Le respect dû aux morts a de tout temps existé : fosse dans les grottes de Néanderthal (100 000 ans avant J.-C.) ou sous les dalles de pierre néolithiques, tombes romaines à la sortie des villes le long des voies pavées de circulation (puisqu’il était interdit d’inhumer les corps des personnes décédées dans l’enceinte des villes), tombeaux des nobles et pierres tombales des évêques dans les églises.
Gestion des cimetières
1 - Le cimetière, organisme vivant
Le cimetière se développe au Moyen Âge quand les bourgeois veulent mettre leurs corps sous la protection d’un saint et se font enterrer à côté de l’église. Les pauvres sont déposés dans les charniers, c’est-à-dire à l’air libre, ce qui soulève des plaintes et des rapports au pouvoir en place. Le cimetière du Père-Lachaise à Paris est ouvert le 1er prairial an XII (21 mai 1804), mais c’est Napoléon 1er qui impose l’implantation des cimetières en dehors des villes et des bourgs, de préférence sur le sommet d’une colline et au nord, par le décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804).
Napoléon 1er profite de ce décret sur les sépultures pour confier aux communes la compétence sur les cimetières. En effet, auparavant, les cimetières, de même que les naissances et les décès (l’état civil) relevaient des autorités religieuses : par conséquent, les bandits (mécréants), les prostituées, excommuniés, les juifs et protestants, les suicidés et les comédiens, entre autres, n’avaient pas droit à une place dans le cimetière. Molière, par exemple, a été inhumé de nuit dans le cimetière, par faveur de Louis XIV, car le peuple n’aurait pas compris cette dérogation aux règles habituelles.
Désormais, chaque défunt a droit à une place dans le cimetière, même si le bourg s’est agrandi et est venu entourer le vieux cimetière installé hors les murs.
L’évolution du cimetière dans le temps prouve qu’il est vivant : il évolue de deux façons, soit par modification de la réglementation, soit par évolution des coutumes funéraires. Ainsi, la réglementation a été modifiée pour prévoir, par exemple, des cases de columbarium afin d’y déposer, en dehors des terrains d’inhumation des cercueils, les cendres des personnes crématisées.
Le cimetière évolue également avec les mœurs funéraires des personnes inhumées : ainsi Napoléon 1er avait prévu des terrains d’inhumation gratuits, d’une durée de cinq années, pour la majorité des personnes et des concessions de plus longue durée, voire perpétuelles, pour les personnes qui désiraient y fonder une sépulture de famille. Or, depuis, la majorité des personnes prennent une concession, même pour leur seule personne, sans famille fondatrice, tandis que les inhumations de cinq ans sont l’exception, prises par défaut par les personnes dépourvues de ressources suffisantes pour financer leur sépulture.
Un autre exemple de l’évolution du cimetière avec les mœurs funéraires des personnes peut être constaté dans les vieux carrés musulmans : les anciennes tombes sont en pleine terre avec juste une stèle signalant la présence du corps de la personne décédée, conformément à la religion musulmane. Maintenant, on y trouve des caveaux maçonnés portant la photographie du défunt sur la stèle, comme sur de nombreuses tombes catholiques. De même, il existe des modes dans le cimetière et la tombe entourée d’une grille en fer forgé signe un travail du début du siècle.
Enfin, un cimetière est vivant par les allées et venues des personnes, visiteurs ou travailleurs, ainsi que par ses fleurs, qui s’épanouissent étrangement en plus grand nombre en automne, au 1er novembre plus précisément, contrairement aux règles habituelles de floraison du printemps.
Cette vitalité du cimetière est également prouvée par son agrandissement dû au nombre annuel de personnes décédées : ce nombre croît avec la taille de la population, mais pas de façon parallèle. En effet, les progrès de la médecine depuis Pasteur ont augmenté l’espérance de vie à la naissance, qui est passée de 66,4 ans en 1950 à 80,3 ans en 2005, soit une croissance de quatre mois par an. Aussi, même si la population s’accroît, le nombre de décès varie-t-il très peu.
Désormais, la population est de plus en plus vieillissante, avec de nouvelles maladies non infectieuses comme les cancers et les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson. On s’attend donc, dans les années à venir, à une augmentation de la mortalité française qui passerait de 550 000 décès par an actuellement à 600 000 avant 2030 et 700 000 en 2040, et ceci bien que le nombre de centenaires augmente et que l’on ignore encore la limite infranchissable de la vie humaine et même si cette limite existe.
Cette augmentation de près de 50 % du nombre annuel de personnes décédées à prendre en compte dans le cimetière nécessite une meilleure gestion de la crémation puisqu’une urne cinéraire occupe trois litres ou 0,003 m3 contre 0,6 m3 pour un cercueil, soit 200 fois moins de place. Une gestion dynamique du cimetière doit également être instituée pour libérer de la place afin d’éviter l’augmentation à l’infini de la surface du cimetière. Cette gestion devra respecter les volontés du défunt qui sont primordiales, dans le respect de la réglementation bien évidemment, mais également l’accueil des familles venant rendre hommage à un défunt, ainsi que les monuments présentant un caractère historique ou architectural.
En premier lieu, nous rappellerons les compétences du conseil municipal et du maire en matière de cimetière ainsi que les possibilités permises par la loi dans le chapitre 2 - Principes funéraires de base. Puis nous verrons comment les gestionnaires du cimetière peuvent gagner de la place sans pénaliser les familles dans le chapitre 3 - Gain de place. Le règlement de cimetière sera détaillé, dans le chapitre 4 - Accueil des familles, afin de respecter la décence du lieu. Enfin, dans le chapitre 5 - Histoire, nous traiterons des monuments remarquables par leur caractère historique ou architectural et de leur intégration dans le cimetière.
2 - Principes funéraires de base
Ces principes figurent dans des articles législatifs, ce qui signifie que des sanctions sont prévues en cas de non-respect de leurs obligations.
Le premier de ces principes est la liberté des funérailles, accordée par l’article 3 de la loi du 15 nov. 1887 (Journal officiel du 18 nov. 1887) : chacun donne à ses funérailles le caractère qu’il souhaite. En cas d’infraction à cet article, l’article 433-21-1 du Code pénal prévoit une peine de six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende. Cette liberté est accordée bien évidemment dans le respect des lois et règlements : interdiction de se faire enterrer dans un simple linceul car le cercueil est obligatoire (art. R.2213-15 du Code général des collectivités territoriales – CGCT). Le choix entre l’inhumation et la crémation est libre puisqu’il est prévu par les textes, mais il est impossible de se faire "inhumer" dans un congélateur afin de ressusciter quand la science aura fait suffisamment de progrès, seule l’inhumation en cimetière (pleine terre ou caveau) étant permise (Conseil d’État, 29 juil. 2002, Consorts Leroy, requête n° 222180).
La création du cimetière, comme son agrandissement (art. L. 2223-1 du CGCT) relève de la compétence du conseil municipal (les cimetières urbains relevant du préfet), de même que la création de concessions (art. L. 2223-13 du CGCT).
La police du cimetière revient au maire (art. L. 2213-8 du CGCT) et il ne peut la déléguer qu’à un de ses adjoints ou à un membre du conseil municipal (art. L. 2122-18 du CGCT). La rédaction d’un règlement intérieur de cimetière, qui précise quelles personnes peuvent y entrer en voiture, comment les opérateurs funéraires doivent travailler, est donc de sa compétence.
Le maire peut avoir reçu délégation du conseil municipal pour délivrer et reprendre les concessions à sa place (art. L. 2122-22 du CGCT), mais seulement après que le conseil municipal a décidé s’il créait des concessions dans le cimetière et de quelle durée.
3 - Gain de place
Plusieurs techniques existent pour récupérer des places dans le cimetière : tout d’abord, il est possible de reprendre les concessions arrivées à échéance (52 ans après la délivrance d’une concession de 50 ans par exemple), de même que celles qui sont en état d’abandon, cet abandon portant atteinte à la décence nécessairement liée au cimetière.
Il est ensuite possible de gagner de la place en délivrant des concessions plus petites, pour urnes cinéraires que l’on préférera aux cercueils, de diminuer le temps de concession afin de les récupérer plus rapidement (concession de 30 ans au lieu de 50 ans ou perpétuelles) ou d’augmenter les prix des concessions à raréfier. Si les familles ont l’habitude des enfeus, on peut proposer, à la place des caveaux souterrains, ces caveaux superposés au-dessus du sol, très utilisés dans le midi de la France, multipliant ainsi la densité d’occupation au m2.
Il est enfin possible de gagner du temps sur le délai de rotation des corps : en effet, lors de la récupération d’une concession, seuls les ossements doivent être déposés à l’ossuaire. Si le terrain du cimetière est très argileux, il empêche la décomposition du corps et ce dernier doit être réinhumé jusqu’à ce qu’il soit à l’état d’ossements, en raison du respect dû aux morts. À Paris, la municipalité utilise des caveaux conformes à la marque NF P 98-049 (une marque étant l’application d’une norme vérifiée inopinément par un laboratoire indépendant) pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes, ce qui permet à la commune, au bout de 5 ans, de déposer les ossements à l’ossuaire et de récupérer le caveau pour une nouvelle inhumation.
Enfin, un examen de la situation actuelle des ossuaires doit être effectué car ils sont destinés à s’étendre à l’infini du fait que le maire doit respecter la volonté du défunt et garder éternellement à l’ossuaire les ossements de ceux qui étaient opposés à la crémation.
Nous examinerons donc successivement la reprise des concessions, puis leur délivrance et la gestion de l’ossuaire.
3 - 1 Récupération des concessions
Deux procédures de récupération des concessions sont à la disposition des maires en tant que délégués du conseil municipal : la reprise des concessions arrivées à échéance et la reprise des concessions en état d’abandon, cette dernière s’appliquant quelle que soit la durée de cette concession. La place dans le cimetière ainsi récupérée, permettra d’accorder des concessions de plus courte durée ou des concessions cinéraires de surface plus petite.
Après ces reprises du terrain appartenant à la commune, les monuments et les caveaux construits par la famille deviennent propriété privée de la commune. Elle peut donc les laisser en place pour la nouvelle concession à condition d’effacer les noms de l’ancien concessionnaire, les détruire ou les conserver comme monument historique du cimetière (voir point 5 - Histoire).
3-1-1 Reprise des concessions arrivées à échéance
Les concessions non perpétuelles ont une durée définie par le conseil municipal dans le respect de l’article L. 2223-14 du CGCT :
- temporaire entre 5 ans (durée des terrains communs) et 15 ans ;
- trentenaire ;
- cinquantenaire ;
- perpétuelle.
Il existe aussi, dans certains cimetières, des concessions centenaires dont la création n’est plus permise depuis l’ordonnance n° 59-33 du 5 janv. 1959 portant mesures de décentralisation et de simplification concernant l’administration communale. Cette ordonnance a supprimé les concessions centenaires de l’article 456 du Code de l’administration communale, ancêtre de l’article L. 2223-14 du CGCT, mais certaines communes ont pu en attribuer avant cette date et ces concessions existent toujours.
À l’échéance de la concession, la famille dispose de deux années complètes pour renouveler celle-ci en une concession de n’importe quelle durée prévue par le conseil municipal (art. L. 2223-15 du CGCT) et sur le même emplacement.
Le maire ne peut déposer les ossements à l’ossuaire ou les crématiser qu’à l’issue de cette période de deux années, sous les réserves indiquées dans le point 3-4 Situation des ossuaires, puis récupérer la concession pour la mettre à la disposition d’une nouvelle famille. Le devenir des caveaux et monuments ainsi récupérés sera traité au point 5 - Histoire.
3-1-2 Reprise des concessions à l’état d’abandon
Lorsqu’un monument est cassé ou qu’une concession est envahie par les ronces, ils nuisent à la décence nécessairement due au cimetière et le maire peut alors récupérer cette concession. Le maire doit scrupuleusement respecter la procédure de reprise détaillée aux articles R. 2223-12 à R. 2223-23 du CGCT puisque cette reprise fait perdre ses droits au concessionnaire ; par conséquent toute faute commise lors de la procédure de reprise fait annuler cette reprise par le tribunal.
Ces conditions draconiennes sont :
- l’interdiction de reprendre une concession perpétuelle avant un délai de 30 ans à compter de son attribution (art. L. 2223-17 du CGCT) ;
- l’interdiction de reprendre une concession perpétuelle moins de 10 ans après la dernière inhumation (art. R. 2223-17 du CGCT) ;
- l’interdiction de reprendre une concession perpétuelle lorsque la commune est tenue de l’entretenir suite à un don ou un testament régulièrement accepté, car le bon entretien par la commune empêche l’état d’abandon (art. R. 2223-23 du CGCT) ;
- l’interdiction de reprendre une concession perpétuelle ou centenaire avant 50 ans lorsqu’elle contient le corps d’un soldat "mort pour la France" (art. R. 2223-22 du CGCT) ;
- l’obligation d’établir deux procès-verbaux d’abandon à trois ans d’intervalle avec information de la famille à sa dernière adresse connue, avec également inscription de la procédure de reprise sur la tombe et à la mairie (art. L. 2223-18 du CGCT).
3 - 2 Délivrance des concessions
Le conseil municipal est libre de créer des concessions. Mais dans ses choix, il doit penser à l’avenir du cimetière compte tenu de l’augmentation prévue du nombre de décès. Par ailleurs, le travail commande le lieu d’habitation des familles : par conséquent, les familles ne restent plus sur place de génération en génération. Ainsi, on constate qu’une concession n’est plus visitée en moyenne au bout de trente ans.
Pourquoi donc délivrer des concessions de plus longue durée si les familles se désintéressent de leurs ancêtres au-delà de trente ans ? Délivrer des concessions trentenaires devient la norme dans les nouveaux cimetières, d’autant plus que personne n’est lésé puisque les rares familles entretenant le culte des ancêtres peuvent renouveler indéfiniment la concession (art. L. 2223-15 du CGCT).
Par ailleurs, la crémation représentait presque 28 % des obsèques en 2008. Elle dépasse 60 % dans certaines villes et représente actuellement 40 % des contrats obsèques, ces contrats obsèques étant des assurances-vie signées par des personnes vivantes afin de financer leurs obsèques. Ce phénomène en croissance exponentielle doit donc être pris en compte dans les cimetières.
Enfin, l’article L. 2223-4 du CGCT empêche le maire de procéder à la crémation des restes mortels des personnes opposées à la crémation, lors des reprises de concessions et de terrains communs, ces restes mortels sont alors déposés à l’ossuaire.
Cet article L. 2223-4 du CGCT est source d’inconnu pour l’avenir : les personnes assurées de rester dans le cimetière vont-elles éviter de prendre une concession ? Il leur suffit de demander un terrain commun (gratuit) d’une durée minimale de cinq ans, sans payer une concession qui assurait auparavant une durée certaine de présence dans le cimetière, puisque leurs restes mortels seront conservés dans l’ossuaire. On peut donc s’attendre à une baisse du nombre de concessions vendues et de leur durée du fait de cet article L. 2223-4 du CGCT.
Cette concession est accordée dans le respect de l’article L. 2215-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui dispose que "Toute occupation privative du domaine public communal donne lieu à paiement d’une redevance". À ce stade, il importe de distinguer l’impôt, la taxe et la redevance qui sont bien souvent confondus.
3-2-1 Différences entre l’impôt, la taxe et la redevance
En effet, en droit fiscal, l’impôt est une contribution au prorata de son assiette, c’est-à-dire un paiement sans contrepartie directe. Au contraire, la redevance est le paiement d’un service rendu (pas de redevance d’ordures ménagères si on n’utilise pas le service) : son prix est en relation avec le service (brochure intitulée "le service extérieur des pompes funèbres" publiée par le ministère de l’Intérieur dans la collection décentralisation). La taxe correspond à un impôt sur un service rendu : en tant qu’impôt, son niveau est fixe et son paiement est obligatoire même si on refuse le service rendu (jurisprudence de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères).
Mais ces trois termes sont souvent confondus : la Taxe à la Valeur Ajoutée (TVA) est en fait un "impôt". La redevance télévision est en réalité une taxe liée à la possession de l’appareil. Les impôts des collectivités locales sont pratiquement toujours qualifiés du nom de "taxes". Cependant, le juge peut requalifier ces paiements.
Différences entre l’impôt, la taxe et la redevance (Voir tableau ci-contre).
Impôt | Taxe | Redevance | |
Nature | Contribution aux dépenses de la nation sans contre-partie directe | Impôt lié à un service rendu | Paiement du service rendu |
Caractéristiques de création : | Ne peut être créé que par une loi | Ne peut être créée que par une loi | Créée par le gestionnaire du service (société d’économie mixte - SEM) |
- de son montant | Fixe (au prorata de l’assiette fiscale) | Fixe par rapport au service rendu | Proportionnelle au service rendu |
- d’exigibilité | Exonération dans les seuls cas prévus par la loi | Exonération dans les seuls cas prévus par la loi = exigible même si l’on refuse le service | Pas de paiement en cas de refus du service |
- de contentieux | Contentieux fiscal (administratif) | Contentieux fiscal (administratif) | Contentieux de droit privé |
- de paiement | Payable au Trésor public | Payable à la commune même si une entreprise privée ou la famille elle-même fournit le service funéraire | Payable à la régie municipale ou à la SEM uniquement dans le cas où celle-ci fournit le service |
La taxe d’inhumation s’applique à toutes les inhumations : en terrain commun, en concession, en caveau provisoire, dans une propriété privée, au dépôt des urnes cinéraires dans une sépulture ou un columbarium, et même à la dispersion des cendres (circulaire du 12 décembre 1997 relative à la gestion des régies municipales de pompes funèbres).
Les taxes ne sont pas modulables selon la nature ou la qualité des prestations : toutes les taxes de cérémonie doivent être au même prix dans une commune, quelle que soit la prestation servie. Il en est de même pour une taxe de première inhumation (reconnue légale dans le passé par le Conseil d’État), qui doit être identique pour une fosse en pleine terre ou un caveau. C’est un impôt dû sur un service rendu.
Au contraire, la redevance d’inhumation représente le coût de la prestation : elle est donc différente pour une fosse en pleine terre ou un caveau puisque le travail est différent. Elle n’est percevable par la société d’économie mixte (SEM) que dans le cas où le travail est effectué par le fossoyeur communal, c’est-à-dire de la SEM, au contraire de la taxe qui est due même si l’opération correspondante est réalisée par une entreprise privée (cf. brochure du ministère de l’Intérieur intitulée "le service extérieur des pompes funèbres").
La redevance d’inhumation est variable en fonction du travail à effectuer (fosse en pleine terre ou caveau), mais non en fonction du lieu (terrain commun ou concession) ou du client appartenant ou non à la commune (pas de différence selon le lieu de réinhumation). Cette condition d’appartenance à la commune pourrait jouer si des investissements élevés sont réalisés pour le matériel du fossoyeur (transposition de l’avis du Conseil d’État relatif aux frais de cantine scolaire - voir ci-dessous).
Cependant, la commune (bureau de bienfaisance) peut participer, sous réserve de l’avis des tribunaux compétents, aux frais funéraires des familles à revenu faible : le prix est le même pour tous, mais la commune finance une partie du service (la jurisprudence l’a admis pour les frais de cantine scolaire, encore que le besoin de prestations funéraires soit moins vital que le besoin de nourriture pour les plus démunis).
D’autre part, le Conseil d’État a jugé légal le prix de revient plus élevé à la cantine scolaire pour les enfants étrangers à la commune, car leurs familles n’avaient pas participé aux investissements de création issus des impôts (pas de jurisprudence pour les crématoriums ou les chambres funéraires communales, mais la brochure du ministère de l’Intérieur intitulée "Le service extérieur des pompes funèbres" rappelle que c’est illégal). Tout dépend en fait si le prix demandé tient compte uniquement du coût de fonctionnement ou des investissements de construction.
Par ailleurs, une taxe de superposition de corps ou de seconde et ultérieure inhumation n’est applicable à une concession que si elle figure dans le contrat (en imposant le respect du règlement de cimetière qui comprenait cette taxe), c’est-à-dire qu’elle a été votée par le conseil municipal avant la signature du contrat de concession. Elle n’est pas imposable si elle a été votée après l’acquisition de la concession car la modification du contrat initial nécessite le consentement préalable du concessionnaire. En revanche, une fois votée, son montant peut être modifié et le nouveau prix s’appliquera à tous les travaux en concession soumis à cette taxe (circulaire du ministre de l’Intérieur n° 74-434 du 9 août 1974).
Ces taxes prévues par la loi (d’inhumation, de convoi funéraire et de crémation à condition que le crématorium soit situé sur le territoire de la commune) doivent être votées par le conseil municipal. Elles sont utilisées pour les funérailles des indigents décédés sur la commune qui doivent être inhumés dans le cimetière de la commune ou crématisés aux frais de la commune (art . L. 2213-7 et L. 2223-27 du CGCT). Ces taxes présentent donc un caractère de nécessité pour les communes sur le territoire desquelles est installé un hôpital ou une maison de retraite.
Une taxe d’exhumation est illégale puisque non prévue par la loi (art. L. 2223-22 du CGCT). Une redevance pour introduction d’un corps de l’extérieur de la commune serait illégale puisqu’elle ne correspond pas à un service rendu (la vacation de police pour ce contrôle est déjà prévue).
Les règles de création d’une redevance exigent la proportionnalité au service rendu. En conséquence, le tarif d’une concession trentenaire devrait être le double du prix d’une concession de 15 ans et celui d’une concession cinquantenaire représenter les 5/3 d’une concession trentenaire, sous réserve d’une péréquation entre ces tarifs dans une même commune.
3-2-2 Délivrance de concessions permettant un gain de temps ou de place
Le paiement de la redevance de concession étant proportionnel au service rendu, il est logique que la concession trentenaire coûte le double de la concession de quinze ans et que la concession cinquantenaire représente les 5/3 de la concession trentenaire. Quant à la concession perpétuelle, son coût devrait être infini compte tenu qu’elle dure un temps infini. Mais, étant donné la reprise possible pour état d’abandon, on admet que le prix de la concession perpétuelle puisse être inférieur : à Paris, une concession de 2 m2 valait 7 720 € au 10 mars 2003. Toutefois ces prix sont à moyenner sur l’ensemble des prix de concession, cet ensemble seulement devant être sans bénéfice pour la commune : un prix de concession peut donc être plus bas si un autre est plus élevé.
Il va de soi que la commune ne doit pas faire de bénéfices sur ces opérations, mais elle doit mettre en comparaison l’entretien du cimetière, le coût de la surveillance pendant la durée de la concession et le coût de la reprise de la concession. Cette variation des coûts du terrain et d’entretien selon les communes conduit à une variation des prix de concession.
3-2-2-1 Délivrance de concessions funéraires de plus courte durée à tarif moins élevé
Même si la commune ne fait pas de bénéfice sur le prix de vente des concessions, elle peut moduler les prix des différentes concessions pour en faciliter l’accès au plus grand nombre. Elle peut ainsi diminuer le prix des concessions de courte durée à condition d’augmenter le prix des concessions de plus longue durée.
Si l’on suppose que la variation de prix des concessions est trop faible pour modifier le nombre d’acheteurs de ces concessions, la formule mathématique exacte de compensation des prix de concessions trentenaires et cinquantenaires, par exemple, est :
(% de baisse du prix des concessions trentenaires) x (prix des trentenaires) x (nombre d’acheteurs de trentenaires) = (% d’augmentation du prix des concessions cinquantenaires) x (prix des cinquantenaires) x (nombre d’acheteurs de cinquantenaires).
Par conséquent, en première approximation, le pourcentage de baisse des concessions trentenaires est égal, pour une compensation intégrale, au pourcentage de hausse des concessions cinquantenaires multiplié par le rapport entre les anciens prix d’une concession cinquantenaire divisé par le prix de la trentenaire et multiplié par le rapport du nombre de personnes prenant une concession cinquantenaire, divisé par le nombre de personnes prenant une concession trentenaire.
En fait, ce calcul ne tient pas compte des concessionnaires qui modifieront leur choix de concession en fonction de la variation de prix de ces concessions. Cette formule est donc valable pour les grandes communes dans lesquelles le nombre de nouveaux concessionnaires est important, ce qui rend négligeable la variation du nombre de nouvelles concessions délivrées causée par l’écart de prix.
3-2-2-2 Délivrance de concessions funéraires plus grandes
Par ailleurs, tout le monde, et surtout les femmes, a remarqué que les tailles des vêtements ne sont pas adaptées à la réalité : le Français moyen a grandi et grossi. Il n’est qu’à regarder les armures du Moyen Âge, faites pour des hommes petits. En fait, l’homme a grandi de 8 cm en un siècle et la femme de 11 cm. On voit même apparaître l’émergence d’un groupe de très grands (plus de 1,91 cm) principalement chez les jeunes de 15 à 25 ans. Désormais, 41,5 % des hommes français sont grands (1,81 m) et 8,2 % sont très grands (1,91 m).
Les fabricants de vêtements s’étaient rendu compte du changement de taille, aussi bien en hauteur qu’en largeur, et une campagne nationale de mensurations des Français, menée en 2003 et 2004, a donné ces nouvelles mesures. Soumis aux mêmes variations de taille, les fabricants de cercueils doivent s’adapter, mais également les communes avec la taille des concessions dans les cimetières. Cette nouvelle taille doit donc être prise en compte au moment de la réhabilitation d’un secteur du cimetière.
Le fait de permettre que la concession fasse 2 m2 en surface (2 m de long sur 1 m de large) mais se creuse sous l’allée de circulation est une fausse solution car cette allée devient une copropriété avec une difficile répartition des responsabilités en cas d’effondrement. Il appartient au règlement de cimetière de bien établir cette responsabilité, ainsi que le coût de la concession qui ne sera plus proportionnel à la surface au sol mais à la surface enterrée.
Cette augmentation de la surface des concessions funéraires est compensée (à long terme, quand il est possible de refaire un secteur en modifiant la taille des concessions) par l’attribution de concessions cinéraires. En effet, cette concession cinéraire est destinée au dépôt d’urnes et elle peut se suffire d’une surface au sol d’un demi-mètre carré (voir point 3-2-2-4 Délivrance de concessions cinéraires).
3-2-2-3 Délivrance de concessions funéraires à une seule place
Dans le midi de la France, les familles sont habituées à des caveaux superposés pour un seul cercueil appelés enfeus. Le cercueil est glissé dans le sens de sa longueur dans une case fermée par une plaque et la commune peut en disposer quatre étages sans moyen de levage particulier.
Ailleurs, les familles ne sont pas habituées et refusent ces "cases à lapins". Le conseil municipal peut les réserver aux terrains communs, c’est-à-dire récupérés tous les cinq ans lorsque ces caveaux sont conformes à la norme NF P 98-049 (voir le point 3 - 3 Sol inapte à la décomposition des corps et terrain commun).
3-2-2-4 Délivrance de concessions cinéraires
Les concessions cinéraires suivent les règles de délivrance, de durée et de reprise des concessions funéraires (art. L. 2223-13 du CGCT).
Beaucoup de cimetières sont pourvus de columbariums, c’est-à-dire de cases superposées construites en matériau durable dans lesquelles les familles peuvent déposer une ou deux urnes. Ces columbariums sont donc adaptés à la crémation, ainsi qu’à la nouvelle dimension des familles. Mais si ce columbarium appartient à la commune, c’est à elle de l’entretenir et par conséquent ces concessions ne peuvent jamais tomber en état d’abandon. En conclusion, la durée de ces concessions ne doit surtout pas être perpétuelle, ce qui empêcherait leur reprise. Une durée de trente ans pour les concessions en columbarium est là encore un idéal, puisque cette concession est elle aussi renouvelable indéfiniment.
Une concession d’un demi-mètre carré est suffisante pour que le concessionnaire inhume des urnes ou mette en place un petit caveau souvent appelé cavurne. Le règlement de cimetière doit absolument préciser si cette partie du cimetière est paysagère ou si le concessionnaire peut y construire le caveau ou le columbarium de son choix.
3-2-2-5 Secteur paysager
En effet, le maire détient la police du cimetière qui couvre la sécurité mais non l’esthétique (CE, 18 fév. 1972, chambre syndicale des entreprises artisanales du bâtiment de la Haute-Garonne). Il doit donc permettre au concessionnaire de mettre le monument de son choix sur sa concession, qu’elle soit funéraire ou cinéraire, seule l’inscription étant soumise à l’appréciation du maire en vue d’éviter toute perturbation à l’ordre public (art. R. 2223-8 du CGCT). À partir du moment où le maire a réservé une partie d’un cimetière à ces concessions individuelles, il peut créer à côté un secteur paysager du cimetière, que ce soit pour les concessions funéraires ou cinéraires.
3 - 3 Sol inapte à la décomposition des corps et terrain commun
Lorsque le terrain du cimetière est argileux ou noyé dans une nappe phréatique affleurant la surface, le corps humain n’est pas oxydé et il ne se décompose pas. Dès lors, les ossements ne peuvent être déposés à l’ossuaire avant des dizaines d’années. Les concessions et les terrains communs ne peuvent donc être repris sans violer le respect dû aux morts en tassant les restes mortels pour les faire rentrer dans une boîte à ossements.
Il existe une solution qui est le caveau autonome conforme à la marque NF P 98-049, la marque étant l’application d’une norme vérifiée à l’improviste par un laboratoire indépendant. Ce caveau, étanche, est muni d’un système de circulation d’air avec filtre qui permet la décomposition du corps en moins de cinq ans, que ce soit à Paris (cimetière de Thiais) ou dans le sud de la France.
La circulation de l’air s’effectue, soit de manière forcée au moyen d’un ventilateur, soit de manière naturelle avec les variations de pression barométriques du lieu, et provoque la décomposition du corps en moins de cinq ans. De plus, un filtre permet de capter les molécules malodorantes issues de la décomposition (composés soufrés ou mercaptans, aldéhydes et cétones, produits ammoniaqués).
Le cercueil est déposé sur un bac de recueil des liquides de décomposition qui est incinérable sans dégradation du four (car fabriqué en matériau sans polychlorure de vinyle) au bout des cinq ans, quand les liquides se sont évaporés.
Ces caveaux ne gardent leur étanchéité que si le protocole de pose de la plaque de fermeture est respecté, surtout dans le cas des concessions enterrées. Pour cela, le règlement de cimetière doit imposer aux opérateurs funéraires et aux marbriers exécutant une inhumation de respecter le rebord anti-ruissellement et de mettre en place un joint d’étanchéité à chaque fermeture du caveau. Sinon le caveau se remplit d’eau qui y reste puisqu’il est étanche, entraînant les plaintes justifiées des familles.
3 - 4 Situation des ossuaires
La loi du 19 déc. 2008 est venue recadrer les exhumations administratives en les soumettant à la volonté du défunt, dans la logique de la loi du 15 nov. 1887 relative à la liberté des funérailles. Auparavant, le maire choisissait l’inhumation des restes mortels à l’ossuaire ou leur crémation et la dispersion sur le lieu réservé à cet usage dans le cimetière. Désormais le maire doit donc interroger toute personne demandant une inhumation pour savoir si le défunt est opposé à la crémation de ses restes mortels à l’expiration de la concession ou du terrain commun.
De même pour les anciennes concessions situées dans le cimetière, le maire ne peut procéder à la crémation des restes mortels si le défunt est enterré dans une tombe portant un signe d’appartenance religieuse opposée à la crémation (circulaire du 14 déc. 2009 relative à la législation funéraire). En effet, les personnes de religion juive ou musulmane sont opposées à la crémation. Mais il se trouve également dans ces terrains des pratiquants dont la crémation leur importait peu ou des conjoints qui ne souhaitaient pas être séparés d’un pratiquant de cette religion. Afin que ces conjoints restent avec le pratiquant opposé à la crémation, leurs restes mortels seront tous déposés à l’ossuaire.
Tout maire qui ne respecterait pas cette dernière volonté apparente du défunt serait soumis aux peines prévues par l’article 433-21-1 du Code pénal qui prévoit une peine de six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende. Toutefois, un maire se défendrait efficacement devant le tribunal en déclarant que la personne inhumée n’était pas opposée à la crémation, pratique courante dans les cimetières pour libérer de la place, à partir du moment où cette personne n’a pas pris de concession perpétuelle ou de contrat d’entretien permettant d’éviter la reprise de la concession pour état d’abandon.
Selon les dispositions de la loi du 19 déc. 2008 explicitées par la circulaire du 14 déc. 2009, l’ossuaire est condamné à augmenter sans fin. Mais une question intéressante résulte de l’article L. 2215-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui dispose que "Toute occupation privative du domaine public communal donne lieu à paiement d’une redevance". En effet, toute personne refusant la crémation va occuper une place dans l’ossuaire qui appartient au domaine public communal. Cette personne occupe une place et cette place devient privative si le conseil municipal le décide, en octroyant une concession.
La question est donc posée du paiement de la redevance d’ossuaire par les personnes opposées à la crémation. Cette question est d’autant plus intéressante que le cimetière est laïque, donc son ossuaire également, alors que l’article L. 2223-4 du CGCT vise toutes les personnes opposées à la crémation (dans un souci de laïcité) mais protège particulièrement deux religions. Cette question est également essentielle pour les finances communales, à condition d’étiqueter les emplacements d’ossuaire pour chaque personne opposée à la crémation, et donc de disposer de cette place d’ossuaire au moment de l’inhumation en concession ou terrain commun.
La redevance étant un choix de la collectivité territoriale, il suffit que la structure décisionnelle (le conseil municipal le plus souvent) vote cette redevance pour qu’elle soit applicable aux nouvelles personnes inhumées. Son inscription dans le règlement de cimetière assure sa connaissance par les administrés. Tout maire devrait donc faire signer une concession d’ossuaire au lieu du certificat d’opposition à la crémation, après que le conseil municipal a voté le tarif de la concession d’ossuaire.
Mais M. Damien Dutrieux estime que cette redevance est illégale dans la mesure où elle rompt l’égalité des citoyens puisque les personnes inhumées avant la publication de la loi ne paieraient pas la redevance alors que les personnes inhumées après la mise en place de cette redevance y seraient assujetties. Pour moi, c’est la loi du 19 déc. 2008 qui a créé cette inégalité puisqu’elle n’a pas précisé si l’article L. 2223-4 du CGCT empêchant la crémation des personnes opposées l’emportait ou non sur l’article L. 2215-1 du CGCT imposant la redevance d’ossuaire.
La loi est parue au Journal officiel du 20 déc. 2008. Par conséquent, ces questions juridiques n’ont pas encore été posées au tribunal d’instance, instance juridique pour tout litige inférieur à 10 000 € en cas de recours privé (et non administratif) portant sur une redevance.
Le calcul de cette redevance mérite d’être détaillé car il aura des conséquences sur les volontés des familles à vouloir occuper éternellement un ossuaire :
- Premièrement, les cimetières étant généralement implantés sur le plus mauvais terrain de la commune, inconstructible et gorgé d’eau, les corps ne sont pas réduits à l’état d’ossements au moment de la récupération de la concession, et encore moins pour un terrain commun repris après cinq années d’inhumation. Entre parenthèses, si le maire perd le droit (à juste raison) de crématiser les restes mortels à l’échéance de la concession, les familles seront assurées que les restes mortels demeureront au cimetière et demanderont davantage de terrains communs en lieu et place de concessions. Cette mesure aura donc des conséquences, d’une part sur la demande de concessions et d’autre part sur la durée minimale des terrains communs qui devra correspondre à la durée de réduction des corps à l’état d’os blancs, à moins de mettre en place des caveaux de la marque NF P 098-049. L’absence de réduction de corps impose actuellement pour la boîte à ossements nécessaire à l’exhumation une longueur de 1,20 m (au lieu de 0,60 m si le terrain était apte à l’usage), sur 0,40 m de large et 0,30 m de hauteur.
- Deuxièmement, la boîte à ossements occupe une surface au sol de 1,20 m sur 0,50 m minimum avec les poignées, soit 0,60 m2 et on peut en superposer cinq sur une profondeur de 2 m, puisque l’éthique impose de les placer chacune à plat sur une étagère.
- Troisièmement, même en considérant que la demande pour l’ossuaire perpétuel ne soit que de 60 % des décès, compte tenu d’une demande de crémation de 40 % dans les contrats obsèques actuellement souscrits, tous les ossuaires de tous les cimetières vont être rapidement saturés. J’en conclus que le prix du terrain d’ossuaire atteindra le prix d’une concession perpétuelle à Paris, qui était, au 10 mars 2003, de 7 720 € pour 2 m2, soit 3 860 € le m2.
Le prix de la place en ossuaire revient donc à 3 860 € multiplié par 0,60 et divisé par 5 (pour cinq empilements) au minimum, en négligeant la place inutilisable (le calcul est proportionnel, sans tenir compte de la place perdue quand il reste un volume insuffisant pour déposer une boîte à ossements). Ce prix de 463,20 € minimum est celui de la surface nue, hors construction de l’ossuaire.
- Quatrièmement, un ossuaire doit permettre le rangement des boîtes à ossements sans donner de maux de dos aux manutentionnaires (d’où un escalier en dur de un mètre de large) et être étanche pour respecter la dignité du lieu. Voici un exemple réel : dans une commune d’Île-de-France, le prix d’un ossuaire de 5 m sur 5 m et 3,50 m de haut, avec 4 étagères séparées par 60 cm (plus le sol) s’est élevé à 17 500 €. L’escalier est central et laisse 0,75 cm de part et d’autre pour permettre l’accès aux étagères d’une profondeur de 1,25 m. La largeur de ces étagères, avec l’espace devant, est volontairement prévue pour pouvoir accueillir des cercueils de 2 m, au cas où le corps ne serait pas réduit (je répète qu’il s’agit d’un cas réel, car l’absence de réduction doit réglementairement entraîner la réinhumation jusqu’à réduction des corps, seuls les ossements pouvant être déposés en ossuaire et non un cercueil entier).
De chaque côté de l’escalier, une étagère de 5 m de long contient 10 boîtes disposées perpendiculairement et il reste une étagère de 2,5 m face à l’escalier sur laquelle on pose 5 boîtes. Chaque étage de l’ossuaire contient donc 25 boîtes et l’ossuaire complet 125 boîtes. Le coût de construction revient donc à 140 € par boîte à ossements ou place d’ossuaire.
Au final, une place en ossuaire coûte donc 603,20 € à la commune, somme arrondie à 610 € pour tenir compte de la place perdue. La commune ne pouvant faire de bénéfice sur cette opération, il convient d’affiner cette estimation et que chaque collectivité locale fasse ce calcul qui dépend de la population de la ville, de sa religion et du coût du terrain. À cette somme d’équipement doit s’ajouter le coût de la surveillance de l’ossuaire, à moins qu’il ne soit déjà compris dans le coût du terrain.
Le calcul précédent montre la manière de procéder pour permettre à la collectivité de fixer son coût, lequel aurait pu tenir compte du prix de la boîte à ossements si ce dernier n’est pas déjà compris dans le prix de concession. Enfin, le calcul estimé de cette redevance servira d’indicateur, à la fois de surface nécessaire pour la mise en place de cette mesure et de coût pour les familles qui souhaitent en bénéficier.
Compte tenu que cette charge revient à l’utilisateur de l’ossuaire et non à chaque habitant de la commune, pas plus qu’à la commune, il faut absolument créer une redevance d’ossuaire, qui est le coût pour la commune de la conservation des restes mortels interdits de crémation. Cette mesure ne nécessite aucun texte réglementaire et il reviendra à chaque collectivité de le spécifier dans son règlement de cimetière.
De plus, on peut légitimement envisager que des cérémonies religieuses soient célébrées, par exemple le jour des morts, pour le repos des âmes des trépassés, lorsque les Français retourneront à la religion et à ses pratiques. Ces cérémonies auront des conséquences sur l’aspect extérieur de l’ossuaire qui, actuellement uniquement technique, devra être plus monumental, plus cérémonieux. Le coût de cet ossuaire sera donc appelé à se renchérir, avec du travail pour les marbriers.
Enfin, lorsqu’une petite commune n’utilise qu’un seul ossuaire, elle devra soigneusement étiqueter les boîtes à ossements ou séparer les deux catégories : interdites de crémation ou permises. En effet, l’article 433-21-1 du Code pénal réprime par six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende toute personne qui aura donné aux funérailles un caractère contraire aux volontés du défunt dont elle a connaissance. Or les funérailles recouvrent non seulement la cérémonie d’inhumation, mais également le devenir des restes mortels à l’issue de la concession.
En revanche, la loi actuelle impose à la collectivité de respecter les volontés du défunt, que ce dernier finance ou non la création de l’ossuaire. Or cette volonté d’avoir une place à l’ossuaire est pour moi indubitablement liée à la religion, et plus précisément à la croyance en la résurrection des morts. Mais la collectivité locale, comme l’État, se doit d’être laïque et neutre vis-à-vis des religions. Il revient donc à chaque personne désirant rester à l’ossuaire de financer sa place. L’indépendance des autorités et des religions conduit nécessairement à ce financement personnel.
Or on se trouve en présence d’une contradiction entre deux lois : la loi sur la liberté des funérailles qui impose au maire de respecter les volontés du défunt et la loi sur le financement de l’utilisation privative du domaine public, qui impose à l’occupant de financer sa place. Si le législateur ne statue pas sur la loi prioritaire par rapport à l’autre, alors ce sera au tribunal de trancher.
Du fait que le Code pénal impose au maire de respecter les volontés du défunt, il importe de protéger la collectivité contre une personne qui voudrait rester à l’ossuaire sans en assurer le financement, en prévoyant, par la loi, la crémation et la dispersion des cendres pour les personnes qui refusent de financer la création de leur place d’ossuaire.
L’article L. 2223-4 du CGCT doit donc absolument être complété par l’alinéa suivant : "Les personnes opposées à la crémation des restes exhumés doivent participer aux frais de financement et de fonctionnement de l’ossuaire par une redevance d’ossuaire, dont le montant est fixé par l’autorité délibérante de la collectivité locale. En l’absence de paiement de cette redevance, le maire fait procéder à la crémation des restes mortels et à leur dispersion sur le lieu destiné à cet usage du cimetière le plus proche".
Ainsi ne seront pas mises à la charge de la collectivité, laïque répétons-le, des dispositions religieuses qui relèvent de la conscience de chacun. Bien entendu, le bureau d’aide sociale de la commune et le Conseil général peuvent mettre en place une aide pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Un nouveau marché s’ouvre également pour les contrats obsèques et les assurances-décès.
Sans préjuger de l’avis du tribunal, je présume qu’il statuera dans le sens décrit par M. Damien Dutrieux, c’est-à-dire l’absence d’obligation pour la redevance d’ossuaire en raison de l’inégalité de traitement ainsi créée entre les usagers, ce qui lui ôte tout intérêt. C’est pourquoi la République devrait compléter l’article L. 2223-4 du CGCT en imposant le paiement de la redevance d’ossuaire, même si le législateur n’a pas cru bon de le faire jusqu’à présent.
Mais il ne fait aucun doute pour moi que d’ici quelques centaines d’années, l’encombrement des ossuaires imposera cette mesure de paiement pour occupation privative, en raison, d’une part, de la prise en compte de l’environnement et, d’autre part, de l’évolution des responsables religieux qui expliqueront à leurs ouailles que, Dieu étant tout puissant, peut ressusciter un corps aussi bien à partir de ses ossements que de ses cendres, même dispersées.
4 - Accueil des familles
S’il est évident que les familles doivent pouvoir venir se recueillir sur la tombe d’un parent, il est également impératif que la circulation des véhicules soit réglementée, ainsi que les conditions de travail des marbriers afin que le cimetière conserve sa décence et son recueillement. C’est tout l’intérêt d’un règlement de cimetière.
Ce règlement doit au minimum comprendre des articles relatifs aux règles d’inhumation des personnes (terrain commun et concessions), à l’ouverture au public (tenue décente et circulation des véhicules), au travail du marbrier (autorisation de travaux, protection des tombes voisines, sécurité et décence) et enfin à la reprise des concessions. Il importe que le public non au fait de la réglementation sache comment est reprise une concession et qu’on ne vient pas dans un cimetière pour jouer de la guitare dans un endroit public, mais seulement en cas de cérémonie pour un défunt.
Un règlement de cimetière doit comprendre au minimum des articles concernant :
- les personnes ayant droit à inhumation dans le ou les cimetières (personnes décédées sur le territoire, personnes domiciliées sur la commune et personnes possédant une concession de famille) ;
- les différents terrains affectés soit aux terrains communs, aux concessions funéraires et/ou cinéraires, chacun accompagné de sa durée ;
- les conditions d’attribution de concession et de renouvellement ;
- le choix de la place (dans l’ordre des demandes ou non), ou le prix de la concession variant en fonction de la proximité à l’allée principale ;
- le rappel de l’inhumation dans les six jours suivant le décès ou l’entrée en France, sauf dérogation du préfet ;
- le paiement des taxes ;
- l’utilisation du caveau provisoire avec un tarif croissant avec le temps, sans excéder six mois par exemple, et en prévoyant l’inhumation en terrain commun à l’échéance de ces six mois ;
- les horaires d’ouverture du ou des cimetières, avec départ au son de la cloche un quart d’heure avant la fermeture ;
- l’interdiction d’accès aux personnes ivres, aux enfants non accompagnés, aux animaux domestiques même tenus en laisse et aux personnes non vêtues de façon décente, y compris les marbriers ;
- l’interdiction d’escalader les murs ou les monuments, de déposer des ordures en dehors des endroits prévus à cet effet, d’apposer des affiches, d’y jouer ou faire du bruit en dehors des cérémonies ;
- l’interdiction de diffuser de la publicité (pour une activité funéraire ou autre) en dehors des logos sur les véhicules ;
- l’interdiction d’y circuler en véhicule, à l’exception des véhicules autorisés, soit pour les personnes handicapées, soit pour les marbriers. Leur stationnement ne devra pas gêner la circulation et ces véhicules devront rouler au pas, tout en laissant la priorité aux convois funéraires dans tous les cas ;
- le rôle du personnel de cimetière (surveillance du cimetière, respect de la réglementation et ouverture des gros sacs à provisions pour surveiller les vols) ;
- les conditions administratives de construction d’un caveau et monument selon le secteur (interdiction du monument en secteur paysager par exemple, sauf une plaque de telles dimensions encastrée dans le sol de façon à permettre le passage de la tondeuse municipale – qui aura lieu avant ou après les horaires d’ouverture au public) avec une autorisation de travaux ;
- les conditions matérielles de construction du caveau et monument (sol propre tous les soirs, défense de toucher aux concessions voisines ainsi qu’aux arbres, travaux bruyants en dehors du cimetière, matériaux apportés au fur et à mesure, protection des fosses contre les chutes) ;
- les conditions de reprise des concessions ;
- les conditions d’exhumation (avant l’ouverture du cimetière au public, tenue spéciale, désinfection du cercueil avant manipulation) et de réduction de corps;
- les délais de reprise par les familles des signes funéraires et monuments à compter de la date de la décision de reprise.
5 - Histoire
Il existe de beaux monuments du passé ou des tombes de célébrités et il serait dommage qu’ils disparaissent. Ces monuments ont été bâtis sur un terrain qui fait retour à la commune (ou à une collectivité territoriale). Par conséquent, la construction devient sa propriété, à titre privé (circulaire du 28 janv. 1993 relative à la nature et la destination des monuments se trouvant sur les sépultures abandonnées).
Dans pratiquement toutes les conditions de reprise de concession, la commune laisse un délai à la famille pour récupérer les signes indicatifs de sépulture, un an en général. Mais la famille a généralement disparu et le monument revient à la commune. Toutefois, la mesure de protection d’un bien immeuble n’est pas une mesure individuelle, ce qui pose le droit de l’opposabilité des ayants droit à la mesure de protection (circulaire n° 22 du 31 mai 2000 relative à la protection des tombes et cimetières) et impose une mesure de publication pour information.
Les monuments modernes sont détruits pour devenir du remblai servant à renforcer un chemin. Mais les monuments à caractère historique ou architectural peuvent être sauvegardés et entraîner un circuit local de visite du patrimoine.
La décision de classement ou d’inscription relève de la Commission régionale des Affaires culturelles, après étude du dossier par la Direction régionale du patrimoine et des sites (loi du 31 déc. 1913 sur les monuments historiques). Cette décision entraîne des servitudes de protection des abords sur 500 mètres. De plus, ce monument ne peut être vendu ni donné sans information du ministre de la Culture.
Tous les travaux sur les monuments classés sont soumis à contrôle par l’architecte en chef des monuments de France (c’est seulement une recommandation pour les monuments inscrits). En revanche, le choix de l’entreprise et de l’architecte exécutant les travaux est libre.
Les monuments ou cimetières classés ou inscrits à l’inventaire national des monuments historiques peuvent bénéficier d’une aide de l’État limitée à 40 % du total des frais. Ce montant est lié au classement ou à l’inscription.
6 - Conclusions
Ce survol de la réglementation applicable au cimetière est une autre preuve de la vitalité du cimetière puisqu’il existe des questions juridiques nouvelles et sans réponse officielle. C’est l’un des intérêts du métier de pompes funèbres, marbrier ou service public communal du cimetière, de jongler entre les interdictions et les possibilités offertes par la réglementation pour satisfaire les familles, une fois vaincue la peur initiale de travailler dans ce domaine.
La gratitude offerte par les familles quand les obsèques se sont bien déroulées est aussi un baume au cœur pour ces travailleurs de l’ombre (en Inde, seuls les parias, la plus basse couche de la société, peuvent réaliser les crémations).
C’est pourquoi ce métier devient une vocation et que des personnes non enfantées par ces professionnels restent toute leur vie sur ce domaine particulier.
Claude Bouriot
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