métiers vers l’avenir.
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
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