Après une année de travaux, le crématorium de Rennes Métropole implanté à la Clairière-du-Plessis de Vern-sur-Seiche près de Rennes (35) a été inauguré le 26 juin dernier par Daniel Delaveau, président de la communauté d’agglomération Rennes Métropole en présence de nombreuses personnalités.

 

Historique du projet

En 2002, un groupe de travail crématorium se met en place, au sein de Rennes Métropole, sous la houlette de Joël Bouvet, vice-président et maire de Brécé.

Rennes Métropole a acquis la compétence "création et gestion de crématorium" le 13 août 2003.

La communauté d’agglomération a donc décidé de prospecter sur l’ensemble de l’agglomération afin de retenir des communes susceptibles d’accueillir l’équipement. C’est le site de Vern-sur-Seiche qui a présenté le plus de qualités requises pour l’implantation du nouveau crématorium : pour sa situation, l’accessibilité et la desserte du site, la qualité de son environnement, les contraintes urbaines et techniques qu’implique la réalisation.
Le conseil communautaire du 18 mars 2004 a approuvé le principe de la délégation de service public portant sur la construction et l’exploitation d’un crématorium communautaire. Une consultation a donc été lancée pour la passation d’un contrat de délégation de service public de type concession. Par ce contrat, le futur exploitant devait assumer la construction et l’investissement de l’équipement. Cette consultation s’est relevée infructueuse en raison du désistement du seul candidat ayant remis une offre lors de la négociation. Le montage initialement envisagé n’a pas pu être poursuivi.

Néanmoins, Rennes Métropole devait se doter d’un crématorium pour satisfaire la demande croissante de ce mode funéraire.

Afin de répondre à cette volonté de la communauté d’agglomération, un concours restreint anonyme a été lancé en juillet 2005, en une seule phase, sur niveau esquisse. L’objectif final étant d’attribuer un marché de maîtrise d’œuvre avec mission complète portant sur la conception et le suivi des travaux de construction du crématorium.
Le 2 octobre 2007, le préfet, après un avis favorable du comité d’hygiène, autorise, par arrêté, la construction du crématorium de Rennes Métropole sur la commune de Vern-sur-Seiche.

En janvier 2009, les élus de Rennes Métropole désignent la société OGF comme délégataire de service public pour l’exploitation du crématorium de Rennes Métropole.

Enjeux et objectifs stratégiques

Depuis une vingtaine d’années, la crémation se développe en France comme dans d’autres pays européens. À peine 1% de la population y avait recours il y a quinze ans. Aujourd’hui le taux de crémation, qui a dépassé 20% en France, n'atteint que 17,5% en Bretagne, alors que 40% des Français affirment y être favorables. En outre le besoin de nouveaux crématoriums est inéluctable car l’évolution démographique de la population bretonne conduira à un vieillissement important à l’horizon 2020-2030 avec pour effet, l’augmentation substantielle du nombre de décès.

Avec cinq crématoriums en Bretagne, dont un en llle-et-Vilaine, l’offre est insuffisante. Dans le département, il était temps d’apporter une alternative au seul site de Montfort-sur-Meu, en service depuis 1991, prévu à l’origine pour 600 crémations et qui en effectue plus de 1 000 par an avec quelques difficultés et des temps d’attente douloureux pour les familles.

Situation symbolique

Un équipement crématiste est avant tout un lieu de sérénité. Le site de Vern-sur-Seiche offre toutes les qualités requises à cette quiétude. Il se situera à la lisière du bois de Soeuvre, en bordure de la zone d’activité du même nom, et l’environnement boisé - près de 140 hectares de bois et de clairières - isolé des habitations, apportera aux familles un cadre de verdure propice au recueillement. De plus, situé sur une commune de la première couronne, le site concentre les avantages qui en découlent : facilité d’accès, service de proximité comme l’hôtellerie, la restauration etc.

Étapes et chiffres clés :

a) Quelques dates clés du projet

- 2 octobre 2007 : après avis du comité d’hygiène, le préfet, par arrêté, autorise la construction du crématorium de Rennes Métropole sur la commune de Vern-sur-Seiche.
- 4 juin 2008 : pose de la première pierre.
- septembre 2008 : coulage de la dalle haute de l’espace public.
- octobre 2008 : début d’intervention des corps d’état second œuvre.
- janvier 2009 : signature de la délégation de service public.
- 28 mai 2009 : réception des travaux.
- 5 juin 2009 : remise des clés au délégataire - OGF.
- juillet 2009 : mise en service du crématorium de Rennes Métropole.

b) Chiffres clés

- Superficie du terrain : 1 ha 50 a.
- SHOB : 1 205 m2 - SHON : 1 000 m2.
- Enveloppe budgétaire globale : 3 800 000 € TTC (valeur fin de chantier).
- Une grande salle de cérémonie de 150 places.
- Une petite salle de cérémonie de 40 places.
- Un four initial pouvant permettre 1 000 crémations par an.

Un lieu d’architecture

Sujet sensible, sujet de société

La crémation est un mode funéraire qui ne cesse de se banaliser en France inscrivant notre pays dans une tendance générale en Europe, République tchèque et pays nordiques en tête. Au vu de la charge émotionnelle des instants passés dans ces lieux, les bâtiments ne peuvent avoir une expression seulement technique ou fonctionnelle au risque de se traduire en des non-lieux architecturaux. Le caractère "difficile" du programme fait au contraire du crématorium un élément d’investigation passionnant pour une architecture contemporaine, exigeante et généreuse. Le développement de la pratique de la crémation s’insère aussi dans une réflexion plus large sur les espaces funéraires, en apportant un élément de réponse à l’impossible étalement des cimetières. Ces différentes raisons concourent à faire des crématoriums un des sujets architecturaux, urbains, et sociologiques les plus intéressants de notre époque.

PLAN01* a envisagé ce programme sensible comme question de société :
- Comment concilier laïcité et émotion ?
- Comment parler de la mort et rester du côté des vivants ?
- Comment être dans l’exceptionnel et conserver une exigence environnementale forte ?

Les dix architectes de PLAN01 ont abordé ce sujet en confrontant leurs expériences, réelles ou fantasmées. Ils ont mis en commun leurs réticences, leurs craintes et leurs représentations, mais aussi leurs attentes de ce que devrait pouvoir permettre un crématorium :
- Libérer l’émotion, être le point d’ancrage d’un travail de deuil qui s’amorce.
- Créer les conditions d’un moment digne et spirituel.
- Recevoir des familles mais aussi des individus.
- Accueillir des cérémonies de confessions différentes mais aussi laïques.
- Permettre aux proches de se retrouver, aux personnes de s’isoler.

Un bâtiment paysage

Le dispositif spatial ménage la diversité des réactions humaines. À l’inverse d’un mausolée, l’architecture est légère et lumineuse ouverte à l’interprétation et à l’appropriation par chacun. Sur le site comme dans le bâtiment, le leitmotiv du cercle se répète et se diffracte jusqu’à façonner le paysage. La composition d’ensemble est d’une symbolique ouverte empruntant à la constellation, au mécanisme d’horlogerie, aux sites rituels celtes, etc. La référence au quotidien, au "monde de l’angle droit", disparaît pour créer une expérience singulière due à la fluidité des parcours et des circulations, propice à libérer l’émotion.
Sur le site, les traversées sont de fait informelles. La transition du bruit urbain au silence intérieur est accompagnée par une variation de sons naturels, du chant des oiseaux au bruissement du vent dans les feuilles. Le premier sujet qui s’est imposé est la "juste" place du stationnement dans un programme qui doit échapper à la trivialité de l’univers automobile. Cette réflexion sur les séquences d’accès s’est enrichie du souhait de ne pas imposer un parcours unique et inexorable vers les lieux de cérémonie mais de générer une multitude de configurations d’approche, toutes convergentes. À chacun son parcours, à chacun son rythme, quitte à rester à distance, en se tenant en retrait.

Le bâtiment s’insère dans une vaste clairière bordée par une forêt et des champs, une route et des parkings discrètement répartis dans les sous-bois. Cette lisière forestière sépare l’espace du quotidien de l’exception de la cérémonie. C’est ici que les usagers abandonnent leurs véhicules et entrent en scène. Ils franchissent alors à pied une seconde enceinte, épaisse et discontinue, formée de lourds blocs de granit gris issus de carrières locales. Le bâtiment est situé au cœur de cet espace végétal, légèrement en pente, à ciel ouvert. Par sa forme, la simplicité de ses matériaux (béton, bois, granit), le crématorium génère une certaine solennité, non monumentale.

Il se présente comme un vaste disque qui flotte au milieu de la clairière. Un parterre de graviers blancs matérialise la projection au sol de la dalle. Cette correspondance définit un espace circonscrit mais ouvert sur le paysage, contenant différents volumes intérieurs. La luminosité de la sous-face est accentuée par la réflexion du soleil sur le grand bassin extérieur qui recueille les eaux de pluie de la toiture.

Des espaces intérieurs fluides

- Le grand hall central distribue l’ensemble du programme en intégrant à la fois l’espace d’accueil proprement dit et les circulations, de manière globale et hiérarchisée : il n’y a pas de couloirs mais des espaces aux formes organiques, baignant dans la lumière naturelle, avec des vues cadrées vers l’extérieur. L’ensemble participe à lutter contre les sentiments d’enfermement ou d’oppression.
Cet espace central est primordial : il est le lieu de rencontre avec les proches, le lieu où l’on se salue, où l’on peut être emporté par l’émotion. Il prend la forme d’un labyrinthe fluide et lumineux dans lequel il est possible de s’isoler, de s’abriter le long du grand mur serpentin ou auprès des grandes colonnes structurelles.
- La toiture de l’espace ouvert au public est une dalle orthotrope pleine en béton armé, une pièce d’un seul tenant, lisse et ronde. Ses larges débords permettent des transitions lumineuses fluides entre l’intérieur et l’extérieur. Elle est percée de trois patios, des bulles végétales qui offrent des échappées visuelles et sensorielles. Afin de satisfaire un degré de finition supérieur, des techniques de mise en œuvre sophistiquées, propres à des ouvrages d’art comme des ponts, ont été utilisées. Le coffrage de la dalle haute est réalisé en un seul élément, sans joints. Pour obtenir une surface parfaitement lisse, le béton a été coulé en une seule fois, mobilisant une cinquantaine de camions toupies. La dalle repose directement sur des poteaux, placés aléatoirement. La structure s’affranchit des retombées de poutres visibles, supportant des charges ponctuelles avec une bonne diffusion des contraintes. L’ensemble est continu, aérien.
- Les deux salles de cérémonies (150 et 40 places) se présentent comme de grands volumes circulaires, opaques et intimes, engageant le rassemblement des participants autour du corps du défunt.

Des salles d’attente positionnées en satellites des salles de cérémonie servent "d’espaces-tampons". Leurs parois entièrement vitrées, peuvent s’ouvrir vers l’extérieur, ou être complètement occultées par des rideaux translucides, selon la volonté des occupants. Ce dispositif permet de gérer les arrivées et les départs des salles en évitant les croisements brusques et gênants entre les différentes familles.

- Trois patios-jardins font entrer la végétation au cœur du bâtiment. Un premier, implanté au nord, reconstitue un bosquet fait de bouleaux sur rochers de granit et de schiste (17m2). Au centre, une plantation de hêtres offre un sous-bois fleuri (30m2). Au sud, un petit patio (7m2) abrite un olivier, arbre qui symbolise l'éternité.
- Les espaces non accessibles au public, dédiés à la gestion et au process technique d’incinération, bénéficient d’une situation particulière. Ils sont contenus dans le premier volume visible lorsqu’on accède au site, celui vers lequel convergent les convois. Ce choix confère au disparu le statut principal, en quelque sorte celui de l’hôte de marque qui dispose d’un accès unique et cérémoniel, commandant le schéma de circulation sur l’ensemble du site.

Une approche environnementale : l’assise du projet

La question environnementale, loin de toute "ornementation verte", est la véritable assise du projet. Avec sa toiture végétalisée et son grand bassin extérieur, par l’utilisation de matériaux locaux comme le granit et bois (châtaignier issu de forêts gérées écologiquement), le crématorium opère une intégration tant végétale que minérale dans le paysage. Croisant les différents référentiels en vigueur à l’échelle internationale, PLAN01, avec sa cellule interne d’éco-design PLAN02, s’est attaché à optimiser la performance environnementale du crématorium.

Un bâtiment économe en ressources

La gestion de l’énergie : le bâtiment respecte la réglementation thermique 2005 (-10%); la récupération des eaux de pluie et l’installation d’une pompe à chaleur permettent la réduction des besoins en énergie. Il est surmonté d’une toiture végétalisée "en casquette", plus large que le bâtiment lui-même. Elle apporte de l’ombre et améliore l’inertie thermique du bâtiment. La dalle béton absorbe la chaleur, améliorant les qualités d’usage en été. De cette façon, les faux plafonds ont été évités dans les parties communes. Le chauffage du hall et des salles de cérémonie est assuré par un plancher chauffant sur pompe à chaleur réversible (pour le confort d’été). Il est complété par une ventilation double flux, avec apport d’air neuf par puits canadien, dans les salles de cérémonie.

La gestion de l’eau : les écoulements d’eaux pluviales sont maîtrisés pour permettre la mise en place d’un stockage enterré destiné à arroser les espaces plantés durant les 7 mois au bilan hydrique négatif. La toiture végétalisée et les noues paysagères permettent la rétention des eaux de pluie et retardent la mise en charge des réseaux de collecte publics.

Des espaces confortables et sains

Pour une relation harmonieuse des bâtiments avec leur environnement immédiat, les espaces boisés situés en périphérie de la parcelle sont renforcés sur les 4 côtés du site de manière à créer un filtre visuel entre le bâtiment et le développement futur du site au sud (zone d’activités). Ils permettent également de "fondre" le site dans la masse végétale du bois alentour, et de privatiser le parvis d’accès qui devient une vaste clairière. Avec le verre et le béton, le bois (de châtaignier) est le matériau principal du crématorium, utilisé pour les parements verticaux des façades extérieures et des cloisonnements intérieurs.

Optimisation des apports et des protections passifs

Les principales mesures pour assurer l’homogénéité des ambiances hygrothermiques sont passives :
- Débords de toit au droit des surfaces vitrées dans les locaux publics, façades vitrées limitées à l’ouest.
- Utilisation des patios pour créer une ventilation naturelle transversale en été.

Un confort acoustique

L’isolation acoustique est renforcée par effet de masse entre le hall et les salles de cérémonie, ainsi qu’avec la zone "privée" du bâtiment. L’affaiblissement des bruits d’équipements est réalisé en limitant leur usage dans la zone publique et en regroupant les équipements actifs dans la zone privée.

Confort visuel

Le débord de toit et les patios permettent un éclairage naturel optimal en termes de confort et de dépenses énergétiques. Ils favorisent l’éclairage indirect dans les espaces publics.

OGF N° 1 français des services funéraires

OGF est le premier groupe privé de services funéraires en France. Il a réalisé un chiffre d'affaires de 520 millions d'euros au cours de l'exercice clos le 31 mars 2008. Ses activités sont réparties entre trois pôles :
- Le pôle services funéraires (pompes funèbres, marbrerie, gestion de crématoriums).
- Le pôle prévoyance funéraire.
- Le pôle industrie.
Principales entreprises ayant collaboré au projet :
- Mab Construction (gros œuvre),
- SNPR (étanchéité),
- Scob (ossature/bardage bois),
- Guitton (menuiseries extérieures),
- CFMI (serrurerie),
- Desiles Paysagistes (espaces verts, paysage),
- Facultatieve Technologies (incinérateurs).
*PLAN01 architectes

Fondé en 2002, PLAN01 n’est pas une agence comme les autres, c’est un collectif qui réunit 4 agences (Atelier du Pont, Bocabeille/Prégo Architectures, KOZ et Philéas), les références et le savoir-faire de 10 associés architectes (Jean Bocabeille, Anne-Cécile Comar, Philippe Croisier, Christophe Ouhayoun, Stéphane Pertusier, Ignacio Prego, Dominique Vitti, Julien Zanassi, Anne-Charlotte Zanassi, Nicolas Ziesel). Chacune des 4 agences développe ses propres projets dans des domaines variés.

Avec leur marque commune, PLAN01, ils s’impliquent dans des projets dont la charge symbolique, culturelle et sociale est singulière, et qui représentent autant d’occasions de développer des modes opératoires innovants et de nouveaux registres formels.

Il n’y a pas de "recette PLAN01" mais une démarche : une approche du projet dans une dynamique de groupe, sans hiérarchie formelle, avec une démarche de workshop et d’expérimentation, le respect du site, la mise en valeur de l’intelligence collective, la promotion de modes de vie innovants et d’une certaine qualité d’usage. Les projets de PLAN01 sont conçus à 10. Un binôme assure le suivi opérationnel du projet et la relation avec la maîtrise d’ouvrage.

Tous les projets sont conçus dans une exigence de performance environnementale assumée par une cellule interne d’éco-design, PLAN02, intégrée en amont dans le projet. Les productions PLAN01 témoignent de cet engagement : l’Historial de la Vendée vit en symbiose avec la prairie bocagée dans laquelle il se tapit ; le crématorium de Rennes Métropole procède d’une forme de "Land architecture", tandis que le Vélodrome de Madrid 2016 est un bâtiment temporaire qui restitue un site "propre" après les jeux olympiques.

Le collectif PLAN01 est l’auteur de bâtiments dont la logique d’insertion paysagère est manifeste comme l’Historial de la Vendée et le centre d’interprétation du Mémorial de Thiepval. La réflexion sur les grandes questions de notre époque, la production d’une architecture "engagée", caractérisent également le travail de PLAN01, lauréat du concours international MADRID 2016 avec un équipement 100% démontable et recyclable en abris d’urgence, et auteur du crématorium de Rennes Métropole, sujet de société s’il en est.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations