On sait que sous l’empire du décret-loi du 23 prairial an XII, article 2, les cimetières devaient être implantés hors des enceintes des villes et des bourgs, à une distance d’au moins 35 mètres.

 

La notion ancienne de ville et de bourg


Pendant plus de cent ans ces règles n’ont pas varié. C’est le décret n° 53-902 du 26 septembre 1953 qui va substituer pour le calcul de la distance, à la notion de ville et de bourg, une autre notion qui apparaît pour la première fois : celle d’agglomération. Ce texte sera repris par l’article 442 du Code de l’administration communale.
Le Conseil d’État ayant été amené à se prononcer sur la légalité de cette modification par décret d’un texte ayant valeur de loi, a censuré cette transcription, au motif que le décret du 26 septembre 1953 n’avait pu remplacer les dispositions législatives en vigueur, car il ne tenait ni de la loi du 17 août 1948, ni d’aucune autre disposition législative le pouvoir de modifier les textes d’origine : CE, 4 février 1966, dame veuve Caffort et autres, Rec ., p. 77 ; JCP, 1966. II, 14610.
La notion d’agglomération ayant été réputée illégale, il a fallu revenir à celle, traditionnelle, de la ville et du bourg, pour apprécier la distance à respecter.
Le gouvernement a donc repris la rédaction de l’article 42 du Code de l’administration communale en intégrant dans le nouvel article L. 361-1 du Code des communes la formulation du décret de prairial an XII, le critère de ville et de bourg étant restitué.
Or, en ce domaine, la difficulté essentielle résidait dans l’incertitude qui planait sur la notion de ville et de bourg.
Le Conseil d’État s’était borné à affirmer, sans indiquer les critères retenus, qu’une partie agglomérée d’une commune n’était pas une ville ou un bourg au sens de l’article 2 du décret du 23 prairial an XII : CE, 4 février 1966, précité.
Dans d’autres décisions, la haute assemblée n’avait pas été plus précise sur ces notions ; notons cependant qu’un hameau n’était pas au nombre des agglomérations auxquelles s’appliquaient les dispositions du décret- loi de l’an XII : CE, 31 janvier 1902, sieur Lavisgnes, Rec., p.59.
En revanche, la commune de Saint-Jean-de-Ruelle, de plus de 3 500 habitants, fut considérée comme au nombre des agglomérations où s’appliquait le décret-loi du 23 prairial an XII : CE, sieur Malderet , Rec., p. 323.
À propos d’une procédure d’agrandissement de cimetière, le Conseil d’État, dans sa décision du 23 décembre 1887 s’était prononcé à la fois sur la distance à respecter et sur la notion d’agglomération, en fixant deux critères :
"La distance devait être comptée à partir de l’enceinte de la ville ou du bourg, si la commune en comportait une, et à défaut d’enceinte, à partir de la masse des agglomérations, c’est-à-dire du périmètre extérieur des constructions groupées".
Ces éléments étaient donc insuffisants pour permettre aux autorités publiques de se déterminer catégoriquement sur l’adaptation des sites ou emplacements retenus pour y implanter un cimetière, eu égard à l’ancienneté des dispositions légales et réglementaires, mais aussi par l’attitude du Conseil d’État, qui prononçait des décisions, au coup par coup, particulièrement subjectives, sans édicter de normes permettant de fixer un droit objectif et pragmatique.

La notion contemporaine : la commune urbaine et le périmètre d’agglomération


La loi du 25 juillet 1985, portant sur diverses dispositions d’ordre social, dans son article 45, a apporté les modifications attendues, intégrées au Code général des collectivités territoriales dans le nouvel article L. 2223-1 :
"Chaque commune consacre à l’inhumation des morts un ou plusieurs terrains spécialement aménagés à cet effet.
La création et l’agrandissement d’un cimetière sont décidés par le conseil municipal. Toutefois, dans les communes urbaines et à l’intérieur des périmètres d’agglomération, la création d’un cimetière et son agrandissement à moins de 35 mètres des habitations sont autorisés par arrêté du représentant de l’État dans le département.
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article 2".
L’entrée en vigueur de cet article est devenue effective avec le décret du 24 février 1986, (JO du 28 février) codifié à l’article R. 2223-1 du CGCT :
"Ont le caractère de communes urbaines, pour l’application du deuxième alinéa de l’article L 2223-1, les communes dont la population agglomérée compte plus de 2 000 habitants et celles qui appartiennent, en totalité ou en partie, à une agglomération de plus de 2 000 habitants.
L’autorisation prévue par l’article L 2223-1 est accordée après enquête de commodo et incommodo et avis du Conseil départemental d’hygiène.
Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur la demande d’autorisation vaut décision de rejet".
La loi du 25 juillet 1985 a modifié profondément le régime de la création des cimetières puisque ceux-ci ne sont plus tenus d’être éloignés d’une distance de 35 mètres de "l’enceinte des  villes et des bourgs" et qu’ils peuvent être situés dans un rayon inférieur à 35 mètres du périmètre des agglomérations de plus de 2 000 habitants, sous la condition, dans ce cas, d’obtenir l’autorisation préfectorale.
La circulaire du ministère de l’Intérieur et de la décentralisation n° 86-079 en date du 3 mars 1986 a, dans son chapitre II, intitulé dispositions applicables en matière de création et d’agrandissement de cimetières, apporté les précisions suivantes :
Circulaire du 3 mars 1986, extraits : Une autorisation ne demeure nécessaire que pour les créations et extensions de cimetières situés à la fois à moins de 35 mètres des habitations et à l’intérieur du périmètre d’agglomération des communes urbaines.
Dans tous les autres cas, les créations et extensions de cimetières sont librement décidées par les communes, sous réserve de l’application du Code de l’urbanisme.
Il convient de définir "le périmètre d’agglomération" conformément aux termes utilisés par la jurisprudence (CE 23 décembre 1887, Toret, Lebon p. 584) c’est-à-dire par "les périmètres extérieurs des constructions groupées ou des enclos qu’ils joignent immédiatement".

La procédure de création


L’article R 2223-1 allège la procédure d’autorisation. Elle est désormais accordée par arrêté du représentant de l’État dans le département après  enquête de commodo-incommodo (1) et avis de la commission compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques.
Outre la nécessité d’alléger la procédure, la décision à prendre suppose, en effet, la connaissance de données locales que vous êtes le mieux à même d’apprécier. Compte tenu des problèmes sanitaires que peuvent poser certains cimetières, vous voudrez bien faire instruire les demandes d’autorisation par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales.

Les communes rurales


Dans ces communes, les conseils municipaux bénéficient dans tous les cas de la liberté de créer et d’agrandir les cimetières, quelle que soit la distance entre ceux-ci et les habitations.
Néanmoins, il est recommandé aux communes de consulter un géologue si les conditions de l’alimentation en eau potable laissent craindre que des pollutions spécifiques résultent de l’établissement du cimetière.

Le principe de la liberté de choix du terrain


À l’origine, le choix de l’emplacement d’un nouveau cimetière était considéré comme une question d’opportunité, insusceptible d’être discutée par la voie contentieuse, dès lors que les conditions légales et réglementaires afférentes à sa localisation étaient respectées : CE, 26 janvier 1912, commune d’Antony et Guyot, Rec., p. 103.
Toutefois, le Conseil d’État a étendu son contrôle à l’égard de la protection de l’hygiène et la salubrité publique : CE. 26 février 1982, Madame Laigle, Recueil Lebon, p. 554, de la distance des points d’eau : CE. 20 janvier 1984, Muller, Recueil Lebon, Tables, pp. 523 et 716.
Bien plus : le cimetière d’une commune peut être situé à l’extérieur de son territoire. Cela correspond à deux types de situations :
- en dehors des hypothèses de regroupement communal ou de coopération intercommunale
Il peut se faire qu’une commune se trouve dans l’impossibilité d’établir un cimetière sur son territoire ; elle peut alors demander l’autorisation d’acquérir, à cet effet, un terrain situé sur une autre commune, l’administration préfectorale étant chargée d’apprécier les circonstances susceptibles de motiver cette autorisation : CE, 28 juin 1950, commune de Choignes et Société immobilière de la croix, Rec., p. 392, qui ne doit être accordée qu’en cas d’impossibilité dûment constatée de trouver un terrain convenable sur le territoire de la commune demanderesse : CE, 15 mai 1914, commune de Livry, Rec., p. 594, 13 juillet 1923, M. Roël et commune de Perreux, Rec., p. 568 ; 27 mars 1931, commune de Barembach, Rec., p. 387 ; 27 octobre 1948, commune de Livry-Gargan, Rec., p. 391.
Il doit être dans ce cas procédé à une enquête de commodo et incommodo distincte dans chacune des communes intéressées : CE, 6 mai 1936, ville
d’Essonnes, Rec., p. 500.
- Dans le cas d’un regroupement communal ou d’une coopération intercommunale
La possibilité de créer un cimetière communautaire résulte soit d’une procédure législative, l’article 4 de la loi n° 1069 du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines ayant conféré à ces établissements publics de coopération des compétences spécifiques, confirmées par la loi du 12 juillet 1999, dite loi Chevènement, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, codifiées à l’article L. 5215-20 du Code général des collectivités territoriales :
"La communauté urbaine exerce de plein droit, au lieu et place des communes membres les compétences suivantes :
en matière de gestion de services d’intérêt collectif :
- Création et extension des cimetières créés, crématoriums". (2)
La création d’un cimetière communautaire peut aussi résulter d’une volonté des communes membres d’un établissement de coopération intercommunale, dont principalement les communautés de communes et celles d’agglomération.
C’est une délibération du conseil de la communauté, après accord des communes intéressées, qui déclenchera le processus de création d’un cimetière communautaire. La procédure applicable pour la suite, est identique à celle décrite précédemment pour les communes agissant pour leur propre compte.
Notons enfin, que la création ou l’agrandissement d’un cimetière doit être compatible avec le POS ou le PLU : Conseil d’État, 8 janvier 1993, Mme Truze c/ Préfet des Bouches-du-Rhône, le contentieux ayant porté dans ce cas sur la déclaration d’utilité publique de l’acquisition d’une parcelle de terrain destinée à la création d’un nouveau cimetière sur le territoire de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts.
Dans un précédent article, nous avons mis l’accent sur le caractère d’ouvrage public du cimetière, en estimant qu’il était, malgré l’évolution de la jurisprudence encore juridiquement protégé, les contestations s’élevant en amont de l’acte de construire.
Cet arrêt confirme donc la pertinence de notre analyse.

Jean-Pierre Tricon

Nota :
(1) La loi du 19 décembre 2008 n’a pas supprimé l’enquête de commodo et incommodo pour la création ou l’agrandissement d’un cimetière ; ces dispositions ont donc toujours cours.
(2) Par cimetière créé, il convient d’entendre les cimetières créés par la communauté urbaine : les cimetières existants ne sont pas concernés : circulaire du ministère de l’Intérieur n° 69-222 du 8 mai 1969.

 

Instances fédérales nationales et internationales :

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