Le Parlement adopte la loi du 19 décembre 2008 dans laquelle se trouvent deux dispositions relatives à la législation funéraire qui visent à protéger les souscripteurs de contrats de prestations obsèques. La première disposition concerne la revalorisation de ces contrats. Elle précise que "le capital versé par le souscripteur d’un contrat prévoyant des prestations obsèques à l’avance produit un intérêt à un taux au moins égal au taux légal". La seconde disposition crée un fichier national destiné à centraliser lesdits contrats. Ces dispositions sont adoptées, comme l’ensemble de la loi, à l’unanimité, tant par l’Assemblée nationale que par le Sénat.
Le 30 janvier 2009 est publiée une ordonnance qui abroge ces deux dispositions en vertu d’une loi d’habilitation du 4 août 2008.
Cette abrogation par le gouvernement est considérée par le Parlement comme un procédé inacceptable. Les parlementaires se fâchent et rétablissent les articles 8 et 9 de la loi n° 2008-1350 du 19 déc. 2008 relative à la législation funéraire. Les sénateurs les votent le 25 mars et les députés le 28 avril 2009.
Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales a édité le 14 déc. 2009 une circulaire ayant pour objet la mise en œuvre de cette loi du 19 déc. 2008. Pour ce qui concerne la législation applicable aux contrats obsèques cette circulaire nous apprend que l’article 8 de la loi prévoit que la revalorisation du capital versé au titre d’un contrat obsèques s’effectue à un taux au moins égal à celui du taux légal. La création d’un fichier national destiné à recenser nominativement l’ensemble des souscripteurs de contrats d’assurance-obsèques fera l’objet d’un décret en Conseil d’État.
Le taux légal
Le taux de l’intérêt légal est fixé par décret pour la durée de l’année civile. Le décret n° 2009-138 du 9 février 2009 (publié au Journal officiel du 11 fév. 2009) fixe à 3,79% le taux de l’intérêt légal pour l’année 2009. Le taux de l’intérêt légal est fixé à 0,65 % pour l’année 2010, contre 3,79 % en 2009. En très forte baisse, il tombe à un niveau qui n’a jamais été aussi bas !
Il est égal, pour l’année considérée, à la moyenne arithmétique des douze dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des adjudications de bons du Trésor à taux fixe à treize semaines.
Le taux de l’intérêt légal sert notamment à calculer les intérêts dus par un débiteur défaillant après mise en demeure et à déterminer le taux minimal des pénalités applicables entre professionnels en cas de retard de paiement. Depuis le 1er janvier 2009, le taux des pénalités de retard prévu par les entreprises dans leurs conditions générales de vente ne peut être inférieur à 3 fois le taux de l’intérêt légal, soit 1,95 % en 2010.
Un taux minimum de revalorisation ?
L’objectif du législateur en imposant un taux minimum de revalorisation est tout à fait louable. Il s’agit de renforcer les garanties des familles endeuillées. Ces dispositions visent à assurer une revalorisation minimum des contrats prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance de manière à essayer de couvrir le montant de la facture des obsèques. Mais les bonnes intentions ne permettent pas toujours d’atteindre le but visé.
En effet le contrat obsèques est un contrat d’assurance-vie donc un contrat par lequel l’assureur prend l’engagement, en contrepartie du versement de primes ou de cotisations, de régler au souscripteur, à l’adhérent ou au tiers désigné, un capital ou une rente déterminée, en cas de décès de l’assuré ou en cas de survie de celui-ci, à une époque et pendant une durée définie dans le contrat.
Les assureurs doivent constituer des provisions techniques destinées à faire face aux engagements qu’ils ont pris. Le capital qui devra être versé au terme du contrat correspond au cumul des primes encaissées, diminué des frais de gestion et de souscription du contrat et majoré des intérêts servis par l’assureur.
Un contrat obsèques, quel que soit son type, quel que soit son mode de financement (prime unique ou primes périodiques), c’est toujours un capital placé entre le moment de la souscription et le moment du décès.
Les assureurs placent les fonds qui leur sont confiés par les souscripteurs de contrats pour pouvoir revaloriser ces contrats. Ils sont soumis à des règles légales strictes. Ils ne peuvent faire des placements hasardeux et risqués.
De manière générale la revalorisation des capitaux assurés est imposée par la loi, elle se décompose en deux éléments : le taux d’intérêt technique et la participation aux bénéfices. Le taux de revalorisation est égal au taux technique plus la participation aux bénéfices. Le taux technique est en quelque sorte le taux minimum que la loi impose aux assureurs et la participation aux bénéfices est le fruit de la qualité des placements effectués dans la sécurité par les assureurs.
Le taux d’intérêt technique est utilisé pour la tarification des contrats et pour le calcul des provisions mathématiques qui représentent la capitalisation des engagements de l’assureur à l’égard des assurés.
Pour les contrats à primes périodiques, quelle que soit leur durée, le taux d’intérêt technique est égal à 60 % du taux moyen des emprunts d’État (TME), sans pouvoir excéder 3,50 %.
Pour les contrats à prime unique dont la durée est, au plus, de 8 ans, le taux d’intérêt technique est plafonné à 75 % du TME. Au-delà de 8 ans, le taux technique passe à 60 % du TME, sans pouvoir excéder 3,50 %.
Dans les contrats à versements libres, le taux d’intérêt technique peut varier pour chaque versement. En effet, chaque versement est assimilé, pour le calcul du taux technique, à une prime unique. Il en résulte que le taux technique de chaque versement est plafonné à 75 % du TME pendant les 8 premières années suivant chaque versement. Au-delà de 8 ans, le taux maximal passe à 60 % du TME, sans pouvoir excéder 3,50 %. Aujourd’hui le taux technique est de l’ordre de 2%.
Comme le taux technique est intégré aux tarifs, ce qui va différencier la revalorisation des capitaux assurés c’est la participation aux bénéfices. Par exemple quand un souscripteur paie en prime unique un montant inférieur au capital assuré cela signifie que l’assureur a anticipé dans son tarif le taux technique. Son contrat ne peut plus être revalorisé que de la participation aux bénéfices. Dans le cas de primes périodiques la transparence est beaucoup moins évidente mais le mécanisme est le même.
La revalorisation des capitaux assurés va dépendre aussi des frais de gestion et du prélèvement sur les produits financiers que la loi limite à 15%. D’où l’importance de connaître le taux de chargement global du contrat d’assurance pour juger de sa qualité. Notons que la revalorisation du capital assuré va aussi être amputée du coût de la garantie assistance si celle-ci est incluse et financée sur les bénéfices du contrat.
Il apparaît clairement que l’assurance-vie est une matière très complexe où il est difficile de trouver son chemin et de vérifier si le contrat proposé correspond bien au besoin du souscripteur.
En matière funéraire, du fait de la loi de déc. 2008, le taux de revalorisation des contrats obsèques doit être au minimum égal au taux légal. Comme en 2010 le taux légal est de 0.65% et que le taux technique est de l’ordre de 2% cela n’aide pas beaucoup à la revalorisation des capitaux versés par l’assureur. Cela signifie que les capitaux versés en 2010 au titre de contrats obsèques pourraient ne pas être revalorisés sans recours possible. Il est difficile de croire que c’était là l’objectif que s’était fixé le législateur.
Comment mieux revaloriser les capitaux assurés en matière funéraire ?
La personne qui s’adresse à un opérateur de services funéraires pour financer de son vivant ses obsèques, souhaite en général prévoir l’organisation et le déroulement de ses funérailles et décharger sa famille de tout souci administratif et financier. Il faut donc lui proposer un contrat d’assurance qui lui apporte une garantie financière et un contrat de prestations qui lui apporte la garantie que les prestations qu’elle a choisies seront réalisées. Le contrat doit donc être spécialement étudié pour que les produits financiers générés par le contrat d’assurance couvrent dans la durée l’augmentation des prix des prestations funéraires. Lui assurer un taux minimum de revalorisation de son capital assuré est un progrès mais peut se révéler insuffisant.
Pour atteindre pleinement l’objectif de couverture dans la durée de l’augmentation des prix des prestations funéraires il faut plus de transparence, protéger le nom de "contrat obsèques", plus de communication et de souplesse.
Transparence
Pour donner de véritables garanties aux souscripteurs d’un contrat prévoyant des prestations obsèques à l’avance il faut définir des règles de transparence qui fassent apparaître de manière claire :
- si le capital souscrit couvre intégralement les prestations obsèques,
- si les ayants droit peuvent avoir à régler un supplément financier et dans quelles conditions,
- si les ayants droit peuvent percevoir la différence entre le capital majoré des intérêts produits et le montant des obsèques.
Réserver le nom de "contrat obsèques"
Il faut réserver le nom de "contrat obsèques" aux contrats distribués par les opérateurs funéraires qui répondent à ces règles de transparence et qui comportent un contrat d’assurance sur la vie lié à un contrat de prestations obsèques. Ces contrats doivent comporter une garantie financière et une garantie d’exécution des prestations.
Pourquoi tant de réticences à une chose aussi simple d’autant que le marché de la prévoyance funéraire se divise en plusieurs segments qui peuvent se différencier aisément en trois catégories :
- le contrat en capital pour les souscripteurs qui veulent prévoir un capital destiné à leurs proches pour les aider à faire face aux dépenses inévitables consécutives à un décès ;
- le contrat de prévoyance décès pour les souscripteurs qui prévoient les dispositions essentielles pour leurs funérailles et un montant global approximatif correspondant à ces choix ;
- le contrat obsèques pour les souscripteurs qui veulent tout prévoir.
Le contrat obsèques conçu avec le concours d’un assureur ne pourrait être proposé que par les opérateurs funéraires habilités.
Communication
Tous les contrats devraient obligatoirement faire l’objet de communication à l’intention des proches du souscripteur notamment par la distribution de "cartes mémoire" afin de donner le maximum de garantie que le contrat soit effectivement utilisé le moment venu. Ces cartes pourraient porter aussi les coordonnées du fichier national des souscripteurs de contrats d’assurance-décès.
Souplesse
Les passages du contrat le moins contraignant en matière de funérailles, le contrat en capital, vers le contrat de prévoyance décès puis vers le contrat obsèques devraient être permis et facilités.
Les opérateurs funéraires et leurs organisations représentatives doivent œuvrer dans ce sens et revendiquer des pouvoirs publics la mise en place de cette transparence et de cette souplesse, la réservation du nom "contrat obsèques" aux contrats distribués par les professionnels du funéraire et qui comportent une garantie financière accompagnée d’une garantie d’exécution des prestations funéraires choisies par le souscripteur.
Maurice Abitbol
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